Bienvenu sur le site de Sabay Dii

En laotien, Sabay Dii signifie "bonjour", "salut", "ça va"...
Dans la pratique, cette expression est utilisée chaque fois qu'on est heureux de rencontrer quelqu'un.
Pas étonnant que j'ai baptisé mon bateau "Sabay Dii", non ?

lundi 25 avril 2022

Dernier passage à Marmaris

Comme vous le savez, j'ai du changer mes plans de début de saison à cause du mauvais temps. Au lieu de passer en Grèce à partir de Kaş, via Kastelorizo, j'ai décidé de pousser jusqu'à Marmaris d'où je partirai mercredi matin pour rejoindre directement Rhodes. Un saut de puce, puisqu'il n'y a que 25 milles nautiques entre les deux, qui se naviguent en plus par vent de travers la plupart du temps.Du petit temps est prévu.

Mais pour les conditions de navigation, on verra, car j'ai été échaudé en ce début de saison par des prévisions météorologiques complètement irréalistes. D'abord entre Finike et Kaş, où j'ai ramassé plus de 45 kt de vent d'Ouest, à l'approche de Kastelorizo, alors qu'il n'y en avait que 12 de prévus, ce qui m'a valu un peu de casse mais rien de bien grave. En tout cas, cela m'a permis de découvrir un gros problème de contamination de mon gazole et de faire tout le nécessaire pour que je ne sois plus embêté de ce côté là pendant un bon bout de temps (700 € quand même entre le nettoyage de tout le circuit d'alimentation et le remplacement du carburant + 400 € de marina pour les 6 jours nécessaires aux travaux et à la mise à l'abri d'une seconde tempête). Car il y a eu, dans la foulée de la première, une nouvelle tempête, d'Est cette fois, à deux jours d'intervalle, et opposée à la première. A ne rien comprendre du temps dans cette région ! Mais là j'étais en sécurité, bien attaché à un ponton de la Kaş Setur Marina, même si les bateaux n'étaient pas vraiment protégés de ce force 8 ! Par moment, tous les bateaux d'un même bord du ponton flottant prenaient 30° de gite et s'entassaient les uns sur les autres comme pour se cacher des claques brutales qui leur tombaient dessus, sans crier gare.

Lorsque la météo est devenue acceptable, j'ai décidé de larguer les amarres pour Marmaris, mais en plusieurs petites étapes. Mais avant de mettre les voiles, j'ai pris la précaution de prendre 100 L de gazole supplémentaires, non pas que j'ai viré ma cuti et que j'envisage dorénavant d'utiliser la brise Volvo à la place de celle d’Éole, mais parce que le carburant des îles grecques est cher mais surtout parce qu'il a une sale réputation (on le transporte par petits camions-citernes pas très propres, et pour ce qui est du carburant crados, je viens de donner !).

Sur cette carte CM93, la marina de Kaş n'est pas encore indiquée.

Comme le pompiste qui est sensé être au boulot à 8h30, est arrivé avec une bonne demi-heure de retard et que nous étions plusieurs bateaux à attendre, c'est avec presqu'une heure de retard que j'ai vraiment pris le départ de cette nouvelle petite navigation. Mais ce n'était pas bien grave, car il n'y ait pas le moindre vent et c'est donc au moteur que j'ai remonté la rade de Kaş.

Cette trace de Sabay Dii montre bien quand j'ai mis les voiles et d'où venait le vent (Ouest).

Et, une fois de plus, je n'ai pas eu le vent prévu, tout au moins pendant la première journée. On annonçait une dizaine de nœuds et à dix heures du matin, il y en avait déjà le double, raison pour laquelle j'ai gréé d'entrée de jeu la trinquette à la place du génois, m'attendant à une nouvelle journée de baston. Ce qui fut le cas, avec un vent entre force 5 et 6 minimum, et qui n'a pas baissé au coucher du soleil, alors qu'on annonçait un calme plat.

Après une belle adonnante qui m'a permis de passer au vent de l'île Ro, j'ai du tirer des bords contre un léger courant (d'où cette forme de ressort un peu compressé de la trace).

Du coup, j'ai renoncé à m'arrêter au mouillage de Yesilköy que je connais bien, mais dont le fond herbeux n'est pas de bonne tenue, préférant avancer même dans du vent en attendant que ça se calme. Vers une heures du matin, malgré quelques micro-sommeils de une à trois minutes tous les quarts d'heure, je commençais à fatiguer un peu, mais je voyais bien aux changements de directions du vent que l'heure de la pose allait bientôt arriver. Et c'est ce qui arriva à 2 heures. Après un dernier bord poussif vers le Nord, j'ai affalé les voiles, allumé tous mes feux, et suis allé dormir comme un bienheureux, pendant que Sabay Dii dérivait tranquillement vers le Sud, loin de toute route maritime, et donc sans danger aucun.

