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Dans la pratique, cette expression est utilisée chaque fois qu'on est heureux de rencontrer quelqu'un.
Pas étonnant que j'ai baptisé mon bateau "Sabay Dii", non ?

mardi 26 novembre 2013

Les oiseaux du Fenua

Le Fenua (traduisez : l’ensemble des îles de la Polynésie) ne représente qu’une toute petite surface émergée disséminée dans l’immensité du Pacifique Sud. Malgré la variété des biotopes (montagnes des îles hautes, plateaux boisés, marécages, rivières, zones littorales, lagons, atolls, etc.), cet isolement au milieu de l’océan fait de ce territoire une zone très peu propice à la variété de la faune en général et de la faune aviaire en particulier. Rien à voir avec les pays continentaux comme le Costa-Rica, l’Equateur et surtout le Mexique, véritable paradis ornithologique qui peut s’enorgueillir d’avoir près de 1000 espèces différentes d’oiseaux (55 espèces de colibris par exemple).
Et ce n’est pas tout. En effet, le Fenua voit ses espèces endémiques s’éteindre inexorablement, victimes de la colonisation d’espaces vierges, mais surtout victimes du rat noir et de quelques oiseaux prédateurs introduits malencontreusement sur le territoire et qui en deux siècles ont décimé nombre d’espèces locales. La situation est considérée par l’UINC (Union Internationale pour Conservation de la Nature fondée en 1948 par les Nations Unies) comme très grave.
Très documenté et remarquablement iconographié, l’excellent livre « les oiseaux du Fenua » fait le point sur le sujet, en abordant la place de l’oiseau aussi bien dans la culture polynésienne traditionnelle que dans la société actuelle, en dressant un inventaire des espèces disparus mais aussi, heureusement, en offrant un excellent guide d’observation des espèces toujours présentes.

Extrait …
On dispose de peu d’informations sur l’état de la composition de l’avifaune des îles polynésiennes au moment des premiers peuplements humains (200-300 av J.-C.). Seule la zooarchéologie  apporte quelques indices sur les espèces aviaires alors présentes. C’est ainsi que l’étude des fossiles d’oiseaux recueillis sur des sites archéologiques (Huahine, Marquises …) a révélé que plusieurs espèces aviaires se sont éteintes après l’implantation des colonisateurs polynésiens. Certaines de ces disparitions furent totales, d’autres localisées à un archipel voire à quelques îles seulement. Les causes exactes de ces extinctions restent difficiles à identifier. Il est toutefois vraisemblable que la chasse (à des fins tant ornementales qu’alimentaires) a eu une responsabilité notable. D’ailleurs, les analyses faites sur les « reliefs de repas » confirme que les espèces de grande taille furent davantage touchées que les petites. De plus, en introduisant des plantes et surtout des animaux au sein des fragiles écosystèmes que sont les milieux insulaires, les colons contribuèrent par ce biais aussi, à cet appauvrissement. Ainsi, les oiseaux peu enclins au vol ou qui se reproduisent au sol (…) subirent plus de dommages que les autres principalement à cause de l’arrivée concomitante de plusieurs prédateurs comme le rat (Rattus exulans), le porc et le chien qui accompagnaient alors de façon systématique les navigateurs maohi dans leurs périples exploratoires.
(…)
Grâce aux travaux des naturalistes embarqués pour les grandes expéditions maritimes qui sillonnèrent le Pacifique au cours de la seconde moitié du 18ème siècle, nous sommes mieux renseignés sur l’aspect de l’avifaune régionale à l’arrivée des européennes (Wallis 1767, Bougainville 1768, Cook 1769-1779). Les collectes, notes et illustrations faites à cette époque, témoignent d’une diversité aviaire alors bien plus importante qu’aujourd’hui et ressemblant davantage à celle de Polynésie occidentale. Force est de constater que cette seconde grande confrontation entre l’Homme et les oiseaux polynésiens engendra, elle aussi, une vague massive de disparitions. Pour les espèces dont la pérennité était déjà menacée (comme celle des perruches aux plumes rouges par exemple), l’arrivée des popaa - et avec eux celle d’une cohorte de nuisances nouvelles – ne fit qu’accélérer leur extinction. Les oiseaux qui, en raison de leur caractère sacré ou de leur faible intérêt usuel, avaient conservé des populations dynamiques, furent durement touchés par l’arrivée de prédateurs (rats noirs, chats, oiseaux belliqueux) contre lesquels ils n’étaient pas préparés (attitude peu farouche, mode de nidification exposé, plumage peu cryptique …). Parallèlement, ils subirent l’altération constante de leur environnement naturel due à la déforestation ou à l’introduction d’animaux herbivores et de plantes exogènes nuisibles. ? Fragiles en raison de la petitesse de leurs populations, la plupart des espèces endémiques terrestres connurent en moins de deux siècles un effondrement dramatique de leurs effectifs. Plusieurs disparurent là encore totalement, d’autres ne survécurent que grâce à l’isolement de quelques îles ou vallées refuges. Toutes ces nuisances perdurent de nos jours, accentuées même par la modernité et ses pendants. Aussi est-il vraisemblable que certains oiseaux parmi les plus menacés (Monarque de Tahiti, …) viennent allonger, dans un proche avenir, la liste de ceux disparus après l’arrivée des européens.
Pour l’ensemble de la Polynésie Française, on recense aujourd’hui seulement 50 espèces d’oiseaux terrestres (dont 12 d’oiseaux introduits) et 28 espèces d’oiseaux marins. C’est très très peu. Pas étonnant qu’au cours de mes huit mois de pérégrinations à travers une grande partie du Fenua (Marquises, Iles du Vent, Iles sous le Vent et Tuamotu), j’ai constamment été étonné de la très faible présence d’oiseaux, qu’ils soient marins ou terrestres. Rareté aussi bien au niveau des effectifs qu’à celui des espèces.

