Bienvenu sur le site de Sabay Dii

En laotien, Sabay Dii signifie "bonjour", "salut", "ça va"...
Dans la pratique, cette expression est utilisée chaque fois qu'on est heureux de rencontrer quelqu'un.
Pas étonnant que j'ai baptisé mon bateau "Sabay Dii", non ?

vendredi 19 juillet 2013

Mouillages de Tahiti

Quelques images de mes premiers mouillages sur l'île de Tahiti
Pleine lune, en pleine nuit





Mais le mouillage, cela peut être aussi quand le vent se lève et atteint les 45 noeuds, quand les bateaux voisins dérapent, que les corps morts rompent, qu'il y a de la casse ... mais dans ces conditions, le capitaine de Sabay Dii n'est pas enclin à passer son temps l'oeil derrière l'oculaire. Il reste en veille. D'où seulement ces trois images qui sont loin de mettre en évidence le charivari régnant sur cette zone où sont mouillés plus de deux cents voiliers.

jeudi 18 juillet 2013

Sabay Dii new look à Papeete

Sabay Dii dans le port de Papeete
A peine arrivé à Tahiti, j'ai procédé au carénage de Sabay Dii.
Déjà vous allez me dire.
Eh oui ! C'était en novembre 2012 que j'avais refait la peinture anti-végétative qui sert à ce que les algues et surtout les coquillages ne se fixent pas à la coque. Mais depuis novembre, Sabay Dii a parcouru la bagatelle de 5000 milles nautiques (ce que fait habituellement un voilier français actif en 5 ans). 
Il fallait donc se remettre à l'ouvrage ...
Quatre jours à raison de 12 heures par jour pour lui refaire une beauté : 
un bel antifouling noir (et non plus rouge),
mais seuls les poissons verront la différence.

Au fait, Sabay Dii a déjà parcouru bien plus que 20000 milles nautiques, soit plus de 40000 km,
c'est-à-dire le tour de la terre en longeant l'Equateur !!!



mercredi 17 juillet 2013

Naviguer dans les Tuamotu

« Il y a bien longtemps de cela, Jean Bluche qui rentrait de son tour du monde sur Chimère en a ramené l'image la plus belle de ce qu'est un atoll : Ni tout à fait la terre, ni tout à fait la mer, mais une union des deux, comme offerte au marin dans un écrin d'azur entouré d'immensité. »
Tamata et l'alliance, Bernard Moitessier

Ah les Tuamotu ! Soixante-seize atolls magnifiques, disséminés sur 860 milles nautiques.
Ils constituent le plus grand archipel du monde. Probablement le plus beau aussi, et vous avez pu apprécier les images de ces extraordinaires lagons aux couleurs paradisiaques. Vous vous dîtes, probablement, que cela doit être génial d’avoir devant son étrave ce coin de la planète. Une navigation de rêve, paisible et sûre …
Apataki, du côté de chez Alfred
Eh bien détrompez-vous ! Ce petit coin de paradis pour le touriste, le photographe, le baigneur, le pêcheur, etc. n’est pas du tout une sinécure pour le navigateur, surtout en solitaire, bien au contraire. Autrefois, les Tuamotu se nommaient « l'archipel dangereux ». Trop de navigateurs y ont laissé leur bateau ! C'était au temps du sextant, des cartes approximatives et de la navigation astronomique. Aujourd'hui, les cartes (papier et électroniques) indiquent correctement la position des atolls et deux outils extraordinaires de confort et de précision sont à notre disposition pour nous situer : le GPS et le radar. Il n'empêche que, malgré une météo pas épouvantable comparée à celle d’autres régions du monde, les Tuamotu demeurent encore un des endroits de la planète où l'on a le plus de "chance" de casser son bateau. Pas difficile de s’en persuader en visitant les chantiers de Papeete : coques percées, gouvernails tordus, quilles arrachées ! Et pour les moins chanceux, le bateau reste en épave sur le récif.
 
