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En laotien, Sabay Dii signifie "bonjour", "salut", "ça va"...
Dans la pratique, cette expression est utilisée chaque fois qu'on est heureux de rencontrer quelqu'un.
Pas étonnant que j'ai baptisé mon bateau "Sabay Dii", non ?

mercredi 18 mai 2022

Le tour de Rhodes en ... un seul jour (acte 1 : l’Euplagia quadripunctaria rhodosensis )

Comme je vous l’ai dit précédemment, j’ai loué une petite voiture pendant une journée pour aller voir les vestiges de deux des trois cités antiques à l’origine de la création de la ville de Rhodes, à savoir Kamiros, sur la côte occidentale de l’île, et Lindos, sur la côte orientale. Mais tant que j’y étais, j’avais aussi programmé une balade à Petaloùdes, dans la très réputée Vallée des Papillons, l'un des hauts lieux du tourisme local qui draine plusieurs centaines de milliers de visiteurs chaque été.

 
Rendez-vous à 9 heures du matin à la marina pour récupérer une Fiat Panda (30 € / 24 h, assurance tout risque comprise). Pas de caution, juste une signature sur un formulaire officiel avec l’immatriculation du véhicule, mon nom et le numéro du permis de conduire, avec la date et l’heure de prise en main du véhicule. Un point c’est tout. Deux minutes plus tard, toutes fenêtres ouvertes, je démarrais, pour une belle journée de vadrouille terrestre, ...
 
... pendant que Sabay Dii, bien amarré, encaissait (on dit "étalait" chez les marins) docilement le coup de vent.
 
Départ vers le Nord pour faire le tour de l’île (ou presque) dans le sens inverse des aiguilles d’une montre.
En rouge, mon trajet de la journée
J’ai donc dû traverser la ville de Rhodes, ce qui se fait très facilement et rapidement, si on longe la côte. Le vent soufflait déjà fort. La mer sur cette côte occidentale très exposée était bien agitée, comparée à l’autre côte, où les moutons n’étaient visibles qu’au large.
Petit arrêt au niveau d’Ixia pour m’acheter un casse-croute, et je bifurquais sur la gauche pour entrer dans les terres, en empruntant de toutes petites routes serpentant au début parmi des champs, puis sous le couvert de pinèdes et de belles forêts d’arbres très variés, à la moindre petite côte. En quelques minutes, j’avais eu l’impression de passer d’une lande sèche et accablée de soleil, à un alpage baigné de fraîcheur.
Parfois, c’était aussi les restes d’un bois de pins détruit par un incendie, mais dans l’ensemble, dès qu’on s’élève un peu, on est étonné par la densité de la végétation et aussi par le nombre incroyable de gués (souvent à sec) aménagés pour le passage des rares véhicules, preuve qu’il doit y avoir pas mal de pluie en hiver. 
La Grèce a connu de terribles incendies, ces dernières années.
Vers 10 heures, j'arrivais au parking de la Vallée des Papillons. Ceux qui me connaissent bien doivent imaginer que j'étais tout excité à l'idée de pouvoir photographier des papillons. Eh bien, figurez vous que non, car je n'étais pas venu pour cela. Oh ! Je devine que vous pensez que, soit j'avais un problème de matériel photo, soit que les photos étaient interdites, ou que sais-je encore. Eh bien, encore non ! Car je savais que cette vallée n'est fréquentée que par une seule variété de papillon, le Parnassia Quadripunctaria, un très joli papillon nocturne qui se retrouve ici en quantité phénoménale, mais seulement de juin à septembre. Or on n'était qu'au début du mois de mai. N'est ce pas ?
Ce papillon n’est autre que l’une des quatre sous-espèces de l’Ecaille chinée, un papillon nocturne que l’on trouve un peu partout, mais nulle part ailleurs, avec une telle concentration. Son nom scientifique est l’Euplagia quadripunctaria rhodosensis, (Daniel, 1953), mais ici on l’appelle Parnassia Quadripunctaria, ce qui n’est pas une erreur de nomenclature, vu qu’il y a encore des discussions de spécialistes pour savoir si on le classe dans le genre Euplagia ou Panaxia.
Vous en avez probalement vu, car on le rencontre partout en France et dans une grande partie de l'Europe. Sa particularité qui vous l'a fait peut-être repérer, c'est qu'il est très beau pour un papillon de nuit, que ce soit posé avec ses ailes tigrées de noir et blanc (les anglais l'appellent d'ailleurs, le Jersey tiger moth), ou en vol, lorsque ses ailes déployées colorées de rouge vif laissent voir les quatre petits points noirs qui lui valent son non scientifique.
Au repos, ailes "fermées"
 
 
 
 

En vol, ailes déployées


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Évidemment, je ne m’attendais pas à voir ce papillon qui, à ce moment de l’année, n’a pas encore atteint sa phase de joli lépidoptère volant. J’étais venu ici pour admirer cette magnifique vallée avec ses aliboufiers en fleur, son joli court d’eau bruissant, ses cascades brillant au moindre rai de lumière, bref pour l’atmosphère fraîche et tranquille.












