Remontée de la Mer de Cortez

Déjà trois semaines que j'ai quitté San José de los Cabos, au Sud de la péninsule de Basse Californie, pour remonter la côte occidentale de la Mer de Cortez (encore appelée Golfe de Californie). Navigation à la fois paisible et extraordinaire, au milieu des baleines, dauphins, raies mantas et lions de mer, avec des paysages à couper le souffle. Les montagnes désertiques tantôt rouges, tantôt noires ou jaunes, déchiquetées et torturées par une tempête géologie violente et récente, tombent à pic dans une mer bleu sombre ou vert émeraude. Un charivari de couleurs violentes à donner le tournis. Cet environnement dramatique confère aux petites criques disséminées tout au long du parcours un charme fou. On se trouve nulle part, mais on y est bien. Pas de présence humaine ; la nature brute et sauvage s'offre en exclusivité au navigateur qui s'est donné la peine d'arriver là. La nuit est aussi sublime que le jour : un ciel d'encre et d'une transparence absolue (dans certains coins de cette région, il arrive qu’il ne pleuve qu’une fois tous les dix ans) brille de mille et une lucioles, Jupiter et Vénus étant tellement lumineuses qu'elles se reflètent violemment sur l'eau noire et figée comme un solide.

Pour cette magnifique navigation entre San Losé de los Cabos et Puerto Escondido, j'ai égrainé un chapelet de neuf étapes, neuf petites perles, que j'ai du choisir parmi une pléthore de criques sublimes. Ayant décidé de ne partir qu'avec de l'air et de m'arrêter lorsque le calme tomberait, comme cela se produit souvent en fin d'après-midi, c'est le vent qui m'a aidé dans ces choix cornéliens.

Dans l'ordre, mes neuf pépites corteziennes :

Los Frailes et le Cabo Pulmo, avec ses lions de mer et son récif coralien ;

Ensenada de los Muertos, nichée dans un désert blanc et poussiéreux ponctué de candélabres, des cactus géants ;

 La Paz, capitale bien nommée de l'état mexicain de Baja California Sur, avec ses rues qui font le dos d'âne, ses commerces colorés et animés, et son "malecon" harmonieusement partagé par les familles mexicaines qui viennent flâner en dégustant une glace, les jeunes en roller le walkman aux oreilles, les vieux pêcheurs fatigués par des années à tirer leurs filets, et les américains et canadiens qui viennent ici pour oublier le stress de chez eux ;

Bahia San Gabriel sur l’île de Espiritu Santo aujourd'hui inhabitée, les derniers pêcheurs de perle ayant laissé ce désert de rocaille aux vautours, chèvres sauvages et lézards ;

Ensenada Grande sur l'île de Isla Partida, voisine et jumelle de Espiritu Santo ;

San Evaristo, minuscule village coupé du monde par le massif montagneux de la Giganta, où une centaine d'âmes tentent de survivre grâce à la pêche ou la cueillette du sel ;

Puerto los Gatos qui, malgré son nom trompeur, n'est pas du tout un port, mais une crique ignorée des hommes. Les superbes falaises aux couleurs lucifériennes rouges et noires ne doivent pas faire oublier les récifs dangereux (mais recouverts de délicieuses huitres) qui affleurent la surface d'une eau de couleur démoniaque. Mais seul de malin pourrait survivre ici, en se contentant de manger des huitres, sans eau, ni terre cultivable, ni ombre ;

Bahia Agua Verde où je reprends peu à peu contact avec la civilisation : une épicerie de dix mètres carrés, et quelques lanchas de pêcheurs animées par des moteurs hors-bords. J'avais oublié que ce genre d'engin existait. Il y a même un cimetière, mais vu le peu de tombes, on en déduit que la vie doit durer ici plusieurs siècles.

Et enfin, l’extraordinaire port naturel qu’est Puerto Escondido (le port caché).

Vous avez déjà pu voir quelques images des vautours et lions de mer de Los Frailes, la première de ces étapes, et vous allez prochainement pouvoir voir des photos étonnantes de chacune des autres étapes.