Un peu avant 6 heures du matin, sentant la brise frémir, j'ai mis le nez dehors et cinq minutes plus tard, Sabay Dii était sous voile, plein Nord. Un coup d’œil à la carte pour constater que pendant mon sommeil de presque quatre bonnes heures, Sabay Dii avait dérivé plein Sud de la longueur exacte du dernier bord plein Nord, soit 2,5 milles nautiques, distance que j'allais refaire en moins de 20 minutes. Il ne fallait vraiment pas se passer d'une telle occasion de repos.

Facile de repérer mon sommeil (on est à l'entrée de la grande baie de Fetiye et de Göçek)

La journée s'annonçait sous les meilleurs auspices, avec un vent de Nord Ouest, conforme aux fichiers grib que j'avais enregistrés dans ma carte météo, la direction idéale pour le reste du voyage. Comme la météo annonçait que le vent tournerait à l'ouest dans la journée, j'ai choisi de partir justement plein Ouest, ce que les régatiers affutés comprendront bien, et qui se voit parfaitement sur la carte ci-dessus. Mais il y avait quelque chose que je n'avais pas pu prévoir...

Interruption inopinée du bord plein Ouest que je prévoyais de pousser jusqu'au moment de la bascule de vent.
Ce que je ne pouvais savoir, c'était qu'en continuant plein Ouest, je rentrais dans une zone de manœuvres aéronavales. Mais j'ai vite compris lorsque j'ai vu un escorteur de la marine nationale turque foncer sur moi, et me demandant par radio de m'arrêter immédiatement.

Une fois près de Sabay Dii, on m'a expliqué la situation, et on m'a demandé de contourner par l'Est l'île de Peksimet, pour respecter la zone interdite et surtout pour ma sécurité. Ce changement de direction vers le NNE contrariait mes plans tactiques, mais il fallait obtempérer, d'autant que l'escorteur décida de gentiment m'escorter jusqu'à l'île, en me remerciant au bout de ce chemin commun pour ma collaboration et en me souhaitant "a nice sailing". Quelle courtoisie !

Conformément aux recommandations, j'ai du rester tout près de la côte, ce qui ne fut pas très pénalisant car le vent ne va jamais se lever.

La petite île de Peksimet à laisser à bâbord

Le reste de la journée va me donner l'occasion de mesurer l'importance de ces manœuvres qui démarraient vers 10 heures du matin : chasseurs et avions de repérages dans le ciel, nombreux cuirassés se poursuivant sur l'eau, et certainement quelque sous-marin invisible car il y a une base de ces engins discrets justement entre Fetiye et Ekinçik, dans une baie interdite à la navigation, bien sûr !
Et en jouant sur les effets de côte et la rotation annoncée à l'Ouest, je fus finalement très vite au près bon plein à l'entrée de la baie d'Ekinçik où j'avais prévu de jeter l'ancre pour la nuit.
Vous remarquerez à l'entrée de la baie d'Ekinçik, un petit crochet vers bâbord (la gauche). Pourquoi ?

