Bienvenu sur le site de Sabay Dii

En laotien, Sabay Dii signifie "bonjour", "salut", "ça va"...
Dans la pratique, cette expression est utilisée chaque fois qu'on est heureux de rencontrer quelqu'un.
Pas étonnant que j'ai baptisé mon bateau "Sabay Dii", non ?

lundi 6 juillet 2020

Sabay Dii repart en mer

Ca y est ! Sabay Dii est autorisé à repartir en mer ; pas n'importe où, ni n'importe quand.
La navigation devra se faire sans sortir de la région maritime, c'est à dire sans dépasser Kas à l'Ouest et Antalya à l'est. Autant dire une petite zone de moins de 200 milles nautiques que je connais déjà par cœur, pour en avoir exploré toutes les criques l'an dernier. Mais cela n'est pas grave, car cette année, grâce au Corona Virus, il n'y a pas de touristes en Turquie et donc aucune crainte de voir arriver dans un joli mouillage tranquille ces affreux "gulets" qui, l'an dernier, déversaient à la mer des norias de braillards au rythme des DJ surexcités.
La zone de navigation. Et en plus le temps sera clément au moins toute a semaine. Super !
Quant aux contraintes de temps, elles sont simples et très peu contraignantes finalement, puisque l'équipage doit rester à bord entre 20 h et 10 h du matin, justement à l'heure où l'on se repose, ou l'on mange et où l'on dort.
Parés à larguer les amarres ?
Parés !
Envoyez !

jeudi 2 juillet 2020

Randonnée à la nécropole lycienne de Belos

Belos est une nécropole lycienne. Le site, perdu dans la montagne, a été soigneusement choisi car d'une part l'endroit est tranquille et le panorama splendide, deux conditions pour rendre les défunts bienheureux, et d'autre part le sol est fait de grosses dalles rocheuses de grès qui, étonnamment, recouvrent une nappe phréatique, deux conditions permettant de produire sur place et facilement des sarcophages de qualité. Par contre, pour aller à Belos, ce n'est pas de la tarte, et ce devait être pire il y a plus de 2000 ans pour les lyciens, qui étaient avant tout des marins et dont les cités se trouvaient en bord de mer.
Aujourd'hui, celui qui veut aller voir ce site étonnant, à pied, doit être très motivé et en excellente condition physique, je peux vous l'assurer. Le seul moyen d'y parvenir est d'emprunter le sentier de Grande Randonnée (GR) appelée la Voie Lycienne, long de 400 km et dont l'une des étapes relie Finike et Demre, deux villes turques entre lesquelles se trouve Belos.
La Voie Lycienne (on voit où se trouvent Finike et Demre).
Belos se trouve, grosso modo au milieu de l'étape longue de plus de 30 km, et à l'altitude maximale d'environ 900 mètres. Cela veut dire que quel que soit le point de départ, on devra marcher au minimum 30 km (aller-retour) et avaler une montée de 900 m pour redescendre après la visite du site de 900 mètres et se retrouver à son point de départ, au niveau de la mer.
Sur cette photo satellitale, on voit bien la marina de Finike, en haut à droite. J'ai aussi indiqué une bergerie qui est un point de repère très important dans cette randonnée. Par contre, on ne voit pas Demre qui est beaucoup plus à l'Ouest.
En partant de Finike, la randonnée qui suit la Voie Lycienne commence par un chemin de montagne très ardu, du fait de la pente, de la nature du sol (de la caillasse), de son mauvais balisage, et de son exposition (en plein soleil toute la matinée). J'en ai fait l'expérience à mes frais, en me fourvoyant le dimanche précédent. J'avais mis plus de 8 heures pour faire ce qui correspond à moins de la moitié du parcours aller. Mais ayant tiré les leçons de ma mésaventure, je savais en démarrant ce vendredi 12 juin à 10 heures précises, où ne pas m'égarer. Et c'est sans problème que j'ai avalé la grimpette entre Finike et la route en béton que la Voie Lycienne emprunte dans sa deuxième partie.
En rouge, la Voie Lycienne qui démarre à la sortie de Finike.
La flèche indique l'endroit où je m'étais fourvoyé précédemment.
On voit que la Voie Lycienne suit ensuite une route (en blanc) venant elle aussi de Finike.
Il m'aura fallu quand même 4 bonnes heures (1 heures pour rejoindre la Voie Lycienne et 3 heures de grimpette) pour aller de la marina à l'embranchement du GR avec la route, ce qui correspond à un dénivelé positif de 600 mètres exactement. Ce n'est pas rapide si l'on ne tient compte que de l'élévation, mais ce chemin est vraiment difficile. Et puis, malgré le sérieux effort qu'il faut fournir pour cette première partie du parcours, j'ai pris le temps de regarder le paysage et les petits détails auxquels on ne prête habituellement pas attention, quand on n'est pas sûr de sa route et que l'on passe son temps à scruter les balises rouge et blanc qui jalonnent en principe les GR.
Juste au début de la montée. Un poste d'observation que je connais bien pour y être venu déjà trois fois.
C'est à quatre ou cinq kilomètres de Finike, quand même.
Tiens donc ! Voila la balafre horizontale que je prenais à tord pour une piste, le jour de ma randonnée-galère.
Et ce n'est qu'une étonnante formation géologique naturelle tubéiforme.
Détail de tronc et brindille.
Des fleurs tellement sèches qu'on les croirait fossilisées.
Et pourtant, elles ne sont pas bien vieilles.
Mais cette région est d'une telle aridité !
Argus bleu aux ailes très abimées

