En revenant d’une balade en voiture de location, dans le nord de Northland, nous sommes passés par le petit bourg au nom original de Kawakawa ; un village de quelques centaines d’habitants s’étendant, tout de long, sur la route nationale. A l’entrée de l’agglomération, petit arrêt pour faire le plein avant de rendre la voiture à Opua situé à une dizaine de kilomètres à peine, et puis, en passant tranquillement dans le bourg, les fenêtres grandes ouvertes, nous ressentons une impression étrange qui nous fait nous arrêter pour mieux voir ce qui nous étonne : des lampadaires tous différents, des bancs publics très bizarres, des devantures peintes de couleurs vives, des trottoirs en mosaïque, … , bref, un village certainement pas comme les autres. A quelques mètres à peine de là où nous garons la voiture, les toilettes publiques, des toilettes fermées mais à la façade tout à fait ahurissante signée Hundertwasser.
Nous ferons quelques pas dans ce bourg assoupi, ce dimanche en fin d’après-midi, et nous repartirons rapidement pour rendre la voiture à temps, mais en nous disant qu’il faut absolument revenir dans le village hors du commun, pour découvrir toutes les petites merveilles qui s’y trouvent cachées.
Il est probable que, comme moi, le nom de Friedrich Stowasser ne vous dise rien. Si je vous dit qu’il se faisait appeler Friedensreich Hundertwasser Regentag Dunkelbunt LiebeFrau, ce qui veut dire « Le royaume de la paix (aux) cent eaux », vous ne serez pas plus avancé. Et pourtant Friedensreich Hundertwasser a été un sacré artiste. Né à Vienne en 1928 et décédé à bord du Queen Elisabeth II en 2000, cet autrichien (mais ayant vécu en France, en Italie, au Japon, … et surtout en Nouvelle Zélande, son pays d’adoption), fut à la fois un peintre, un décorateur et un architecte (ou plutôt, comme il l'a dit dans son manifeste du 24 janvier 1990, un médecin de l'architecture) extraordinairement créatif et original, et du coup totalement inclassable.
Autoportrait En 1998 en NZ
A peine arrivés à Opua, notre curiosité ayant été attisée par ce que nous avions entraperçu, Ba et moi (sans nous être concertés) nous connectons sur Internet pour voir qui est ce fameux Hundertwasser, et le peu que nous apprenons sur lui, nous convainc, s’il en était encore besoin, de retourner dare-dare à Kavakava, sa ville d’adoption, ce que nous ferons deux jours plus tard, mais cette fois à vélo.
A la gare du train vintage remis en circulation |
Devant le musée |
Une œuvre picturale caractérisée par le foisonnement organique des formes et par la brillance et la vivacité des couleurs, où la spirale est très souvent présente. Couleurs (souvent plus douces) qu'il emploie fréquemment en architecture comme l'or, emprunt au style baroque rococo.
Une œuvre marquée par un immense amour de la nature, par l’eau, et par la place respectueuse de l’Homme dans la nature. C’est l'un des grands pionniers d'une architecture humaniste, écologique et d'un design moderne et particulier qui le distingue des autres architectes. Son message profondément, viscéralement écologiste s'exprime très tôt par des performances remarquées, des manifestes écologiques, artistiques et architecturaux. Ce message est visible dans toutes ses réalisations (peintures, affiches, timbres, maisons, architectures, livres…), comme dans le tableau où par la fenêtre, il affirme que dans un habitat collectif, « l'habitant est maître de tout ce qu'il peut atteindre de sa fenêtre autrement dit, le concepteur doit tenir compte des désirs de l'utilisateur ».
Ses leitmotivs : une société sans déchet, stop à la folie du nettoyage, pour des toilettes-humus, etc. Il se soucie de « l'empreinte écologique » du citoyen et du citadin moderne. En conséquence, il crée des immeubles avec des arbres aux fenêtres (l'arbre-locataire), conçoit et réalise en ville et à la campagne des maisons dont les toits sont recouverts de verdure et de végétaux, des sols à niveau inégal et encourage les propriétaires et les ouvriers à être créatifs et à apporter une touche personnelle à leur travail, par exemple grâce à la mosaïque. Il aime l'asymétrie et tout ce qui vient rompre l'ordre et la monotonie de la géométrie pure.
