Alors que l'itinéraire de Rathnam prévoyait de descendre vers le Sud après la courte pause à Havelock, j'avais envie d'aller faire une petite incursion dans le Nord proche, et en particulier dans le triplet des îlots Button (Button North, Button Center and Button South).
Une étape d'une vingtaine de milles, à nouveau, mais qui demande six à sept heures de navigation quand on se retrouve à tirer des bords face au vent et au courant, dans des petits airs. Mais une navigation très intéressante, car rendue tactique par les bascules du vent.
J'aurais préféré passer par le côté Est, plus venté, puis emprunter le chenal qui est, paraît-il, splendide et truffé de poissons, mais les lois indiennes qui permettaient cela il y a quatre ou cinq ans, interdisent aujourd'hui toute cette zone (hachurée en rouge sur la carte).
Pourquoi North Button et pas un autre îlot ? Comme je vous l'ai déjà dit, j'avais des comptes rendus de croisières aux Andamans, et les navigateurs qui avaient fait escale à North Button avaient apprécié la richesse des fonds sous-marins, ainsi que la sécurité du mouillage. Comme cela faisait longtemps que je n'avais pas mis mon masque et mon tuba, j'ai mis le cap sur cet îlot.
J'aperçois trois voiliers au mouillage |
North Button vue depuis Sabay Dii |
North Button vu depuis un satellite |
J'arrive à North Button vers 15 heures, juste à temps pour aller explorer les fonds marins. Et là, grosse déception, mais cette fois-ci les Indiens n'y sont pour rien. Pas de corail multicolore, mais des tas de calcaire compacté un peu partout. Pratiquement pas de poissons, alors que l'on est dans une zone protégée où la pêche et la chasse sous-marine sont strictement interdites.
Eh oui ! Je ne peux que constater tristement les terribles dégâts du séisme et du tsunami de 2004. Ici, plus que partout ailleurs dans le Golfe du Bengale, les fonds ont été complètement défoncés. Des îles ont disparu, d'autres ont été coupées en deux. Par endroits, les fonds sont descendus de plus de deux mètres alors que, à quelques milles à peine, ils étaient soulevés d'autant. Dans de telles convulsions, les massifs de corail se sont effondrés. Effroyablement traumatisé, il ne s'en est jamais remis. Pire, il semblerait que la situation se soit aggravée au cours du temps. Quand on sait que le corail est à la base de la chaîne alimentaire halieutique, on imagine les conséquences sur le reste du espèces marines ; plus de poissons coralliens, plus de coquillages, plus d'oiseaux marins, plus de gros poissons carnivores, ... Le vide en somme !
Les environs de North Button sont devenus en une quinzaine d'années un véritable désert sous-marin et marin. Et ce n'est malheureusement pas une exception, comme vous allez le constater à la lecture de mes prochains messages.
Ce petit poisson-coffre de 20 cm de long sera ce que j'aurai vu de plus gros ! |
Désert subaquatique |
Pendant trois semaines, je n'aurai jamais aperçu un poisson sous le bateau, et à part deux aigles de mer à Cinque Island, et quelques sternes à Sisters Islands, je ne verrai à aucun moment un oiseau dans le ciel ou posé sur l'eau !
A terre, ce n'est guère mieux et l'estran est dépourvu de toute vie : pas de crabes, pas d'alevins, quelques malheureux et minuscules Bernard-l’Hermite, et partout du corail mort, pétrifié, et sédimenté, cuit t noirci par le soleil.
Il reste le sable blanc de la plage, mais à y regarder de plus près, ce n'est pas du sable mais des petits bouts de coquilles, vestiges des mollusques qui devaient peupler les fonds avant la catastrophe.
Après cette triste balade mi-aquatique, mi-terrestre de quelques heures seulement, je rentrais au bateau pour assister au spectacle quotidien et incendiaire du coucher de soleil, en me disant qu'il ne fallait pas rester sur une mauvaise impression
Ces trois bateaux sont à des copains australiens du rallye qui ont pris du retard sur la bande pointant plein Nord |
Je restai toute la journée suivante pour découvrir de quoi me remonter le moral. Malheureusement, dix heures à barboter et à marcher ne me permettront pas de modifier le triste constat. La mer d'ici est devenu un désert !
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