Enfin, une fleur "butinable" et butinée.

Le même qu'au dessus mais en macro, à main levée.
A 14 heures, j'arrivais donc à la route en béton qui relie Finike à une très grande bergerie. Tellement grande qu'on la voit très bien sur Google Earth.


Cette deuxième partie de la randonnée offre toutes les conditions pour gagner 250 mètres d'altitude, sans trop se fatiguer, et avec un panorama toujours bien dégagé, ce qui change de la progression difficile et enclavée de la première partie. Et pas le moindre véhicule, ni âme qui vive, à part un gros chien de berger très affectueux qui va faire un bout de chemin avec moi, à l'aller comme au retour.
 Ce gentil petit toutou est un Kangal (connu aussi sous le surnom de Lion ou Berger d'Anatolie).
La photo est trompeuse. Le molosse fait 80 cm au garrot et pèse une soixantaine de kilos.
Caractère : audacieux, intelligent, solide, indépendant, confiant, fier et pour celui-ci très affectueux..

Etonnamment, le GR traverse la bergerie, mais je ne m'arrête pas, car je ne voudrais pas arriver trop tard à la nécropole. Et puis, de toute façon, je repasserai par là au retour.
Comme la route se termine à la bergerie, la troisième et dernière partie de la randonnée va se faire par un petit chemin sinuant à flanc de côteaux, et à altitude presque constante; avec une vue somptueuse sur la plaine de Demre.
La région ne manque pas de cailloux.
Quand on pense que la bergerie est implantée ici, cela laisse imaginer ce que les moutons pourraient trouver à manger ailleurs
La plaine de Demre.
En vert, une lagune piégée par une langue de sable. Elle est zébrée de blanc,
car ça moutonne ; le Meltem souffle très fort tous les après-midi.
Et en blanc, au lointain ... ?
Eh bien, en blanc, ce sont des serres, la terre de cette vallée alluviale étant très fertile,
et le climat particulièrement doux.
On produit ici, 365 jours par an, des tomates, poivrons, salades, courgettes, ...
pour toute la Turquie et pour une bonne partie de l'Europe.

Un peu de physique ah ah ah !
Il faut encore une heure de marche pour arriver à la nécropole, et en une heure, le temps a  le temps de changer. Surtout ici, car le vent de mer pousse l'air marin vers la montagne, et en gagnant 800 à 900 mètres d'altitude, ce dernier chargé d'humidité va créer des nuages chauds (effet de foehn).

Et me voila en quelques minutes dans le brouillard et les nuages courant vers le sommet de la montagne.



























Encore deux ou trois kilomètres de ce joli sentier, et j'arrive à Belos, enfin !
Une fois de plus, je suis tout seul à arpenter la montagne, si ce n'est un muletier marchant à vive allure que je croise un peu avant d'arriver à la nécropole. 


En me croisant, la mule m'a demandé de dire au muletier de ralentir,
mais comme elle parlait turc, je n'ai pas tout de suite compris sa requête.
J'arrive à l'endroit où la Voie Lycienne oblique brutalement vers le Nord. Je suis tout près de Belos, et si je n'avais bien préparé ma route, j'aurais très bien pu passer à côte de ce site antique.





