Tahiti Iti, la presqu’île du sud de Tahiti est réputée
sauvage. A juste titre.
Aucune route n’en fait le tour
complet. Juste 18 km de macadam côté ouest jusqu’à Teahupo, et autant du côté
est jusqu’à Tautira. Ajoutez à cela une route montant sur le plateau de
Taravao, pour aller s’occuper des vaches, et une piste traversière reliant
Tautira (au nord-est) à la pointe Fare Mahora (au sud-ouest) en empruntant le
lit de deux rivières. C’est tout !
Les guides touristiques vous
raconteront qu’on peut faire le tour de Tahiti Iti, à pied, en suivant la côte
sud, mais je vous garantis qu’il n’y a ni chemin, ni piste digne de ce nom. Il
y a surtout à marcher dans l’eau, tant bien que mal, dans le corail où se
cachent de nombreux poissons-pierres (dont la piqûre est mortelle),
à traverser des rivières
tumultueuses à la moindre pluie (et il pleut pratiquement tous les jours), à
contourner les falaises abruptes et très difficilement franchissables du Pari,
tout au sud, et tout au long du parcours, à l’approche de chaque petites
propriétés complètement isolées, à éviter de se faire croquer par des pitbulls
hargneux.
Vous savez combien j’aime
marcher. Eh bien j’ai essayé de me promener à pied dans cette presqu’île. J’ai
commencé un dimanche à six heures du matin, par un long footing
(Taravao-Teahupo = 18 km). Une route en bord de
lagon, mais avec si peu d’eau que cela ressemble plus à un marécage,
Et tout au long de la route, des
maisons sans cachet particulier, des jardins moins jolis qu’ailleurs en
Polynésie, aucune vraie plage,
La plage de Maui, la plus réputée (20 cm d’eau et plein de corail) |
des carcasses de voitures un peu
partout,
et beaucoup de panneaux « tabu »
(mot qui voulait à l’origine dire « sacré » mais qui s’est transformé
en « interdit » et veut plutôt dire aujourd’hui « privé »).
Remarquez qu'il est interdit de jouer de la musique au bord de l'eau |
Pas folichon. Seules les
nombreuses églises des multiples confessions tahitiennes ont agrémenté mon
parcours, par l’animation dominicale particulière à ce pays très pieux
(familles au grand complet, gens endimanchés, avec de beaux chapeaux pour les
dames et de belles chemises colorées pour les hommes).
Et pour le plaisir de l’oreille,
de remarquables polyphonies chantées au rythme des ukulélés.
Pourquoi aller à Teahupo, me direz-vous, et à pied en plus. Je vous répondrai qu’on voit bien que vous ne vous intéressez pas au surf, car tout surfeur a entendu ce nom mythique. Teahupo, c’est une vague magnifique et terrible à la fois. Surnommée « la machoire », c’est une des étapes majeures du championnat du monde professionnel.
Mais, comme toutes les grandes
vagues, elle peut être minuscule, s’il n’y a pas de houle, ce qui était le cas.
Mais j’avais envie de palper l’atmosphère du lieu. Et là aussi déception :
pas le moindre surfeur, mais des voitures grandes-ouvertes avec des jeunes
bedonnants buvant de la bière avec la sono à fond, des barquettes de hamburgers
et des canettes vides un peu partout. Heureusement il y avait quelques enfants
bien sympas avec qui j’ai discuté longuement (des marquisiens tristes de se
retrouver si loin de Nuku Hiva).
J’ai vite quitté ce lieu glauque
pour continuer dans ce que les polynésiens appellent le Fenua Aihere,
c’est-à-dire « la brousse ». J’ai
vainement cherché un chemin pour continuer plus au sud, mais toutes les
personnes interrogées m’ont dit qu’il fallait marcher dans l’eau et qu’il
fallait surtout faire attention aux chiens.
Après une bonne heure à essayer de me faufiler entre des
propriétés bien défendues par des murs d’enceinte et le corail, j’ai rebroussé
chemin et suis rentré en stop à Port Phaéton, où m’attendait mon fidèle Sabay
Dii. Je lui ai raconté ma journée de balade et nous avons décidé de laisser la
route pour faire le tour, à la voile.
Et vous allez bientôt voir que vu de la mer, le monde peut
paraître très différent.
Dans le prochain message, vous allez découvrir les
merveilleuses lumières de Tahiti Iti, et vous vous direz que les rares
personnes qui passent par là avec leur voilier (quelques dizaines par an
seulement) ont bien de la chance.
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