En feuilletant un vieux Lonely Planet périmé (Samoa and Tonga) j'avais lu que parmi les 5 "coups de cœur" des rédacteurs à propos des Vava'u, (plongée au milieu des baleines, croisière en voilier, etc.) figurait un repas à La Paella, un minuscule et très étrange restaurant situé sur un îlot paumé de l'archipel. L'article était présenté de façon si surprenante et mystérieuse que, bien que n'étant pas du genre à faire des kilomètres pour aller manger au resto, cela m'a donné envie d'aller voir de quoi il retournait. Proposition retenue avec enthousiasme par Jo et Ba, fins gourmets tout deux. Et, le moins que l'on puisse dire, c'est que nous ne fûmes pas déçus de cette découverte qui avait en plus le mérite de conclure le séjour de Joëlle au Tonga.
Voici, pour vous, chères lectrices et chers lecteurs, le billet plein de lyrisme qu'elle écrivit à propos de ce festin iconoclaste et mémorable, le lendemain matin, Cette dernière précision pour que vous ne puissiez penser que l'alcool y était pour quoi que ce fût.
A 19 heures, nous mettons l'annexe à l'eau : cap sur la "Paella" que la Vox Populi classe parmi les 5 incontournables des Tonga. De la mer, rien de visible le jour, le soir, quelques lumières au-dessus de l'eau noire. Un petit sentier, quelques marches, on se déchausse et on entre. C'est un faré de bois, de bric et de broc ouvert sur tout un côté sur la baie. Au fond, des ustensiles de cuisine et un feu de bois, alimenté en permanence. Dans un angle, face à l'entrée, deux vieilles voiles ont été peintes et tendues, qui cachent un synthé, deux guitares et quelques percussions.
Deux tables sont dressées : une grande, pour un "pack de Néozélandais" costauds mais un peu gras, qui arrivent avec leurs packs de bière et d'alcools. L'autre, pour nous. La carte ne m'apprend pas grand chose : pas de prix, ni de menus différents. Laissons-nous faire car ma carte bleue va servir pour la première fois depuis le départ.
A part nos tablées, le personnel de la maison : Maria, arrivée en voilier en 89 avec un hurluberlu hirsute et barbu, dont l'âge se situe entre 45 et 70 ans tant il écluse. Le deuxième, c'est son pendant, cheveux courts, bouche édentée, tout en os. Le troisième détone par son air très civilisé et ses lunettes. Deux serveurs.
Et le ballet commence, Un bonheur pour papilles décontenancées et sous-alimentées. Une ronde de tapas digne de grands restaurants ; de petites bouchées chaud-froid, un fromage fondant, ici une touche de menthe fraîche, là la finesse d'une friture, le moelleux, le fondant, le croquant. Bonne Mère! ça n'en finit pas. Un gaspacho miniature, une tortilla et on revient à des tapas pendant que les musiciens n'en finissent pas de se préparer tout en soignant leurs blessures : un canal carpien douloureux pour le pianiste, un pied littéralement "bardé" pour l'intellectuel, puisque Maria l'a recouvert d'un sac de bacon fraîchement sorti du congélateur.
La paella, cuite au feu de bois, arrive. Il n'en restera "ni siquiera un grano de arroz". Les musiciens sont prêts. Le guitariste à lunettes et Canal Carpien essaient désespérément de rattraper Longs Cheveux qui, une bière à la main, chante dans un micro imaginaire constitué d'un bâton noueux qui descend du plafond. hélas, dans le blues, les vieux airs folks, le chanteur fait fi de toute mesure et n'écoute que son cœur.
Après avoir un peu causé avec sa Maria qui prend les maracas tandis que le serveur se met aux tablas et que Canal Carpien rentre se coucher, le chanteur passe à des ballades sud-américaines et le voilà transformé. Une voix puissante, un corps qui danse, un sens du rythme inné, voilà sa langue maternelle.
Plus tard l'Intellectuel repart mettre son pied en sandwich et souhaite parler Français. Il le parle parfaitement : sa fille a épousé un Suisse francophone et le Français est devenu la langue familiale. Ce Néo-Zélandais adore Paris et vit sur un 45 pieds.
Une chèvre entre sans se déchausser. Le vieux "fer à repasser" refuse d'imprimer mes numéros de carte bleue. Maria prend le nom du bateau et mon mail pour me joindre si la banque refuse le paiement.
Le retour, contre le vent, est joyeux. Didier fait naître des étincelles de "plancton ré oxygéné" en tapant dans l'eau avec les rames et en m'éclaboussant généreusement. En haut du mât, la faible lumière que je prenais pour une étoile, ne se rapproche pas, Nous faisons du sur-place dans le courant. Enfin, je peux saisir un bout. "ne le lâche pas, surtout" m'ordonne le Capitaine. Nous voilà sains, saufs, ravis et repus. Oui, c'est bien une incroyable expérience aux TONGA.
Ci-dessous deux images trompeuses trouvées sur Internet ...
La première doit dater ; la barbe du guitariste et chanteur s'est allongée de vingt bons centimètres et ses poches sous les yeux sont devenues des crevasses. Quant à la chèvre qui a maintenant ses habitudes dans la maison, elle ne se contente plus de rester dans le coin.
La suivante est aussi trompeuse car vous n'y voyez que le dernier plat que l'on nous ait servi : une paella. Mais cette image sans saveur ne pourra jamais vous laisser imaginer le festival auquel ont eu droit, pendant une soirée complète, nos papilles encore aujourd'hui bouleversées.
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