Khalki, vous l'avez déjà vue lors de mon tour de Rhodes en voiture. Avec
Alimia, c'est l'une des deux îles satellites de la grande Rhodes, que je
suis allé visiter avec Sabay Dii. Elles ne sont pas sur le trajet type
des navigateurs de la région, et vous allez vous en rendre compte. Pourtant elles valent le détour pour qui aime les endroits sauvages, et les rencontres hors des sentiers battus.
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A gauche (au Sud) Khalki, et à droite (au Nord) Alimia, vues depuis la côte occidentale de Rhodes.
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Khalki vue depuis la côte occidentale de Rhodes.
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En partant de Lindos, il est carrément impossible de rejoindre Khalki dans la journée. J'ai donc coupé le voyage en deux étapes en m’arrêtant une nuit à Vigli.
Premier jour : Lindos - Vigli 22 milles nautiques vent : faible puis force 5 à 6
Deuxième jour : Vigli - Khalki 32,5 milles nautiques
vent : force 5/6 puis 3 A Vigli, il n'y a rien à voir. C'est un bout de côte pelé, mais qui présente un avantage pour le navigateur : l'endroit est peu profond et le fond est de sable, ce qui est parfait pour mouiller l'ancre, surtout avec un vent de force 6 et plus qui souffla toute la nuit.
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On voit bien sur l'image satellitale qu'il y a peu de fond devant Vigli.
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La première journée s'est faite au près serré. Départ de Lindos vers 9 heures, dans un vent faible de WSW. Mais dès le début d'après-midi, le vent forcit régulièrement et vite à mesure que j'allais vers le Sud. J'ai du réduire la voilure (trinquette et un ris) pour ne pas me faire mettre au tapis.
Le mouillage de Vigli est facile à repérer car en venant du Nord, la côte a une petite excroissance qui ne protège de rien, si ce n'est qu'elle est probablement responsable de l'ensablement du coin. Tant mieux, car le vent a soufflé en furie toute la nuit, mais avec 3 mètres d'eau, une ancre bien crochée dans le sable, et quarante mètres de chaîne, j'ai dormi comme un loir.
Le lendemain matin, de bonne heure, le vent soufflait si fort que je suis reparti avec une voilure réduite, d'autant que le Sud de Rhodes est un spot réputé de funboard et de kitesurf.
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La pointe Sud de Rhodes. On voit un isthme, et à ce niveau, l'effet venturi est responsable d'une augmentation très sensible de la vitesse du vent qui vient pratiquement toujours de l'Ouest ou du Nord Ouest.
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Un bon force 6 avec de grosses claques m'attendait à la pointe de Rhodes, mais je me suis bien gardé de virer tout de suite, car d'une part je pensais qu'il y aurait moins de vent au large, et d'autre part, je ne voulais pas avoir à louvoyer près de la côte, préférant rallier Khalki avec le moins de virements possible. Et c'était le bon choix, car le reste de la navigation s'est déroulé dans des conditions plaisantes, le vent faiblissant régulièrement à mesure que je me rapprochais de Khalki.
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Ce n'est pas une tache dans le ciel mais un bel oiseau marin, beau planeur, qui m'a accompagné avec trois de ses compères pendant plusieurs heures, espérant trouver dans le sillage agité de Sabay Dii quelque poisson effarouché.
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Khalki apparaît. Elle semble beaucoup plus montagneuse et aride que vue depuis Rhodes.
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L'île est acore sur toute cette face. Il me faut trouver le trou de souris que j'ai repéré sur les cartes marines.
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Khalki est une île très inhospitalière, sauf à son extrémité SE, là où se trouve Khalki, le seul village de l'île éponyme. Un peu plus à l'Ouest du village, se trouve la baie Potamos (Ormos Potamos en grec), et c'est là que j'ai choisi d'aller mouiller, plutôt que d'aller m'amarrer au quai du village.
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Voilà Ormos Potamos, petite oasis dans un univers rocailleux.
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Sabay Dii est évidemment seul dans ce trou. Un vrai trou, bien rond, et tout bleu. La carte ne mentait pas.
Par contre, comme oasis de verdure, on fait mieux. Quelques arbres tout rabougris, et pas une goutte d'eau douce. Par contre, question eau salée, on fait difficilement plus limpide ...
En fait, en arrivant ici, à Khalki, je réalise que je suis en train de découvrir le monde des îles du Dodécanèse. En effet, de ce long archipel, je ne connais que Kastelorizo que je voyais depuis la Turquie, dont j'ai longé plusieurs fois les côtes, à quelques centaines de mètres, mais sans l'avoir jamais abordée, et puis Rhodes, dont j'ai fait le tour en voiture, mais qui est tellement immense, tellement variée, tellement aménagée, que lorsqu'on s'y trouve, on ne se sent pas l'âme d'un insulaire.
A Khalki, je découvre un petit confetti posé sur la Mer Egée, dans laquelle Sabay Dii à tracé sa route pendant trois saisons, mais toujours en longeant et en abordant le continent turc, car, à quelques très rares exceptions, les traités de guerre ont bien fixé les règles dans ce coin de Méditerranée : le continent pour les Turcs, les îles pour les Grecs, et malgré les contestations incessantes d'Erdogan, je ne suis pas sûr que les Grecs aient gagné dans ce partage.
En tout cas, me voilà enfin dans une des innombrables petites îles de la Mer Egée, où j'ai prévu de passer une saison à naviguer, explorer, et surtout rencontrer des gens bien différents de ceux que je connais déjà, du moins, c'est ce que m'en ont dit les navigateurs que j'ai croisés.
