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En laotien, Sabay Dii signifie "bonjour", "salut", "ça va"...
Dans la pratique, cette expression est utilisée chaque fois qu'on est heureux de rencontrer quelqu'un.
Pas étonnant que j'ai baptisé mon bateau "Sabay Dii", non ?

vendredi 23 juillet 2021

Karabiga

Un peu d’histoire …

La ville de Karabiga est connue depuis l’antiquité sous le nom de Priapos (du nom du dieu grec local), puis sous le nom de Pegae du temps de l’Empire romain d’Orient. Tous les historiens anciens (Strabo, Thucydides, Arrian, Pline l’Ancien, …) mentionnent cette cité comme un lieu de production de bon vin, mais surtout comme un port sûr.

Biga Çayı : carte

Karabiga et le fleuve Biga Çayı

En 334 av. J.-C., Alexandre le Grand, n’a que 22 ans. Élève du grand Aristote, il a hérité de son père, le roi Philippe 2 de Macédoine, assassiné deux ans plus tôt, d’une armée très expérimentée. Jeune, brillant et ambitieux, il veut réaliser le rêve de Philippe 2 (qui avait déjà réussi à soumettre les cités grecques, dont Athènes et Thèbes) : conquérir la Perse. Ne faisant rien au hasard, il envoie son général Panegorus prendre possession du port stratégique de Priapos, où il débarque quelques mois plus tard avec l’armée macédonienne pour affronter les Perses sur les rives du fleuve Granique (l'actuel fleuve Biga Çayı). Ce sera la première occasion de révéler son génie militaire en mettant en déroute les satrapes perses (2000 cavaliers et 10000 fantassins tués). En trois batailles successives sur les Perses, il s’ouvre les portes de l’Asie Mineure.

Karabiga fut donc le point de départ de la conquête du plus grand empire de tous les temps puisque s’étendant jusqu’à l’Indus, onze ans plus tard, à la mort d’Alexandre le Grand (il n’a alors que 33 ans), mais Karabiga n’en deviendra pas célèbre pour autant. On ne retrouve une trace historique de Karabiga qu’à l’époque byzantine où on parle d’une citadelle. Je pense que les ruines qui dominent la ville et que je suis allé explorées en sont le vestige, mais personne à Karabiga n’en a la moindre idée.

Ensuite Karabiga a sombré dans l’anonymat le plus complet, ce qui en a fait aujourd’hui une petite ville vivant paisiblement de la pêche locale et de l’agriculture maraîchère essentiellement, et nourrissant une ambition touristique naissante et mesurée. Bref, comme vous l'aurez deviné, un endroit que je trouve avec ses sympathiques habitants, tellement attachant que si j'étais Stambouliote, je viendrais régulièrement y passer quelques jours de vacances.

Inutile de rechercher Karabiga dans le Guide du Routard ou dans tout autre guide de voyage. Mais si l’on se rappelle que depuis l’antiquité ce lieu fut considéré comme un bon port, il ne faut pas être étonné de trouver Karabiga dans le Guide de Navigation de la Turquie. Voilà ce qu’en dit Rod Heikell, l’auteur de ce guide qui est certainement l’un des meilleurs connaisseurs de la Turquie maritime (même si je ne suis pas toujours d’accord avec ses appréciations) :

Karabiga est un petit village somnolent qui vit de l’agriculture et des carrières de marbre. Le marbre extrait à Can, à l’intérieur des terres, est chargé sur de petits caboteurs et caïques dans le port. Le charbon extrait à Can est également chargé ici, mais l’aspect parfois un peu encrassé des alentours du port ne doit pas vous empêcher d’y faire escale. Le village, peu touché par le tourisme, est empreint d’une délicieuse atmosphère rustique qui rappelle celle d’un petit village agricole français.

Comme d’habitude, je n’ai pas fait le choix d’amarrer Sabay Dii dans le port, préférant de loin aller mouiller l’ancre non loin de la charmante plage au Nord de la ville, où l’on est bien mieux protégé du vent dominant.

La Baie de Karabiga (on voit bien les trois quais du petit port de Karabiga, et au Nord une barge permanente)

Zoom de la vue précédente avec Sabay Dii au mouillage entre la plage du Nord et la barge permanente.

Vue depuis Sabay Dii


La plage est très bien entretenue, avec du sable fin probablement rapporté, et une eau propre, relativement épargnée par le mucilage dont elle est protégée par de discrets barrages flottants. On se baigne donc avec plaisir, ce qui n’est pas si fréquent en ce moment en Mer de Marmara.

En arrière plan, la cheminée de la centrale thermique (au fuel).