Pour ce qui est des oiseaux de mer, je suis sûr d’avoir vu seulement :
  • quelques frégates, 
frégate ariel mâle
frégate du Pacifique femelle
  • des gygis blanches,




  • des noddis bruns, et en grande quantité à Rangiroa





oisillon  noddi trop petit pour pouvoir voler 
et sa mère qui à force deme voir tout les jours rendre visite à son poussin a fini par me laisser tranquille
alors qu'au début , elle n'hésitait pas à m'attaquer en piqué
  • A Taravao, il existe aussi une colonie de noddis noirs, la seule de Tahiti ... Ces oiseaux ont délaissé le rivage pour nicher en plein milieu du village, sur les arbres qui surplombent la route la plus fréquentée. Surprenant !


  • des sternes (huppées, fuligineuses et/ou à dos gris - difficile de faire la différence en vol),







 ·          quelques fous (bruns, masqués et à pieds rouges) et en grande quantité à Bora Bora,
·         ainsi que quelques pétrels, mais vus de trop loin pour être photographiés.

Quant aux espèces terrestres, j'ai malheureusement vu surtout des oiseaux allochtones, à considérer comme des pestes animales, car menaçant les espèces endémiques :
·         beaucoup de ménates (martins tristes)
 ·         des bulbuls à ventre rouge
·         des astrids ondulés
Photo "les oiseaux du Fenua"
·         des pigeons à Papeete
·         et un tangara à dos rouge que je n’ai pas eu le temps de prendre en photo
Photo "les oiseaux du Fenua"
Heureusement, il m'est aussi arrivé de voir des espèces endémiques, comme par exemple ...
  • De hérons striés
  • un carpophage des Marquises (en danger, sur la liste rouge de l’UICN)
  • un ptilope des Tuamotu
Ptilope des Tuamotu, chez Hotu à Manihi
  • de nombreuses aigrettes sacrées (dont le plumage peut être blanc, gris ou tacheté et le bec noir ou jaune) un peu partout en Fenua, mais surtout dans les Tuamotu.
aigrette sacrée en compagnie d'un chevalier errant
Aigrette sacrée et, au fond, un vol de noddi ayant repéré un banc de eina (minuscules poissons)

  • Chevaliers errants


  • et enfin, je viens de découvert à Tahiti un endroit où il y a beaucoup de paille-en-queue (phaetons), mais, hélas, je n'avais pas mon matériel photographique. Ce sera pour une autre fois

