Bienvenu sur le site de Sabay Dii

En laotien, Sabay Dii signifie "bonjour", "salut", "ça va"...
Dans la pratique, cette expression est utilisée chaque fois qu'on est heureux de rencontrer quelqu'un.
Pas étonnant que j'ai baptisé mon bateau "Sabay Dii", non ?

dimanche 19 avril 2020

A Antalya et Finike, deux marinas de la même chaîne, mais pourtant très différentes

Sabay Dii n'a pas pour habitude de séjourner dans des marinas, son capitaine préférant les mouillages forains dans des criques tranquilles aux quais remplis de bateaux-ventouses servant plus souvent comme maisons secondaires pour faire bombance le week-end que pour aller en mer. Néanmoins, il faut bien penser à l'hivernage du bateau.
En Nouvelle Zélande, j'avais fait le choix d'un mouillage sur corps-mort (un bloc de béton immergé auquel est fixée une chaîne à laquelle on attache le bateau) dans un coin très protégé de la Baie des Iles, à Opua. Au Salvador, c'était le cas aussi, dans le trou à cyclone de Barillas, perdu dans la jungle à une trentaine de kilomètres de l'Océan Pacifique. Mais la plupart du temps, j'ai choisi l'option de la marina qui offre une sécurité presque parfaite, sauf en cas de cyclone, où il vaut mieux être caché dans un trou paumé hyper-protégé, sans voisin, et avec la possibilité pour le bateau de s'aligner dans le sens du vent.
Marina au Mexique à Guaymas, en dehors de la zone cyclonique ; marina aussi en Polynésie, à Moorea, mais en dehors de la période cyclonique ; marina encore en Malaisie, à Rebak qui associe en même temps l'avantage de la marina et celui du trou à cyclone. Même situation au Costa Rica où Sabay Dii a passé une saison cyclonique dans la minuscule marina (20 bateaux) de Golfito, un tout petit golfe niché à l'intérieur d'un golfe plus grand, ce qui en fait l'équivalent d'un minuscule lac où l'eau est toujours plate même par des vents de 150 km/h.
Il va de soit que lorsqu'on laisse le bateau sur un corps mort, il faut que l'endroit soit sûr, aussi bien du point de vue environnemental (bien protégé du vent et surtout de la houle), que du point de vue fréquentation (pour ne pas retrouver le bateau pillé comme cela est inévitable dans un endroit tel que Mayotte, où toute embarcation non surveillée est systématiquement visitée puis vidée dans la foulée). Il faut donc bien choisir son coin, et éventuellement avoir une personne de confiance pour aller vérifier régulièrement que tout va bien. Ce problème n'existe théoriquement pas en marina.
En Turquie, pas d'autre choix possible que la marina pour assurer cette double sécurité. En effet, la législation oblige les propriétaires de bateaux étrangers à laisser leur embarcation sans skipper dans une marina, et du coup il n'y a pas d'autre possibilité offerte. Mais la Turquie est remarquablement équipée, avec des marinas aux meilleurs standards internationaux. Normal vu le nombre impressionnant de voiliers de location et de super-yachts de propriétaires venant de tous les coins de la planète pour naviguer dans ce bassin merveilleux.

Par exemple, pour la seule station balnéaire de Marmaris, on compte quatre marinas pouvant accueillir au total plus de 1500 bateaux de toutes tailles (dont près d'un quart à la location). On n'arrive certes pas à la capacité d'accueil de la France, où en Méditerranée, par exemple, les marinas jalonnent presque toute la côte à une dizaine de kilomètres d'intervalle, et où l'on peut rencontrer des ports pouvant accueillir plus de 5000 unités, comme Port Camargue en Méditerranée, ou La Rochelle sur l'Atlantique.
Lorsque j'étais en Egypte, connaissant la législation turque, et attendant mon passage du Canal de Suez, j'ai envoyé des courriels à plusieurs marinas du Sud de la Turquie, pour demander leurs tarifs. Mon choix était fixé sur la côte méditerranéenne s'étendant d'Antalya à Marmaris (un choix de 14 marinas), avec une préférence pour Finike, réputée comme sympathique et bon marché. Je ne reçu jamais de réponse de cette dernière, car l'adresse électronique venait de changer, suite à l'intégration de cette marina au groupe Setur. Je souhaitais aller dans l'une des marinas de ce groupe car le principal avantage est que lorsqu'on souscrit un bail d'un an, on bénéficie de 30 jours gratuits dans les autres marinas de la chaîne, ce qui est très intéressant quand on projette de caboter pendant plusieurs mois, comme c'était mon intention. N'ayant qu'une réponse claire, venant de la Marina Setur d'Antalya, c'est dans cette direction que je mis le cap en quittant Port Saïd.
Le groupe Setur réunit une dizaine de marinas.
Elles n'ont pas les mêmes caractéristiques, car le groupe Setur a une stratégie conquérante et cannibalise parfois des marinas existantes de façon à contrôler toute la côte turque. C'est l'une des raisons pour lesquelles ces marinas peuvent différer fortement, comme vous allez le voir à partir de la comparaison entre Antalya où Sabay Dii a passé l'hiver, et Finike où je me retrouve confiné en ce moment et pour plusieurs mois, et où le bateau séjournera l'hiver prochain.