Vers 16 heures, à un demi mille de mon mouillage prévisionnel, je me mets face au vent pour affaler la grand voile, et dans la foulée, comme mu par un sombre pressentiment, je vais à l'avant du bateau pour tester le fonctionnement du guindeau, c'est-à-dire le moteur qui commande la montée et la descente de la chaîne d'ancre. Et oh surprise, le moteur ne répond pas à la télécommande. Comment ce fait-ce alors qu'il marchait parfaitement lorsque j'avais mouillé dans la baie de Kekova quelques jours plus tôt. Impossible de mettre cet incident sur le compte de la tempête ou sur celui des travaux que j'avais faits à Kaş ! Décidément, ce début de saison était plein d'embrouilles !
Mais pas de panique ! J'avais une belle avance, le temps était calme, dans une zone sans danger, avec un moteur me permettant de me sortir de toutes les situations. Et puis surtout, je savais que je trouverais la solution, car toute modestie mise à part, je connais l'organisation électrique de mon bateau par cœur, et j'ai eu la bonne idée de faire de nombreuses années d'étude et d'enseignement de l'électricité. Donc au boulot ... sortir le multimètre électrique, et faire dans l'ordre : d'abord démonter la télécommande très exposée aux paquets de mer qui, par mauvais temps, arrosent le local de l'ancre où le combiné de commande est fixé (OK), tester les tensions dans la boîte de dérivation de la baille à mouillage (O V donc problème), vérifier si le disjoncteur du guindeau qui se trouve derrière la table à carte n'a pas disjoncté (OK), défaire le lit de la cabine avant pour tester les tensions dans une autre boîte de dérivation situé en amont de celle de la baille à mouillage (13 V OK) et tester le relais (OK). Déduction, le problème se trouve dans la boîte de dérivation de la baille à mouillage et je ne l'ai pas vu. Retour en extérieur avec clé de 13, papier de verre, aérosol pour nettoyer tous les contacts. Grand nettoyage ; sans résultats ! C'est donc qu'il y a un fil défectueux, qui sous sa jolie petite gaine colorée est soit sectionné (peu probable) soit oxydé. Et j'ai trouvé le coupable, heureux comme un gamin qui joue aux échecs lorsqu'il coince le roi dans un coin du damier. Retour en intérieur pour mettre la main sur la caisse à outils électriques et refaire une bonne liaison vers la télécommande. Au total, moins d'une heure, pour réparer et remettre tout en ordre, et jeter l'ancre à 17 heures sur l'excellent sable d'Ekinçik, par 6 mètres d'une eau cristalline.
Vous comprendrez aisément qu'après ces 33 heures de navigation, je me sois accordé une belle journée de farniente, avec même une baignade dans de l'eau à ... 15°C (ce n'est pas encore l'été ici).
La deuxième partie du voyage, c'est-à-dire d'Ekinçik à Marmaris sera une véritable promenade de santé avec un peu d'air bien orienté, et c'est la première fois que j'arriverai à Marmaris, au vent arrière, par 10 nœuds de vent. Royal !
Néanmoins, de loin, j'ai eu l'impression que quelque chose avant changé à Marmaris. Au lieu de voir les mâts des bateaux de la marina, il y avait une grosse tache blanche ...
Voilà ce que j'ai découvert en me rapprochant.

Pour vous donner une idée de la dimension de ce monstre, son pont avant cache les mâts des bateaux de la marina qui font entre 15 et 25 mètres de haut, et le bateau juste derrière est un super-yacht de taille standard, si l'on peut dire.
Le nom de ce méga-yacht ?
L'Eclipse !
Des caractéristiques délirantes :
  • 162,5 mètres de long, c'est-à-dire, à 10% près, la taille du Moskva, le navire amiral de la flotte russe coulé en Mer Noire ces temps derniers ;
  • largeur maximale (maître bau) 21,5 m ; 
  • 6 ponts ;
  • 70 hommes d'équipage ;
  • coût estimé à près de 1,5 milliard de dollars ;
  • la suite du propriétaire fait 475 m² ;
Ah oui ! Vous vous demandez quel est ce fameux propriétaire ?
C'est l'oligarque russe Roman Abramovitch, pour qui il fallait le yacht le plus long et le plus cher du monde ! Un monde absurde et délirant d'ailleurs !
Bien sûr, la Turquie s'est bien gardée d'interdire ses eaux et son territoire à ces gens-là, car ils rapportent beaucoup d'argent ; ni aux touristes russes en général qui sont très nombreux à venir passer leurs vacances ici (mais qui auront néanmoins quelques soucis, car leurs cartes de crédit ne fonctionnent plus ici comme ailleurs). Il ne faut pas tuer la poule aux œufs d'or, surtout en cette période de crise économique généralisée en Turquie.
Je me suis mouillé bien loin de l'Eclipse, devant la plage de Marmaris, et mon voisin avait à l'arrière de son petit voilier le drapeau de son pays : bleu et jaune.
Comme quoi, même en mer, on ne peut échapper à l'actualité de ce monde en folie ! 

Les prochaines nouvelles devraient donc vous arriver de Grèce. A bientôt.

6 commentaires:

  1. La Méditerranée prend des airs de champs de manœuvre ces temps-ci... On ose à peine imaginer ce qui traine sous l'eau !

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  2. Bizarre, je suis devenu anonyme !

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  3. Effectivement, je ne reconnais plus personne dans les commentaires qui sont signés "anonyme" ou avec de drôles de nom "CCAD".

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  4. Bonjour Didier! Je n'avais pas vraiment réalisé qu'on pouvait faire des commentaires sur ton blog... Tu sais je le suis régulièrement et je me régale! Merci pour ces voyages! Bises bises de Perpignan/Toulouse!

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    1. Une bise à vous deux et à cet automne soit à Perpi, soit chez vous à Toulouse.

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  5. On t'attend avec grand plaisir, ici ou là-bas!

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