 
Pourquoi ?
Oh ! Les raisons ne manquent pas.
  • La première est la difficulté à repérer un atoll. Tout est au raz de l’eau, et une grande partie de sa ceinture corallienne est même immergée. On ne voit que les palmiers, quand il y en a ; très peu de maisons ou de lumière, en général. On peut donc se retrouver, en plein Océan Pacifique, à quelques centaines de mètres seulement d’un atoll, sans l’avoir vu, de jour et par beau temps. Imaginez alors par mauvaise visibilité, ou avec une grosse mer, ou pire, de nuit. Il faut donc être très vigilant, 24 heures sur 24, dès que l’on navigue dans les Tuamotu. Pas question de s’endormir pendant son quart. La carte et le GPS doivent être comparés régulièrement à la recherche de la côte (toujours sous forme de récif) la plus proche. Et il faut tenir compte des courants qui peuvent être violents et dévier fortement le voilier de la route prévue.
  • Mais c’est surtout quand on s’approche de l’atoll que les choses se corsent. Pas question de pénétrer dans un lagon sans une étude détaillée de sa configuration et des conditions de vent et de mer. En effet, chaque atoll comporte un nombre limité de passes : une ou deux en général, quelquefois pas du tout ou seulement accessibles aux petites embarcations. Certaines sont larges, profondes et balisées , d’autres sont étroites ou présentent des seuils ou des chicanes et sont peu ou pas balisées. Parfois il existe un mouillage d’attente ou un bout de quai qui permet d’attendre les conditions favorables : bonne visibilité, soleil haut et dans le dos, et surtout un courant « raisonnable ». Dans tous les cas il est prudent de bien préparer la navigation et de mémoriser la carte avant d’y entrer, car ça va vite ! Et dans presque tous les cas, on n’en mène pas large. Ma première passe fut celle de Manihi, réputée facile, au moment que je pensais le plus favorable. Eh bien, il m'aura fallu presque une heure pour parcourir moins de 500 mètres, avec le moteur à fond, à contrer un courant sortant qui faisait déraper Sabay Dii dans tous les sens. A chaque instant, je me demandais si je n’allais pas rebrousser chemin, sans savoir d’ailleurs comment faire demi-tour dans un tel maelstrom. Et j’étais loin, ce jour-là, d’imaginer que j’aurai des conditions beaucoup plus effrayantes, lors du franchissement des passes suivantes, pour entrer comme pour sortir des lagons. Il m’est arrivé de me retrouver face à un véritable mascaret, c’est-à-dire une vague pratiquement stationnaire d’une puissance prodigieuse, formée par la rencontre de l’eau qui sort du lagon et de l’eau de la marée qui essaie de pénétrer dans l’atoll.
Passe de Manihi, à l'heure de l'étale de basse mer
Courant contre marée
  • La troisième difficulté réside dans le fait qu'un lagon est une sorte de lac assez profond (de 20 à 100 mètres en général) mais parsemé de patates de corail qui affleurent, constituant le type de récif parfait pour casser un bateau. Comme la plupart des atolls n'ont pas été complètement cartographiés, on doit se contenter de suivre un chenal plus ou moins bien balisé, quand il existe. Sinon, on doit naviguer en regardant ce qui est devant l'étrave, à vitesse très réduite, avec le soleil dans le dos, et par très bonne visibilité. Certains voiliers n'hésitent pas à envoyer quelqu'un dans le mat pour faire la vigie.

  • Et enfin, pour corser le tout, le temps change très très vite aux Tuamotu. Vous partez confiant car vous avez un vent léger, grand soleil et le ciel tout bleu, et puis, patatrac, en cinq minutes, tout change : vous vous retrouvez au milieu des patates ou d'une passe avec une visibilité pratiquement nulle sous un pluie battante et 40 nœuds de vent dans le nez. Pour illustrer mon propos, voici trois photos prises à 10 minutes d'intervalle depuis Sabay Dii, devant chez Hotu à Manihi...