Setur Antalya Marina

Située dans le port de commerce d'Antalya, la marina bénéficie d'une protection exceptionnelle, même si par fort vent de Nord-Est, de la houle entre un peu. Par contre, le port étant à 10 km d'Antalya, il n'est pas facile de se rendre en ville, même si un bus dessert le site toute les heures. Heureusement, on trouve dans la marina une petite épicerie bien achalandée qui permet de s'approvisionner en produits de consommation courante. Il y aussi deux restaurants "de standing" fréquentés par la bourgeoisie locale et qui ne fonctionnent que pendant la saison touristique et le weekend, et surtout une petite cantine pour le personnel de la marina et les ouvriers des chantiers, où l'on mange très bien pour 15 lires turques (2,5 € environ). Ouverte sans publicité aux rarissimes navigateurs de passage, c'est un vrai plus, et j'y suis allé assidûment à partir du moment où j'ai découvert cette possibilité bien cachée.
Question capacité d'accueil, Antalya ne rigole pas : 235 postes d'amarrage (pour des unités jusqu'à 90 m de long), 150 places au sec, et deux "travel lifts" pouvant sortir des bateaux de toute taille ou presque (jusqu'à 200 tonnes). Les nombreux ateliers de l'immense zone techniques sont équipés pour réaliser tous les travaux imaginables et un hangar de 900 m² permet, par exemple, de repeindre un bateau de 50 m de long sans problème. En plus, un magasin d'accastillage a ouvert ses portes en septembre dernier, ce qui est bien commode, vu l'éloignement d'Antalya.
Au delà de ces chiffres, ou plutôt, à cause d'eux, on trouve dans cette marina surtout de très gros super-yachts à moteur et quelques voiliers d'exception, toujours vides, et dont les propriétaires fortunés doivent avoir oublié l'existence. Il y a aussi beaucoup de gros charters à moteur qui conduisent des flots de touristes dans les criques de la région, pendant l'été, mais hors saison, ils sont aussi vides. Restent, au quai B, là où se trouvait Sabay Dii, une quinzaine de voiliers "normaux", entre 9 et 15 mètres de long, mais qui ne naviguent jamais non plus. Bref, cette marina n'a aucune vie en dehors de la zone technique où des équipes de techniciens assurent la maintenance ou réalisent la transformation de grosses unités.
Du coup, les services qui seraient utiles pour des navigateurs au long court sont absents : pas de machine à laver, pas de bac pour faire la lessive, pas de salle où se mettre au chaud, se réunir, lire ou regarder les informations. Seulement des quais pleins de très gros bateaux vides, des sanitaires impeccables mais très peu nombreux (ce qui n'est pas un problème vu qu'à l'exception des ouvriers, il n'y a personne), de très jolis jardins, et une réception démesurément grande, où j'avais été accueilli sans chaleur à mon arrivée l'an dernier, par des hôtesses désagréables au possible, mais dont le personnel a été judicieusement remplacé par de jeunes gens très sympathiques et serviables. Heureusement ! Il faut ajouter à cette description, que cette marina est un port d'entrée/sortie international, ce qui fait qu'on peut y faire toutes les démarches officielles. Malheureusement, ce sera par l'entremise d'un agent qui négocie son exclusivité à coup de tarifs prohibitifs.
En conclusion, cette marina de très haut standing (et donc très chère) n'est pas adaptée au gens de mer. Pour ne pas terminer sur une note trop négative, je tiens à rappeler que pendant mon confinement, tout le personnel s'est décarcassé pour me rendre quotidiennement service, et que c'est grâce au directeur général que j'ai pu m'échapper à Finike. Je tiens aussi à signaler que les artisans des ateliers de réparation sont tous d'une grande compétence et d'une amabilité tout-à-fait exceptionnelle (incroyable le nombre de fois où au moment de payer, on me disait "cadeau" avec un grand sourire). J'ai donc quitté sans regret la marina d'Antalya, mais avec un petit pincement au cœur pour tous ceux qui y travaillent. Merci encore.  