C’est un militant très engagé. Ainsi, en 1984, il a participé activement à l'occupation de Hainburger Au, une réserve naturelle du Danube, pour empêcher la construction de la centrale électrique. Il a même déchiré devant la caméra son Grand Prix de l’État autrichien.
Menant une vie souvent solitaire, il a toujours su faire correspondre son mode de vie à ses idéaux. Notamment il vivra longtemps sur une péniche en Nouvelle Zélande, puis, dans les années 1970, il acquerra à Kawakawa, dans la Bay of Islands, toute la vallée "Kaurinui". Là, il réalisera son rêve de vivre et travailler dans la nature et entre autres dans le "bottle house" qu'il avait conçu, et où seront installés des capteurs solaires, une roue à eau et une station de traitement de l’eau par les plantes ce qui lui permettait de vivre en autarcie.
Selon son dernier désir, il a été enterré dans sa propriété néozélandaise, sous un tulipier, sans cercueil, nu et enveloppé dans un "Koruflagge" (drapeau qu'il a conçu pour la Nouvelle-Zélande)
L’œuvre d’Hundertwasser est immense et mondialement reconnue. A la différence de Gaudi confiné à Barcelone, et à qui il fait parfois référence, il a travaillé pour de nombreux projets architecturaux un peu partout dans le monde, notamment en Autriche, en Allemagne, en Suisse mais aussi en Californie, au Japon et en Nouvelle-Zélande.
Le Mop Maishima Sludge Center d’Osaka |
Les personnes intéressées pourront regarder avec grand plaisir les deux films réalisés sur l’artiste, d’abord le documentaire « Hundertwasser » par Ferry Radax (1966), et surtout « Hundertwasser Regentag » du réalisateur Peter Schamoni.
« La spirale est exactement là où la matière inanimée se transforme en vie.
Je suis convaincu que l'acte de création s’est fait sous forme de spirale.
Notre terre décrit le déroulement de la spirale. Nous tournons dans un cercle, mais nous ne revenons jamais au même point, le cercle ne se ferme pas, nous venons seulement à proximité de l’endroit où nous avons été. Ceci est typique pour la spirale qui apparemment est un cercle qui ne se ferme pas.
La vraie et équitable spirale n'est pas géométrique, mais végétative, elle a des renflements, parfois plus mince et parfois plus épaisse et coule autour des barrières qui se dressent sur son chemin.
La spirale signifie la vie et la mort dans toutes les dimensions. A l’extérieur elle se dirige vers la naissance, vers la vie et puis par une dissolution apparente dans le surdimensionné, dans l’extraterrestre, dans des zones non mesurables.
Vers l’intérieur, elle se condense par concentration vers la vie et devient par après dans des petites régions infinis, ce que nous appelons la mort, car ceci dépasse notre perception qui tente à mesurer.
La spirale pousse et meurt végétative, c’est à dire que les lignes spiroïdales se déroulent tels que les méandres des fleuves et suivent loi de la croissance des plantes. Elle n’oblige en aucune façon le déroulement, mais elle se laisse diriger. En conséquence, il lui est impossible de faire des erreurs. »
Je suis convaincu que l'acte de création s’est fait sous forme de spirale.
Notre terre décrit le déroulement de la spirale. Nous tournons dans un cercle, mais nous ne revenons jamais au même point, le cercle ne se ferme pas, nous venons seulement à proximité de l’endroit où nous avons été. Ceci est typique pour la spirale qui apparemment est un cercle qui ne se ferme pas.
La vraie et équitable spirale n'est pas géométrique, mais végétative, elle a des renflements, parfois plus mince et parfois plus épaisse et coule autour des barrières qui se dressent sur son chemin.
La spirale signifie la vie et la mort dans toutes les dimensions. A l’extérieur elle se dirige vers la naissance, vers la vie et puis par une dissolution apparente dans le surdimensionné, dans l’extraterrestre, dans des zones non mesurables.
Vers l’intérieur, elle se condense par concentration vers la vie et devient par après dans des petites régions infinis, ce que nous appelons la mort, car ceci dépasse notre perception qui tente à mesurer.
La spirale pousse et meurt végétative, c’est à dire que les lignes spiroïdales se déroulent tels que les méandres des fleuves et suivent loi de la croissance des plantes. Elle n’oblige en aucune façon le déroulement, mais elle se laisse diriger. En conséquence, il lui est impossible de faire des erreurs. »
Hundertwasser
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