Comme vous l'aurez compris, être aux Tuamotu, c'est formidable, mais naviguer dans les Tuamotu en solitaire, cela demande de la concentration, de l'expérience, du sang-froid, et un peu de culot pour se lancer dans certaines passes. En résumé, après avoir savouré les Tuamotu, on est bien content de reprendre la haute mer pour se détendre un peu. 

lundi 15 juillet 2013

Le Diodon et l'Homme (fable triste d'après Jean de la Fontaine)

Ceci n'est pas un ballon mais un poisson, plus précisément un diodon


LA DIODONE QUI SE VEUT FAIRE 
AUSSI GROSSE QUE L'HOMME


Une Diodone vit un Homme
Qui lui sembla de belle taille.
Elle qui n'était pas grosse en tout comme une pomme,
Envieuse s'étend, et s'enfle, et se travaille
Pour égaler l'humain en grosseur. Ma sœur ;
Est-ce assez ? dites-moi ; n'y suis-je point encore ?
Nenni. M'y voici donc ? Point du tout. M'y voilà ?
Vous n'en approchez point. La chétive Pécore
S'enfla si bien qu'elle creva.
...

D'après la fable "La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf", de Jean de la Fontaine

Les diodons sont des poissons étranges que l'on trouve un peu partout sous les tropiques.
Peu farouches, assez patauds, leur défense se trouve ailleurs que dans leur vélocité ou leur capacité de camouflage, mais dans le fait qu'ils accumulent une toxine dans tous leurs organes, à l'exception de leurs muscles, toxine qui les rend mortellement venimeux. Les autres poissons qui en connaissent le danger ne sont donc pas des prédateurs de l'espèce. Mais l'Homme, ce gros nigaud ne le sait pas forcément et peut s'approcher de trop près d'un diodon. Alors l'animal en détresse déploie un autre stratagème : se sentant en danger, il se gonfle pour effrayer son supposé agresseur, en accumulant de l’air ou de l’eau dans son œsophage jusqu'à prendre une forme sphérique. Mais cette arme est à double tranchant, car le pauvre animal peut en mourir.
C'est ce qui m'est arrivé en trouvant un pauvre diodon presque échoué sur un récif. Avec un bout de bois, j'ai essayé de le déloger de son piège, mais l'animal se sentant agressé s'est gonflé, gonflé, gonflé, jusqu'à ressembler à un ballon. C'est ainsi qu'avec le peu de courant qu'il y avait, il a été emporté vers le large, tel un flotteur à la dérive. Mais aura-t-il survécu à ce terrible stress ?




lundi 8 juillet 2013

Robinson et les "pointes-noires"

Après avoir quitté Manihi et Hotu, j’ai mis le cap sur Apataki, un autre atoll, plus au sud et encore plus sauvage que Manihi. La configuration très particulière de sa pointe nord-oriantale permet à la fois d’avoir un mouillage très protégé, dans une eau limpide et très poissonneuse, de se trouver tout prêt de cocoteraies abandonnées et de pouvoir rejoindre le tombant côté océan.



















Il ne resterait plus qu’à construire une paillote ici et il serait possible d’y vivre longtemps en totale autarcie. De plus, le lieu est absolument sauvage, sans la moindre habitation à la ronde, et les animaux ne sont pas très méfiants. C’est donc ici que je me suis installé quelques temps, vivant tel un Robinson, partant tôt le matin pour trouver ma pitance, du côté de l’océan, mais aussi sur la bande de terre (ou plutôt de corail) où, miraculeusement, poussent plein de bonnes choses à manger, dont la plupart ont quelque chose à voir avec le cocotier, comme nous le disait si bien Alain Gerbault.
Seul hic, je n’étais pas au mieux de ma forme physique. Eh oui, comme « le Grand Blond à la chaussure noire », j’ai accumulé les gaffes ; je me suis retrouvé en trois jours avec le pied gauche brûlé (le dernier jour de la récolte de coprah), une fracture du coccyx (en tombant sur la delphinière du bateau en remontant l’ancre au départ de Manihi), et une double entorse de la cheville droite (en glissant dans le corail à mon arrivée à Apataki, à cause d’une attache de chaussure qui s’est cassée).
Mais ceux qui me connaissent bien et qui m’ont vu une bonne partie de mon existence mener une vie normale malgré des petits bobos récurrents (par exemple aller au boulot avec des béquilles, skier avec une jambe dans le plâtre, descendre en snowboard avec une épaule luxée ou aller aux champignons avec une minerve), ne seront pas surpris de savoir que, tous les jours, je partais comme si de rien n’était, pour poser mes filets et mes pièges à poissons, attraper des crabes, récolter des coquillages et ramasser des noix de coco et des uto (noix de coco germées) pour faire mon pain et mes salades.
crabe pour la soupe
crabe pour le hors d'oeuvre