Setur Finike Marina

Bien que construite 6 ans après celle d'Antalya (1997 au lieu de 1991), la marina de Finike semble plus ancienne. Au lieu d'être faite de matériaux modernes (profilés en aluminium, inox à profusion, grandes baies vitrées en verre réfléchissant, quais flottants, etc.), elle a été construite avec des matériaux traditionnels qui lui donnent un aspect un peu suranné, mais comme le dit le gérant, plus "cosy". Et effectivement, la froideur d'Antalya est oubliée, d'autant qu'ici, l'arrière-plan fait des habitations très voisines de la ville, donne l'impression d'être dans un petit nid douillet.
Ici les indestructibles quais faits en dur et à l'ancienne (du béton) peuvent accueillir 320 bateaux (jusqu'à 50 m de longueur), sans compter la grande zone technique pour l'hivernage ou pour la réparation/entretien de bateaux. Tous les corps de métier du nautisme sont ici aussi représentés, et plusieurs échoppes permettent de s'approvisionner en matériel spécifique. La capacité d'accueil de Finike est donc, sur le papier, supérieure à celle d'Antalya, et effectivement, les quais comme la zone technique sont pleins, mais pleins de ... voiliers. Pratiquement que des voiliers, de 8 à 20 mètres, mais avec une majorité de 40 à 50 pieds, presque tous étrangers : australiens, suisses, belges, suédois, américains, russes, anglais, français, hollandais, autrichiens, canadiens, norvégiens, israeliens, ..., Le monde de la voile hauturière semble s'être donné rendez-vous ici. Beaucoup de ces marins (essentiellement des couples) y sont depuis plusieurs années, laissant le bateau à l'hivernage pour revenir naviguer à la belle saison. Mais cette année, coronavirus oblige, la plupart des gens n'ont pas pu ou ne pourront pas revoir leur voilier. Sur le long quai où se trouve Sabay Dii, seuls cinq voiliers sont habités en ce moment.
Le voilier de Nico
Nico, qui devait rentrer chez lui en Angleterre a été mis en quarantaine dans son minuscule voilier de 8 mètres par les autorités turques et ne pourra plus rentrer voir son épouse de plusieurs mois. Un autre, britannique aussi, est également piégé mais peut aller en ville faire ses courses. Il y a aussi un jeune couple d'australiens, et des nouveaux venus que je ne connais pas encore. Au total, il doit y avoir une quinzaine de voiliers habités (au lieu d'une centaine en temps normal), ce qui fait une toute petite communauté, hétéroclite et cosmopolite, de gens confinés et masqués, mais se rendant aimablement service en respectant les consignes de distanciation sociale locales (ici 3 pas), notamment pour aller faire les courses à la supérette qui se trouve juste à l'entrée de la marina.
Tout ce petit monde essaie de faire un peu d'exercice sur son quai, mais une mamie en pleine forme arrive à courir plus d'une heure, tous les matins, à une allure impressionnante, pendant que son mari fait des allers-retours sur sont petit vélo pliant.
La marina est équipée de tout ce dont peuvent avoir besoin des gens de mer ayant fait un long voyage :
  • d'abord, gratuitement offerts par la marina, l'eau, l'électricité et le wifi ;
  • bien sûr des sanitaires, impeccablement entretenus, et décorés avec humour ;
  • des bacs pour faire la vaisselle et la lessive, mais surtout une laverie avec du personnel qui s'occupe de votre linge pour le laver, le repasser, et même le repriser, et tout cela pour un prix dérisoire (3,5 € pour une grosse machine de 7 kg) ;
  • une salle commune avec une bibliothèque impressionnante rassemblant des centaines de livres en libre échange, une télévision, des jeux de société, un bar et une cuisine en libre accès.;
  • dehors, à côté du refuge pour chiens maltraités ou abandonnés, un barbecue habituellement utilisé le dimanche pour des repas collectifs où chacun apporte quelque chose ;
  • un marabout pour que les fêtes puissent avoir lieu en cas de pluie ;
  • un terrain de volley ;
  • etc.
Comme Antalya, Finike est un port international d'entrée/sortie, mais ici, c'est Barbaros, le gérant de la marina qui, dans la petite maisonnette servant de réception, fait le travail d'agent officiel de l'état, mais à titre gracieux.
Et c'est sans parler de la petite ville de Finike, très vivante en temps normal, qui en tant que centre régional d'une grande région agricole, offre tout ce que l'on peut rechercher, avec un grand marché local, plein de commerces, et de bons petits restaurants.
Bien sûr, à cause du confinement, toute l'activité locale est au ralenti, et à la marina, les rencontres sont prohibées, mais l'atmosphère est néanmoins sympathique et Barbaros, avec le reste du personnel, y contribuent grandement par leur indéfectible gentillesse.

