J'ai boudé le "Big Buddha"

Le Grand Bouddha de Phuket ou « Big Buddha » domine l'île de son regard bienveillant.

L'un des Bouddha satellites du Big Buddha

En arrivant par l'Est en bateau, on le voit de loin, et quand on débarque à Ao Chalong, on ne peut pas le rater, car il est juste en point de mire de l'embarcadère. Vu sa taille démesurée (45 mètres de haut) et sa situation hautement stratégique (perché sur une colline de 380 mètres), le plus grand Bouddha de Thaïlande est devenu rapidement une attraction majeure de l'île de Phuket.

Alors, un jour que j'avais loué une moto pour aller faire des courses, j'ai fait comme tout le monde, Une demie-heure de grimpette et je me retrouvais au milieu des cars de touristes et au pied de cette montagne de béton joliment recouverte de 135 tonnes de petites tuiles de marbre blanc de Birmanie.

L'édifice est impressionnant et l'endroit à été bien choisi car d'ici, on a une vue superbe à 360° sur tout le sud de Phuket, aussi bien sur la baie de Chalong, le Cap Panwa et Phuket Town à l' Est, que sur la triple baie de Kata Noi, Kuta et Karon Beach sur la côte Ouest de l'île de Phuket ainsi que sur la mer d'Andaman et les îles avoisinantes comme Ko Racha Yai où Sabay Dii est resté quelques jours. Par temps clair, on peut même voir, au loin, l'ile de Ko Phi Phi à environ 40 kilomètres en direction du sud-est.

Côte Ouest de Phuket

Ao Chalong, sur la côte Est de Phuket

Phuket, Old Town

Comme souvent en Thaïlande, il y a mélange des genres et ce Bouddha n'échappe pas à cette confusion mentale collective qui tend d'un côté à personnifier voire à réifier les dieux et de l'autre, à idolâtrer, voire à déifier les hommes, puisque'il est dédié à l'occasion de son 80ème anniversaire, à feu Sa Majesté le Roi Bhumibol Adulyadej (Rama IX de Thaïlande, décédé le 16 octobre 2016).

Par un grand hasard, j'étais à Bangkok ce 5 décembre 2007, jour-anniversaire du roi, et ai été sidéré voire abasourdi par la ferveur de plusieurs millions de thaïlandais tous habillés de jaune venus souvent de très loin pour se prosterner devant sa voiture qui traversait la ville. L'encens brûlait partout sur l'itinéraire du Roi-Dieu.

Qui dit Bouddha, pense naturellement à bouddhisme et donc à religion, mais de religion, vous n'en trouverez pas l'essence ici, car tout le site est dédié à deux divinités bien moins célestes, le dieu "Spectacle" et le dieu "Pognon". Marchands de pacotilles et de bondieuseries se partagent les alentours avec des moines qui pour quelques baths vous béniront à la chaîne. On est à des années-lumières des monastères bouddhistes du Nord du pays ou du Laos. D'ailleurs, les Thaïs ne sont pas dupes, car à part ceux qui viennent ici pour vendre quelque choses, on ne voit pas grand monde prier. Par contre, les touristes naïfs qui la plupart du temps ne savent rien de Bouddha se pressent pour débourser 100 à 300 bahts (de 3 à 8 €) pour faire inscrire au dos d’une plaque de marbre blanc, leur nom ou un message ou un vœu avant qu’elle ne soit posée sur le Big Buddha. Les ex-votos des gens de passage, suspendus aux branches de arbres ou à n'importe quelle tige de ferraille, et évidemment payants, flottent innombrables au vent, un peu partout autour de la statue colossale.

Après avoir fait le tour du site et admiré le somptueux paysages, j'ai repris ma moto en me disant que le Dalaï Lama avait bien raison d'affirmer (voir entretien dans Géo n° 464 d'octobre 2017) que la religion n'était certainement pas la meilleure voie vers la spiritualité, un euphémisme quand on pense aux dégâts anciens ou contemporains générés par des dérives de toutes les religions (croisades, islamisme radical, massacre des Rohingyas en Birmanie, pédophilie, ...).

Heureusement, ce Big Buddha n'est pas méchant, ni dangereux. Il ne fait de mal à personne et en plus il rapporte de l'argent au pays. Vous pouvez donc aller le visiter la conscience tranquille. Cela vous permettra d'admirer le magnifique panorama, tout en vous étonnant peut-être comme moi du comportement humain, et en regrettant aussi qu'on ait massacré cette réserve naturelle, pourtant initialement inviolable, juste pour planter un monument à touristes.

Les gens intéressés par le mythe de Rama IX si adulé pour ses dons "généreux" à son peuple pourront aller lire avec intérêt cet article (voir adresse ci-dessous) sur sa fortune phénoménale (35 milliards de dollars qui ne sont pas tombés du ciel).
https://www.ladepeche.fr/article/2008/08/21/471686-roi-bhumibol-est-tete-couronnee-plus-riche-elizabeth-ii-est.html