Cascades, fraîcheur, quiétude. On est pourtant à Rhodes !
Ce dont je ne me doutais pas, c’était que cette vallée grimpe autant et si longtemps (compter une bonne heure et demie de grimpette en marchant tranquillement), ce qui en été, avec la cohue et la chaleur, doit décourager pas mal de monde. Mais l’endroit est tellement charmant, et parfaitement aménagé, tout en restant très « nature ». Heureusement, car le personnage principal de la scène est quand même l’Euplagia quadripunctaria rhodosensis dont le biotope doit être préservé.



Les photos que j’ai vues à l’accueil m’ont fait penser au Michoacan, cet endroit incroyable du Mexique où je m’étais rendu pour voir les Monarques se regroupant par centaines de millions avant leur migration.

Au sujet de la migration du monarche, voir ce que j'avais mis dans le blog en 2012 :

  • https://sabaydii.blogspot.com/2012/07/la-migration-du-papillon-monarque.html
  • https://sabaydii.blogspot.com/2012/07/les-monarques-se-preparent-pour-la.html

Pourquoi une telle concentration, tout-à-fait exceptionnelle seulement ici, alors qu’ailleurs en Europe, on ne trouve cette espèce que très disséminée ?

Plusieurs raisons. D’abord le climat de l’île de Rhodes qui peut se résumer en deux saisons : un été chaud et le reste de l’année sans grand froid, mais avec pas mal de pluie. Ensuite la fraîcheur du lieu due à la petite rivière qui coule toute l’année dans cette étroite vallée. Ensuite le fait que le couvert végétal à feuilles persistantes est très important et ne laisse presque jamais passer le soleil, ce qui pour un papillon nocturne est fondamental. Et enfin, la présence de l’aliboufier, un arbre qu’aime particulièrement la chenille de ce papillon.

Feuilles de l’aliboufier

Feuilles de l’aliboufier
Fleurs de l’aliboufier - J'étais par contre au bon moment pour la floraison de l'arbre.

Tout beau papillon a été une belle chenille. A méditer !

La vie de l'écaille chinée est assez étonnante. Dans sa phase papillon, elle commence à la fin du mois de mai et se termine en août, au moment de l’accouplement. En septembre, les femelles se déplaçant uniquement la nuit, vont pondre leurs œufs sur des plantes à feuilles persistantes et des feuillus. Chaque femelle pond une centaine d’œufs d’une taille inférieure à un millimètre, puis meurt. Les chenilles émergent au début du mois d’octobre, période à laquelle les pluies commencent en Méditerranée. Elles ont alors plein de nourriture à leur disposition. Le plus étonnant est que ce papillon ne se nourrit que pendant cette phase de sa vie, qui dure tout l’hiver. Début mai, la chenille se transforme en chrysalide, puis quelques temps plus tard, émerge le papillon, dans sa magnifique robe colorée. Dès lors, il ne se nourrit plus, mais il a stocké beaucoup de graisse dans son corps. C’est le carburant de l’été, à la fois pour la reproduction et la survie.

Quelques photos du papillon glanées sur Internet ...



Pour les entomologistes, cette vallée offre des conditions idéales pour la reproduction de cette espèce de papillon, ce qui explique son abondance, voire son endémicité. Mais l’endroit n’est pas dépourvu de dangers ; les lézards, les guêpes et même les araignées sont ses ennemis, sans compter la principale menace, la chauve-souris qui partage le même biotope.

Et puis, il ne faut pas se voiler la face, il y a les touristes, une espèce extrêmement dangereuse, qui arrivent en masse au moment où le papillon est en jeune. Il doit donc s’économiser, et j’ai du mal à imaginer que l’ambiance soit reposante, avec les braillement, les gesticulations, et même les claquements de mains pour le faire s’envoler, ce qui est le plus traumatisant pour lui, car cela produit des fréquences proches de celles du vol de la chauve-souris.

Ah ! Heureux les Euplagia quadripunctaria de nos campagnes et de nos greniers qui n’ont pas à faire le spectacle pendant l’été.

Pour les amateurs, comme moi, de macrophotographie d'insectes (y compris papillons), voici quelques articles de ce blog avec mes photos perso. :

  • https://sabaydii.blogspot.com/2019/07/mais-quel-est-don-cet-insecte.html
  • https://sabaydii.blogspot.com/2018/01/a-la-chasse-aux-papillons.html
  • https://sabaydii.blogspot.com/2013/01/papillons.html 
  • https://sabaydii.blogspot.com/2012/07/des-papillons-en-veux-tu-en-voila.html

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