Tout le monde a entendu parler de Bora Bora, « la perle
du Pacifique », « le plus beau lagon du monde », « l’île
paradis », … Découverte par le Capitaine Cook en 1769, elle a subjugué
tous les navigateurs qui l’ont approchée
aux cours des siècles. Mais cette aura superlative a induit dans les deux
dernières décennies le développement d’infrastructures hôtelières faisant de ce
minuscule territoire la première destination touristique du Pacifique central.
Quelques jours avant mon départ pour cette destination
mythique, Thierry, un ami « voileux » vivant depuis quelques années en
Polynésie, m’a dit: « La Polynésie, y a rien de plus beau, mais tu risques
d’être très déçu par Bora Bora. Les mauvaises langues disent que la Polynésie a
deux poubelles, une à chacune de ses extrémités : d’un côté, Hao (où il
vit) à l’est dans les Touamotu, et de l’autre côté, Bora Bora complètement à
l’ouest ».
Prévenu, je suis venu
avec mon beau Sabay Dii, pour voir ce qu’il en était. Impression contrastée.
L’approche de Bora Bora est bouleversante. De loin, cette
montagne qui pointe à l’ouest, ne laissant rien deviner du lagon qui l’entoure.
Et puis, petit à petit, à mesure qu’on se rapproche du
récif, juste derrière le blanc éclatant des vagues qui brisent avec violence
sur le corail, tout autour de ce mont qui se dresse vers le ciel, apparaît un
incroyable liseré bleu, ou vert, ou émeraude, ou … Enfin, une couleur qu’on n’a
jamais vu ailleurs. Une couleur qui n’existe pas dans les boîtes de crayons de
couleur.
Où est-ce qu’on arrive ? Où est la passe Teavanui ? Qu’est-ce qui nous attend de l’autre côté de la passe ?
Eh oui ! Bora Bora est un endroit exceptionnel avec un
merveilleux lagon ceinturant une île-montagne. Rien à voir avec les atolls des
Tuamotu où l’altitude culmine au faite d’un cocotier. Rien à voir non plus avec
les Marquises où les montagnes se jettent avec violence au fond de l’océan. Ici,
l’harmonie est naturelle et absolue, entre la barrière de récifs qui ceinture
comme dans un écrin des eaux couleur turquoise et paisibles du lagon, et le
majestueux mont Otemanu.
Difficile d’imaginer une île idéale autrement, quand on a vu
Bora Bora. Mais le plus impressionnant, c’est la lumière irréelle dans laquelle
baigne l’ensemble, avec des couleurs qui donnent le vertige et qui paraissent
artificielles lorsqu’on regarde les photos.
Mais dans ce site d’une beauté naturelle époustouflante, on
remarque aussi, hélas, l’omniprésence
pesante de trop nombreux et trop grands complexes hôteliers qui en plantant les
pilotis de leurs paillotes de luxe jusqu’à envahir une partie du lagon, se
sont accaparé les rivages intérieurs du lagon, confisquant presque tous les
accès terrestres.
Le voyageur ne passant pas par un « tour-operator »
n’a d’autre choix que de rester sur l’eau (s’il a la chance d’avoir un bateau),
ou d’aller chercher à se loger sur l’île centrale qui n’a malheureusement pas
le charme de ses voisines.
Eh oui ! Paradoxalement, dans ce lieu magnifique par
nature, il semble que ses habitants aient perdu l’une des qualités premières et ancestrales des Polynésiens, le goût du
beau. En circulant sur l’île, on découvre avec consternation que l’on a pris la
mauvaise habitude de vivre dans un environnement laid. Les bicoques dépourvues
de charme bordent la route, sans haies ni jardins. Les toits sont souvent de
tôle et les parpaings apparents. Les poulaillers sans clôture voisinent avec
les casses d’automobiles. On est à mille lieux des jolis maisonnettes et
jardinets des autres îles-sous-le-vent, Tahaa, Huahine et Raiatea.
Certains penseront que c’est le tourisme à tout crin qui est responsable de
cet état de fait. C’est probable, mais en d’autres ruches touristiques de la planète (je pense
en particulier à Bali), les traditions et le goût du beau ont été préservés voire
renforcés par le voisinage de stations touristiques de luxe. Les habitants ont
choisi de conserver leurs habits, leurs cérémonies, leurs temples, leurs
traditions, coûte que coûte, pour ne pas perdre leur âme.
Bora Bora est donc une drôle d’île. Elle a probablement été
la plus belle île du monde, mais comment rester au pinacle quand le tourisme
est roi ? Selon son humeur, selon ce que l’on est venu faire ici, selon
ses moyens financiers, selon toute sorte de raisons … on peut apprécier ou
détester Bora Bora.
Moi j’ai aimé Bora Bora, mais j’aurais préféré être le
Capitaine Cook …
Cet avis mitigé est celui d’un touriste de passage, et qui
plus est, vivant sur son bateau. Il est certain que les autochtones ont une
vision bien différente de la mienne, plus circonstanciée, plus pragmatique.
Comme tu t'en doutes, j'ai aimé.
RépondreSupprimerJ'ai bien sûr regretté les poubelles, les chiens errants, la décharge à ciel ouvert, mais à tout jamais sera gravé ce bleu lagon chaque jour si différent, ces couleurs, le Heiva préparé des mois durant dans les jardins des uns, des autres ..., la diversité des populations (peuples des Marquises, des Tuamotus, de Raiatea, Huahiné ... mais aussi chinois, japonais, indonésiens, européens) venus pour une ou deux saisons et jamais repartis, l'accueil, le partage, la solidarité qui efface les disparités sociales entre les locaux.
Les Fare sur pilotis ne m'ont pas tant choqué, oui le tourisme est très présent mais il permet de nourrir des familles entièrement depuis les îles du Vent jusqu'aux Marquises. Finalement, ces fare sont assez écolos, semblables aux originaux et bien qu'ils empiètent sur le lagon, ne vaut-il pas mieux cela que l'horrible Club Med tout bétonné et à l'abandon depuis des années ? Au sein de ces hôtels, il y a de plus en plus de prise de conscience de l'environnement : je pense par exemple au centre de protection des tortues de l’hôtel le Méridien. Quel plaisir ce fut pour nous d'y aller. Enfin bref, j'ai vu Waikiki et ses énormes tour-hôtels, j'ai vu Bora et ses pilotis ... D'un point de vue architectural, mon choix est fait.
Mais bien sur comme toi j'aurais aimé être le Capitaine Cook.
Merci pour ces photos qui nous permettent de revivre tout cela