Mais avant de voir âme qui vive, je vois une terre aride, brûlée par le soleil, qui a du être fertile, car il y a très souvent des terrasses, où que l'on regarde, ou presque. Mais des terrasses aujourd'hui abandonnées. Sauf à croire que les anciens préféraient jouer les terrassiers plutôt que les agriculteurs, ou à supposer que les Grecs d'aujourd'hui sont bien plus fainéants que leurs ancêtres, la première idée qui me vient à l'esprit est que les temps ont changé, ou plutôt que les Hommes ont changé le temps et qu'en moins d'un siècle, certaines cultures traditionnelles ont du être abandonnées. On pense au climat immédiatement, mais ce n'est pas la seule raison, car le mode de vie a beaucoup évolué concomitamment. Les exigences de l'Homme contemporain ne sont plus celles de l'Homme du début du siècle dernier. On raisonne aujourd'hui en termes de rentabilité, de profits, alors que trois ou quatre générations avant, on demandait sur ces îles à avoir une récolte suffisante pour survivre, c'est à dire se nourrir et avoir suffisamment de réserves pour acheter le nécessaire vital. Dans ce nouveau monde de consommation effrénée, d'envies sans cesse renouvelées, de mobilité débridée, les perspectives des îliens se sont réduites jusqu'à devenir insupportables, et les pousser à l'exil à la ville, à Athènes surtout, pour y chercher un nouveau métier, un nouvel environnement, une nouvelle vie, en somme, et constituer un nouveau prolétariat. Mais, comme vous le verrez bientôt, lorsque je vous parlerai d'Alimia, l'île voisine de Khalki, tout le monde n'a pas fait le choix de l'exil.
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Sabay Dii à Ormos Poamos, sur l'île de Khalki.
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Ayant bien navigué depuis 6 heures du matin, je n'avais envie de rien d'autre, à l'arrivée en fin d'après-midi, que de faire trempette, bien que l'eau fût encore très fraîche : 15°C ce qui est normal ici début mai. Mais comment résister à une eau cristalline et calme ? Et puis, par acquis de conscience de Capitaine, rien ne vaut d'aller voir si son ancre est bien enfoncée dans le sable pour mériter une nuit apaisée.
Plouf ! Gloups ! Aglagla !
Le lendemain matin, mes jambes étaient impatientes de se dégourdir, après 48 heures à faire les cents tout petits pas sur le pont du bateau. Donc, en route pour le village.
Je n'avais pas fait 200 mètres que j'avais déjà vu un cimetière, une chapelle, une église, et un autel pour des offrandes. Vous allez en déduire peut-être que cette île a une vocation religieuse particulière, comme par exemple Patmos qui abrite le Monastère de Saint-Jean, ce qui en fait une destination de pèlerinage. Eh bien non ! Pas du tout ! Comme toutes les îles grecques que j'ai vues en deux mois, Khalki est "farcie" de lieux de cultes, et d'autels tout le long des chemins, des routes, devant ou derrière les maisons. Moi qui ai vécu en Asie et qui m'amusais de ces cultes à la fois mystiques, polythéistes et souvent animistes, j'avoue avoir été sidéré de découvrir ici le même type de croyances et de pratiques.
Pour ne pas avoir à suivre un chemin de croix, j'ai quitté la route menant au village pour prendre un chemin buissonnier qui s'est vite transformé en cul-de-sac. Ce qui m'a conduit à revenir à mon plan initial qui était de rejoindre le village en longeant la côte, ce qui était courageux, très courageux même, car le parcours ne fut qu'une course d'obstacles naturels et de passages de barbelés servant à parquer chèvres et moutons.
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Remarquez, au premier plan, le grillage que je vais devoir franchir.
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Ces chèvres et brebis n'avaient pas de cloche, car elles étaient parquées, mais en général elles en ont toutes une, ce qui fait un joyeux tintamarre dans les collines, que l'on entend loin en mer..
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Pour me récompenser de mes efforts, j'ai eu droit à de splendides vues de la côte de Khalkil, une côte austère, inhospitalière, mais majestueuse.
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Les mauvaises langues disent que rien ne pousse ici. Vous avez la preuve du contraire : il y a un arbre !
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Autre privilège, celui d'arriver aux trois anciens moulins qui servent d'amers et que j'avais repérés de loin, en m'approchant de Khalki. C'était en fait l'une de mes motivations secrètes à rejoindre le village en passant par la côte.
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L'intérieur d'un moulin. Les mécanismes ont été enlevés et trainent dehors.
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Et puis quoi de plus impressionnant que de découvrir un village d'en-haut, dans son environnement, et dans son entièreté !
C'est depuis les moulins perchés sur la colline surplombant la mer que je suis descendu au village. Un village typique, comme je viens d'en voir des dizaines depuis mon arrivée dans le Dodécanèse.
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Un village avec des gens paisibles, un village qui semble faire la sieste à toute heure du jour.
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Un village avec quelques maisons en très mauvais état (faute d'argent), ou abandonnées ...
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mais où toutes les maisons habitées sont propres et coquettes.
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On n'est pas en Turquie, mais ici aussi l’œil porte-bonheur au-dessus de la porte d'entrée attend le visiteur.
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Pour se protéger de la chaleur, les ruelles sont très étroites et les murs très épais et blancs.
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Les sols sont souvent richement décorés avec des petits galets blancs et noirs qu'on trouve sur les plages de ces îles d'origine volcanique.
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La place de l'église.
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et l'église du village.
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Et puis, ne l'oublions pas, Khalki est un port, un tout petit port de pêche certes, mais aussi le port d'entrée de toutes les marchandises dont ont besoin les habitants de l'île, et enfin le port du ferry qui permet d'aller et de revenir, à pied, en moto, en voiture et même en camion ou tracteur, à la métropole voisine, à savoir, Rhodes.
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