Je tourne à gauche et grimpe sur la colline. Et d'un coup, la magie du site opère. Par enchantement (mais pas vraiment, car les Lyciens ont bien choisi leur endroit), le ciel se dégage. L'air tiède est incroyablement transparent. La lumière de fin d'après-midi (il est 16 h 30), splendide, éclabousse le foin qui vibre doucement.

Comme à chacune de mes balades, la tortue est là qui m'attend.
Pour me narguer, elle me fait remarquer que cela fait une semaine qu'elle poirote.
Sûr qu'elle sait que je me suis perdu dimanche dernier.
En contrebas, toute la vallée de Demre s'étire nonchalamment. Quel bel endroit pour se reposer, éternellement !
Et en plus, les morts de l'époque ne risquaient pas d'être gênés par le reflet parasite et synthétique du plastique des serres. 
A l'époque, cette lagune n'existait pas et à la place, il y avait un port.








Un bien bel endroit pour honorer ses morts, n'est-ce pas ? Et il a du y en avoir un grand nombre, car on a ici une véritable cité mortuaire. Les sarcophages sont répartis sur trois niveaux.


















Mais malheureusement, la plupart ont été cassés par des voleurs qui venaient prélever les bijoux que les morts emportaient avec eux pour le voyage vers l'éternité.







Quant aux structures de la nécropoles, elles sont rares a être encore debout. Mais, en l'occurrence, ce n'est plus la main de l'Homme qui est responsable, mais plutôt la mauvaise humeur de la Terre, la Lycie ayant été secouée par de nombreux séismes.
Une porte, presque intacte, soutenue par deux arbres jumeaux et magnanimes.
Etonnamment, on trouve sur ce promontoire trois puits qui fonctionnent encore, mais qui sont recouverts pour ne pas que les bêtes qui paissent se noient. Par contre, ils sont toujours utilisés pour abreuver le bétail. Les Lyciens avaient vraiment bien choisi leur site !


L'auge, version classique ou moderne.
Laquelle des deux sera encore là dans 2000 ans ?

Bien que l'endroit fût charmant, il fallait bien que je m'en allasse, car il me restait à faire le chemin en sens inverse. Pas tout-à-fait cependant, car au lieu de redescendre à Finike par le sentier très pénible, et idéal pour se faire une entorse de la cheville, j'avais prévu de continuer par la route que je connaissais pour l'avoir empruntée quelques jours plus tôt, sur le plateau d'une camionnette. 
Derniers pas dans la nécropole pour rejoindre le chemin du muletier.




Un dernier regard sur Belos
A présent, il me restait un peu plus de deux heures et demie pour faire les 15 kilomètres du retour, mais tout en descente, cette fois. A 18 h, je repassais à la bergerie qui en plus d'élever moutons et chèvres, possède de grandes serres pour cultiver des légumes, les deux activités n'étant possibles que grâce à l'eau de pluie qui est stockée dans de très grosses retenues bâchées de plastique.
Autour de la bergerie, de grands arbres propices au repos des bêtes pendant les heures caniculaires.
Le cimetière musulman de cette bergerie qui doit avoir une ancienneté certaine
La bergerie à gauche, et les serres à droite. En bas une des retenues d'eau.
Du plastique à droite, du plastique à gauche et du plastique en bas.
Mais où sont passés les Lyciens ?.

 Et qui m'attendait à la bergerie ? Le Lion d'Anatolie.

- Alors elle était bien ta balade ?
- Super, et toi, ta sieste ?
- Pas mal aussi. Tu rentres sur Finike ?
- Oui.
- Bon eh bien je vais t'accompagner un bout de chemin. 
Un sacré bout de chemin ! Une heure à marcher à côté de moi, en me lançant des œillades énamourées, et en faisant le fier quand il voyait d'autres clebs. J'ai vu le moment où j'allais devoir lui lancer des pierres pour le faire retourner à la bergerie, car il ne voulait plus me lâcher.
Mais finalement, après une explication de texte en français et en langue des chiens, il a daigné retourner chez lui. Ouf ! Je ne me voyais pas avec, dans un bateau, un chien de 60 kg !

J'ai donc poursuivi l'interminable descente seul.
Photo prise de l'endroit où je m'étais arrêté cinq jours plus tôt, perclus de crampes.
Mais cette fois-ci, plus de soucis.
Grâce aux cornichons !
Encore une grosse demie heure de descente à 25%
 Et à 20 heures pétantes, je franchissais le portillon de la marina. Pile poil !!!