En images, maintenant ...

Setur Antalya Marina
Une marina nichée à l'intérieur d'un port de commerce. Protection presque idéale.
A grande marina, grande réception
De beaux aménagements
2 restaurants de standing, une petite cantine bien sympathique, et une épicerie
On ne risque pas de mourir de faim à la marina d'Antalya.
Cette photo pourrait résumer la vocation de la marina d'Antalya
(surtout des bateaux à moteur, et des super yachts à voiles en maintenance)

Une immense zone technique

Avec d'énormes bateaux à voile ou à moteur
Exemple d'énorme bateau à moteur en travaux sur la zone technique
Tout ça à respecter ?
Tout ce qu'il faut pour la maintenance des monstres
Pas de problème pour accueillir des bateaux de plus de 50 m

Remarquez la couleur de l'eau ...
Je vous le donne en mille ....
Eh bien cette couleur jaune n'est autre que du .... pollen (surtout du mimosa) qui se dépose sur l'eau lorsqu'il pleut
Pour les voiliers, on est aussi hors norme, ici !
Pour avoir une idée, le bateau à moteur coincé entre les deux voiliers fait ... 20 m de long


Me voici en-dessous du voilier Moss, construit à Antalya.
C'est un bateau à louer.
Moss sous voiles
Une des cabines de Moss
La salle des machines (rappel : Moss est un voilier)
Un des salons de Moss
Le pont de Moss
Vous l'aurez aisément compris, Sabay Dii se trouvait dans la marina Setur d'Antalya comme un cheveu sur la soupe.
Et maintenant, dans le genre plus raisonnable, la marina Setur de Finike.

Setur Finike Marina

A la différence de la marina d'Antalya, celle de Finike, adossée à la montagne qui protège la ville, est proche du centre.
Trois grands quais en dur, avec presque que des voiliers.
Aucun doute possible en arrivant du large. C'est bien une marina pour voiliers "normaux".
Accueil simple et chaleureux dans une réception à l'échelle humaine.
Beaucoup de place entre les quais, gage de sécurité et de tranquillité.

Zone technique très bien équipée
Et bien sûr que des voilier en hivernage



 Pas de problème pour savoir où se trouvent l'entrée pour des sanitaires Homme ou Femme

Les sanitaires sont un peu "rétro" (porte saloon pour les douches et les toilettes).
Les sanitaires sont décorés avec plein de petits tableaux humoristiques (une visite prochaine des toilettes Homme et Femme s'impose).
Un avant-goût
Tout est prévu pour rendre le séjour convivial ...
Le marabout avec un chauffage au centre servant de four,
en configuration fermée pour l'hiver.
Autre vue du marabout en configuration ouverte pour l'été. Il y a un grand barbecue
et tout ce qu'il faut pour se faire un repas entre copains.

 


Le salon avec la bibliothèque de livre en libre-échange.
Les niches pour chiens abandonnés ou ayant le mal de mer
Des décos sympas un peu partout


De quoi faire la sieste ou la parlotte, les pieds dans l'herbe.
Et, cerise sur le gâteau, les tortues qui se promènent entre les bateaux.
Quant aux bateaux qui séjournent ici, rien à voir avec ceux d'Antalya. On est chez les bourlingueurs. Le plus bel exemple, le voilier américain Irène de Peter et Ginger dont je vous recommande le site  aussi époustouflant que leur voyage par le passage du Nord-Ouest (entre autres).
ireneyacht.com/
En vert leur premier tout du monde (par le Horn) et en rouge leur voyage avec Irène
Pour vous mettre l'eau à la bouche ...
3 de leurs innombrables et splendides photos



Vous comprenez pourquoi je préfère être confiné à Finike plutôt qu'à Antalya ?