En rusant un peu, je suis même arrivé à attraper deux ou trois gros poissons perroquets par jour, juste en les pourchassant à marée basse, jusqu’à ce qu’ils s’échouent faute d’eau.
poisson-perroquet un peu naïf
le même une demi-heure plus tard


Eh oui ! Bien qu’un peu handicapé dans ma démarche, je n’ai pas risqué de crever de faim pendant les quinze jours dans ce petit paradis.

Un matin, je suis parti à la pêche au varo, cette sorte de langouste qui vit dans le sable. Et du sable, justement, il y en avait beaucoup du côté lagon où j’avais mouillé Sabay Dii. Pour cette pêche très particulière, l’idéal est de présenter devant le trou du varo un bout de poisson avec un bel hameçon, l’ensemble étant suspendu à une baguette par un fil que l’on fait descendre ou remonter en tournant la baguette sur elle-même. Et tout ça, bien sûr, sans se faire trop voir. J’ai donc cherché des trous à varo dans un mètre d’eau et me suis laissé dériver tout doucement avec ma bouée. J’étais installé à plat-ventre sur le pneu, la tête dans l’eau avec un masque pour bien voir, les bras tendus à l’avant pour manipuler la baguette, et les jambes pendant dans l’eau à l’arrière du pneu, pour équilibrer l’avant de mon corps. Pas si compliqué que cela, d’autant que l’eau stabilise l’équilibre, une fois que l’on a trouvé la bonne position.
Après une demi-heure de bredouille, je me suis retourné ayant l’impression désagréable qu’il y avait des remous derrière mes pieds. Ce n’étaient pas des remous mais une dizaine de requins qui tournaient autour de moi. Oh pas des mangeurs d’hommes, mais des petits « pointes noires » d’un mètre cinquante, qui ont la réputation d’être aussi curieux que peu agressifs. Mais quand même ! Ayant déjà eu l’occasion de voir leur rangées de dents tranchantes comme des rasoirs, j’en ai un peu oublié les varos.  Trouvant ma posture un peu provocatrice, j’ai rejoint tout doucement la plage où ils m’ont suivi. Dommage, je n’avais pas mon appareil photo ! Ils me faisaient un peu penser à des chiens suivant une personne dont ils espèrent peut-être un morceau de quelque chose à manger. Ce matin-là, j’ai pu les observer longuement. J’étais avec de l’eau jusqu’aux cuisses et eux restaient à moins de vingt mètres de la plage. J’ai vu comment ils procèdent pour courser des poissons bien vivants qui longent le rivage, et non pour quémander mes appâts. Une belle leçon de comportement animal. Mais il est quand même très étonnant de voir ces animaux venir sans crainte, à un ou deux mètres d’un homme qui, dans ce coin de la planète, est une espèce très rare et sacrément dangereuse.

Depuis ce matin un peu spécial, je ne suis plus angoissé à voir ces bestioles s’approcher de moi. Mais ce sont des « pointes noires », et il serait complètement inconscient de vouloir supposer que les autres espèces de requins sont aussi bien intentionnées.