Après une nuit bruyante passée au mouillage de Kemer, je prépare Sabay Dii pour un départ vers 9 heures du matin, c'est-à-dire suffisamment tôt pour ne pas me retrouver à nouveau étourdi par l'excitation compulsive qui règne sur les plages touristiques de Turquie.
Cap vers le Sud pour rejoindre Alacasu, une jolie petite crique que j'ai repérée, sur ma carte, à une dizaine de milles nautiques de Kemer. Navigation au près dans un vent faiblard mais suffisant pour marcher à la voile à plus de 4 kt. Le bonheur de la navigation matinale, silencieuse et paisible !
Deux heures plus tard, affalage des voiles et mouillage de l'ancre. La crique est bien belle, avec ses pentes recouvertes de pins.
Sabay Dii est seul, incroyable ! Faut dire que je n'ai pas encore vu un seul bateau sous voile, depuis le départ d'Antalya. |
Le long de la plage de galets, des campeurs turcs, avec leurs tentes, leurs voitures, leurs bouées et parasols, et un peu plus loin leurs crottes et leur papier hygiénique, car cette zone est en camping libre, mais sans installations prévues pour, comme en Nouvelle Zélande, par exemple, où les toilettes sèches jalonnent les chemins de randonnée.
Une fois passée la zone peu ragoutante, on retrouve une nature splendide sous les pins, avec des cigales assourdissantes et plein d'insectes batifolant et grésillant, mais étonnamment pas d'oiseaux, alors que l'endroit est pourtant tranquille (les turcs venant ici n'étant pas enclins à randonner, mais seulement à faire trempette pour supporter mieux la chaleur qui n'est pas du tout accablante : une petite trentaine de degrés au plus fort de la journée). A une centaine de mètres à pied de la plage de galets, on se retrouve seul, ou presque. Étonnant !
Petite crique voisine de Alacasu. Personne ou presque. L'être humain est vraiment un animal grégaire |
De mon point d'observation, j'aperçois, au loin, une flottille étrange surgissant de l'horizon.
Le temps de revenir au bateau et de me mettre à faire la tambouille, et la surprise est là ...
J'avais déjà entendu parler des pirates des Caraïbes. Je me suis méfié cette année de ceux de Somalie et du Yémen, mais je ne connaissais pas les redoutables pirates turcs. Arrivant de tous les côtés (en fait de Kemer et Antalya), ils sont prêts à l'abordage.
Tout l'équipage de Sabay Dii est sur les dents, bien armé, et prêt à donner sa vie pour sauver le navire.
Mais devant la détermination évidente du Capitaine adverse, les pirates se contentent d'observer, puis dans un mouvement collectif hystérique cadencé par des DJ déchaînés hurlant au rythme assourdissant de sonos de plusieurs centaines de décibels, se jettent à l'eau, parfois avec leur smartphone pour immortaliser l'exploit. Bien qu'ahuri devant le délire ambiant, je reste vigilant toute la journée, notamment pour éviter de me faire cogner le bateau par l'un de ces mastodontes barrés par des pieds-nickelés.
Vers 15 h 30, les pirates mouillés, fatigués, égosillés, et probablement complètement sourds remontent sur leurs navires, et après avoir ré-excité leurs DJ et remis le volume à fond, repartent d'où ils étaient venus.
Sabay Dii est sauf. Son capitaine a les oreilles qui bourdonnent, les yeux qui papillonnent, le cerveau cramoisi, mais le sourire aussi, car la meute étant repartie, la fin de l'après-midi, la soirée et la nuit s'annoncent des plus paisibles. Je suis néanmoins conscient de ce qui m'attend demain à la même heure !
Décidément, la folie semble vouloir me poursuivre.
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