La plage est partagée entre plusieurs concessions privées très bon marché et une grande zone d'accès libre sans parasol.




Les abords de cette plage ont aussi été récemment aménagés (allée bordée de jeunes arbres et en cours d’électrification, sanitaires publics, nouveaux petits restaurants, bancs, tables et chaises à l’ombre et à disposition du public pour pique-niquer). Du coup, en fin d’après-midi et le week-end, c’est l’endroit où tous les habitants, jeunes ou vieux, mais très souvent en famille, viennent passer quelques heures à discuter au frais ou à se faire une grillade en plein air. Ambiance bon enfant comme toujours en Turquie rurale.

Ces dames sont venues faire la causette avec leur théière et leur repas du soir.
 

Pour ce qui est du port, je n'ai pas remarqué la moindre activité de chargement de marbre ou de charbon pendant les jours où j'étais à Karabiga, et son aspect assez propre me fait penser que ce type de transport est rare voire en sommeil. Par contre, le petit port de pêche semble bien actif, même si en cette période de mucilage, la pêche commerciale est soumise à de fortes limitations et contraintes.

La ville en elle-même n'est pas belle avec de vieux bâtiments dans quelques rues poussiéreuses se coupant à angles droits, mais par contre, c'est agréable d'aller y faire les courses car il n'y a pratiquement pas de voitures. La plupart des véhicules sont de petits triporteurs électriques que les paysans comme les citadins utilisent, les uns pour transporter leur production au marché, les autres pour faire leurs courses.

La coopérative de pêche est sise avec d'autres commerces et bureaux dans ce grand bâtiment.

Allure typique d'une des rues du bourg, avec un Yuco électrique chinois.

Seule la place du port avec sa statue équestre est animée par quelques cafés où les hommes (et rien que les hommes) jouent et sirotent un thé.

Par contre, le vendredi, la ville se réveille car c'est à la fois le jour de marché qui draine toute la population des environs pour vendre ou acheter au bazar, et à la fois le jour de la grande prière.

Mais même ce jour particulier de la semaine ne saurait vous donner le tournis. Quelques voitures en plus, des Yuco électriques nombreux mais toujours silencieux, bien plus de femmes dans les rues, et tout le monde avec de grands cabas pleins à raz bord.

Et toujours la même gentillesse. Trois exemples le même jour à quelques minutes d'intervalles. Je vais dans le magasin de fruits secs et de friandises du village pour acheter des figues sèches pour faire mon kefir. Le petit vieux qui tient la boutique et qui ne parle que turc, comme tout le monde ici, me fait un rabais sur le prix affiché parce que je suis français et il me donne en plus plein de graines à grignoter pour quand je serai en mer. Trois boutiques plus loin, j'achète des piles pour mes feux de mouillages et trois leurres pour la pêche à la traîne, et en ressors avec une housse pour protéger mes cannes (cadeau d'un homme de mer pour un autre home de mer). Avec mes sacs de courses, il ne me restais plus qu'à passer chez le barbier avant de rejoindre Sabay Dii et lever l'ancre. Mais le jeune coiffeur-barbier insiste pour que je vienne manger chez lui.

Ou trouve-t-on une telle hospitalité de nos jours ?

Vendredi, jour de marché ...

... et jour de prière.

Et pour terminer, dans le joli lotissement de la ville, plein de verdure, de jeux pour enfants et de terrains de sport à accès libre, que je traversais pour rejoindre le centre ville si je ne voulais pas longer la plage, quelques maisons pleines d'humour, comme celle-ci où l'on a installé des bouées d'Homme à la Mer, sous le balcon du deuxième étage, au cas où. Comme quoi, les turcs sont conscient du changement climatique.

 

Ah j'allais oublier quelques images de ces fameux vestiges que l'on voit en arrivant par la mer, entre la centrale thermique et Karabiga. On ne sait pas grand chose de cette forteresse qui comptait 24 tours, si ce n'est qu'elle est d'origine byzantine. Je suis allé voir ce que je trouvais à son sujet, mais la seule chose que j'ai apprise est qu'en 1366, lorsque le Comte de Savoie Amedeo VI (cousin de l'empereur byzantin) est arrivé là avec sa flotte de croisés, après avoir pris le détroit des Dardanelles et Gallipoli aux Ottomans, il n'y avait rien. Elle date donc vraisemblablement de la fin du XIV car au XV e siècle l'Empire romain d'Orient est en totale décomposition. Ce qui est le plus surprenant, c'est que cette forteresse fut construite en brique, ce qui paraît incompréhensible pour un ensemble défensif, d'autant que la région est riche de carrières de granit et de marbre.





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