Tout commence le matin, de bonne
heure, dans une belle cocoteraie toute propre ou au contraire sur un terrain ressemblant plus à une brousse qu'à une plantation
Dans tous les cas, il faudra commencer par faire un grand feu, histoire de nettoyer un peu la zone où l’on va
récolter les noix de coco, car rien du cocotier ne pourrit. Si on n’utilise pas ou ne brûle pas tout ce qui tombe de l’arbre (branches, vieille noix, écorces diverses, etc.), on
se retrouve rapidement avec un terrain impraticable. Mais le feu est aussi et surtout
destiné à enfumer la cocoteraie et chasser ainsi tous ces innombrables moustiques
qui vous attendent avec frénésie pour prendre leur petit déjeuner de vampire. On
est ainsi un peu protégé de ces vilaines bestioles, mais en contrepartie, on
passe la matinée dans la fumée, à pleurer toute ses larmes.
Ensuite, on rassemble les noix
tombées des arbres, et le coup d’œil permet rapidement de distinguer celles de
l’année, celles des années précédentes, celles qui sont pourries, germées ou trop
jeunes. Eh oui ! Sous les tropiques, les cocotiers ne connaissent pas de
saison et donnent des noix toute l’année, alors que la récolte, pour le coprah,
s’effectue toujours à la même époque. Il faut donc savoir choisir les bonnes
cocos.
Ensuite, c’est à la hache qu’on coupe les noix en deux, juste au milieu, mais en faisant en sorte que les deux demi noix restent attachées l’une à l’autre par un peu de fibre. Là aussi, il faut connaître le geste exact qui permet, dans un claquement sec, de faire éclater la noix en la frappant exactement au bon endroit, avec la pointe inférieure de la hache, et avec la force adaptée à l’épaisseur de l’enveloppe parfois très épaisse qui recouvre la noix. Lorsqu’on arrive à 4000 noix de cocos, on commence à avoir le dos et le cou en compote. Et on est à peine à la moitié de la journée.
Heureusement, on ne fait pas que casser les noix, car il faut les ranger en tas, les empiler têtes-bêches, tournées vers le bas et exactement dans le sens du vent pour que ce dernier ne renverse pas le tas, mais le ventile et accélère le séchage. Ainsi, même en cas d’averse, ce qui arrive quotidiennement aux Tuamotu, les noix ne se mouillent pas et en trois à quatre jours, elles sont prêtes pour l’étape suivante, l’extraction de la chair.
Pour cette extraction, on travaille enfin assis, sur un banc qu'on va trimbaler toute la journée pour se déplacer de tas en tas. Il faut surtout un outil très simple et très performant, une simple lame de fer courbée et munie d’un gros manche en bois, qui permet de sortir la chair de chaque moitié de la noix de coco. Mais lorsqu’on se saisit des deux demi-noix pour réaliser l’opération, on a souvent des surprises ; parfois un petit lézard s’est installé depuis un ou deux jours dans ce cocon qui lui offre le logis mais aussi la nourriture, car beaucoup d’animaux apprécient la chair de coco. Mais les rencontres sont souvent moins agréables : nids de fourmis rouges qui vous attaquent par centaines au moment où vous saisissez la noix, ou pire, une vilaine scolopendre qui vous pique de son venin très douloureux. Là aussi, on apprend vite à retourner la noix avec prestance et méfiance, pour la décortiquer vite et bien.
Le Maître
Et l'élève
Ce n’est qu’après deux ou trois jours de beau temps sec supplémentaires que le coprah peut être apporté au grossiste qui le transportera aux huileries de Tahiti pour sa transformation en huile et autres produits dérivés.
En tout cas, une chose est sûre : même si le coprah rapporte pas mal d'argent en ne demandant pas beaucoup de travail pendant toute l'année, puisque le cocotier fait le travail tout seul, sa récolte est exigeante physiquement. Quinze ou vingt jours (et pour certains propriétaires encore plus) à travailler huit à dix heures non stop en plein soleil, dans la fumée et avec les moustiques, c'est pas fait pour les fainéants ou les chochottes. Mais cette expérience valait vraiment le coup.
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