Photo "les oiseaux du Fenua"
"Si quelques bribes de coutumes séculaires en relation avec l’avifaune subsistent, ça et là, dans les archipels (consommation d’oiseaux marins dans les Tuamotu, utilisation de plumes de pétrels comme leurres de pêche dans les îles hautes …), force est de constater que ces pratiques sont en voie de disparition. Cette tendance est certes bénéfique pour la faune aviaire régionale, mais elle témoigne aussi de la coupure progressive qui s’instaure entre l’homme et son environnement. Il est frappant de voir, en effet, que les polynésiens d’aujourd’hui ne prêtent plus guère attention à leurs oiseaux. Pourquoi ce désintérêt ?
Les raisons essentielles sont à rechercher dans les mutations des idéologies et des structures sociales qui ont eu lieu au cours des deux derniers siècles. Le christianisme, l’influence de la pensée occidentale, l’intromission d’une économie de marché, l’urbanisation, ont bouleversé les croyances et les modes de vie traditionnels, changé les mentalités, déplacé les aspirations …
Dans cette nouvelle société, l’oiseau a perdu de sa superbe. Vidé de son essence divine et de toute fonction pratique, il n’a pas conservé le rôle important qu’il jouait autrefois. Dès lors, il ne suscite plus d’intérêt, ni même l’attention. En ce coupant ainsi, peu à peu, de son environnement, la société polynésienne a fini par oublier une grande partie de son patrimoine naturel. Ceci est particulièrement vrai pour les oiseaux terrestres endémiques, devenus fort discrets. Si certains – parmi les plus abondants – restent encore connus (comme les ptilopes), un grand nombre a déjà sombré dans l’oubli. Ainsi, lors de la mise en œuvre des premières opérations de sauvegarde, on constata avec regrets que le Monarque de Tahiti (‘omamao) était inconnu des résidents même des quelques vallées de Paea où il subsiste encore. Entre autres exemples, on peut également citer la Gallicolombe des Marquises (kataupepe) qui vit maintenant recluse sur quelques îlots de l’archipel et dont les habitants ont oublié jusqu’au nom. Par chance, les auteurs ont pu recueillir celui-ci auprès d’un vieil homme habitant une vallée isolée de Hiva Oa, et ce avant que cette appellation ne disparaisse avec lui … En raison de l’aide qu’ils continuent d’apporter aux pêcheurs dans la localisation des bancs de poissons, les oiseaux de mer restent dans l’ensemble mieux connus. N’ayant plus aucune fonction dans la société moderne, les oiseaux terrestres ne bénéficient plus, pour leur part, de cet intérêt. À terme, cette attitude a des effets néfastes car elle conduit à la disparition virtuelle de certaines espèces dans les consciences collectives. Comment peut-on, en effet, s’intéresser à des espèces, dès lors que l’on ne soupçonne même plus leur existence ?
Un autre élément d’inquiétude concerne l’assimilation des oiseaux introduits et ses conséquences malheureuses. Parmi les centaines d’espèces qui furent importées en Polynésie française au cours du 19ème et du 20ème siècle, bien peu ont réussi à s’adapter aux milieux insulaires tropicaux. Toutefois, celle qui y sont parvenues l’ont fait au-delà de toute espérance … Agressives pour certaines, toutes prolifiques, ces espèces allochtones ont évincé la plupart des espèces natives. Elles ont si bien implantées par endroits, qu’elles semblent avoir toujours fait partie de l’environnement … Du moins peut-on le croire aisément puisque plusieurs d’entre elles ont même un nom polynésien. C’est le cas, par exemple, de nombreux petits oiseaux de jardins indifféremment appelés vini (terme impropre et réducteur s’il en est puisqu’il désignait autrefois les petites perruches colorées), des busards ou encore des martins tristes. Or cette intégration des oiseux allochtones s’avère être préjudiciable à plus d’un titre. Tout d’abord, elle ne permet plus de distinguer les oiseaux indigènes des oiseaux introduits qui, peu à peu, les ont remplacés dans la conscience collective : aux yeux d’une grande majorité des polynésiens, l’avifaune terrestre semble maintenant réduite à celle que l’on côtoie aisément le long des routes, dans les jardins, mes milieux urbains et péri-urbains. Par ailleurs, et parce qu’ils sont toujours abondants sur ces zones anthropiques, les oiseaux donnent la fausse image de l’état de santé du patrimoine aviaire. Coment donc sensibiliser les populations à la protection de l’avifaune endémique si elles ne la distinguent plus ? Comment convaincre les insulaires que leiurs oiseaux sont menacés si les jardins résonnent toujours de mille chants … Combien savent que ces oiseaux qu’ils croient « leurs » sont en fait des nuisibles qui ont profondément bouleversé l’équilibre de l’avifaune autochtone ? Les oiseaux endémiques, pour leur part, ont fini par se réfugier dans quelques reliquats de nature originelle où ils continuent à subir de constantes agressions (modification du milieu naturel, réduction des aires habitables, irruptions de prédateurs …). Oubliés, négligés, seront-ils irrémédiablement condamnés par la modernité ?"

Depuis l'arrivée de l'Homme en Polynésie française, au moins 37 espèces d’oiseaux considérées comme endémiques ont été anéanties. Il n'en reste plus que 38 !!!!

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