Bienvenu sur le site de Sabay Dii

En laotien, Sabay Dii signifie "bonjour", "salut", "ça va"...
Dans la pratique, cette expression est utilisée chaque fois qu'on est heureux de rencontrer quelqu'un.
Pas étonnant que j'ai baptisé mon bateau "Sabay Dii", non ?

dimanche 6 août 2023

De la Grèce à la Sardaigne

Je profite de mon escale à Spiazzia Giunco, près de Villasimius, au Sud de la Sardaigne, pour vous raconter un peu ce qui s'est passé depuis que Sabay Dii a quitté la Grèce.

Le Sud de la Sardaigne, c'est une escale programmée après une grosse semaine de navigation non-stop, mais une escale qui se prolonge plus longtemps que prévu, car une sacrée tempête sévit sur le golfe de Gascogne en ce moment, et ce n'est pas fini.

Les fichiers grib des prévisions météo marine montrent la tempête dans le Golfe du Lion.
 

En fait, le temps est bien plus mauvais qu'annoncé. Là où je suis, on devait avoir force 6 avec des claques à 7, mais dans la réalité, c'est un bon 8 avec des claques à 9 de temps en temps. Je suis mouillé à 200 m d'une plage de sable fin et surtout d'excellente tenue, par 4 m de fond et avec 50 m de chaîne. Comme je me méfie de la Méditerranée, j'ai prévu une deuxième ancre de 30 kg à empenneler sur la chaîne de la première qui est de 20 kg. Mais en attendant, je veille et surveille d'un œil la mer qui fume depuis 24 heures. Cela devrait durer encore au moins deux jours.

En même temps, avec le deuxième œil, en attendant que les éléments se calment, je regarde mes photos et les retouche pour vous faire partager mon petit périple. Vous aurez donc quelques images, une ou deux vidéos, si j'arrive à les charger sur Internet, mais vous n'aurez pas grand chose d'autre. En particulier, vous n'aurez pas à veiller pendant une semaine, nuit et jour, à vous prendre des embruns dans la figure et des vagues qui vous rincent de la tête aux pieds, ni à attendre des heures dans la pétole en scrutant l'horizon pour tenter de déceler la moindre risée. Vous ne sentirez pas l'odeur de la mer et vous n'entendrez pas le bruit si étrange d'un monde sans voiture, moto, télé, ... Juste le bruit de l'eau et du vent. Pas de Voie Lactée, ni la Pleine Lune qui était pourtant au rendez-vous. Vous n'aurez pas non plus à foncer à l'avant du bateau parce que le génois ne veut pas passer à l'intérieur du balcon, ni à mouliner au winch une écoute à chaque changement de voile ou virement. Vous n'aurez pas, non plus, le coup au cœur lorsque la bobine du moulinet se dévidera à toute vitesse, et vous n'aurez pas à vous bagarrer contre un gros poisson qui s'est laissé leurrer.

Bref, vous allez avoir la version édulcorée d'une navigation hauturière d'une grosse semaine, loin du monde, en Méditerranée, mer capricieuse, vicieuse, et exigeante, où le temps change toutes les heures, de jour comme de nuit, et où des bateaux croisent dans tous les sens, du N au S, de l'W à l'E et en diagonale ou même, en rond, comme les chalutiers. Eh oui ! Faire une semaine de navigation continue sur la Grande Bleue est beaucoup plus exigeant, fatiguant, stressant que faire une transat, pendant laquelle on passe des journées à bouquiner, pendant que le bateau avance au gré des alizés, sans réel trafic maritime.

En bleu, l'itinéraire d'Est en Ouest entre Cephallonie (Grèce) et Spiazzia Giunco au Sud de la Sardaigne (Italie)

Donc départ le 26 juillet à 14 h de Céphallonie. 

Le mouillage au Sud de Céphallonie, quelques heures avant le départ.

Les prévisions météo annonçant du vent de Nord modéré, c'était le bon moment pour viser le détroit de Messine, puis me faufiler entre la botte italienne et la Sicile.

Le jour J, comme prévu, il y avait 10 à 15 kt de vent du Nord dans l'après-midi, fraichissant 15 à 20 kt en soirée. Un vrai régal, car en allant vers l'Ouest, cela fait un vent de travers à bon plein, une allure qu'aime tous les voiliers. Sauf que la mer était dure, avec des vagues frappant brutalement le bateau par le travers. Sabay Dii avançait donc à belle allure, sous grand-voile et trinquette (je voulais éviter de malmener le génois que j'avais déchiré au niveau de sa bavette la semaine avant et que j'avais réparé avec du tissu adhésif), mais cette partie du voyage fut particulièrement inconfortable et fatigante. A peine fermais-je l’œil que j'étais violemment secoué. Ce temps à duré jusqu'au lendemain soir, le vent tombant soudainement à moins de 5 kt et d'orientant NW. J'avais déjà bien marché et étais en avance sur ma route prévisionnelle.

Avec ce vent très léger, la mer s'est apaisée, me promettant une deuxième nuit plus agréable. Vers 20 heures, le bateau se trainant à 3 kt, je décide de me mettre en pêche, sans trop y croire. A peine dix minutes plus tard, mon moulinet se met à hurler. Je fonce prendre la canne en main, mais ma bobine de 700 m de tresse se vide à une allure folle. J'ai du toucher un gros thon. Impossible de faire quoi que ce soit. la seule solution pour ne pas perdre tout ce fil qui vaut une petite fortune, c'est de casser. Heureusement, je dispose d'un moulinet très sophistiqué, avec freins à carbone réglables, mais surtout avec une intensité de freinage calibrée sur la résistance de ma tresse. Grâce à ce système, je peux faire varier l'intensité du freinage sans risque de casse, mais je dispose d'un bouton permettant d'aller au-delà de la limite de résistance du fil, ce qui fait que dans le cas d'un poisson trop gros, le fil va casser instantanément. Et en général, il casse à l'endroit le plus fragile qui est le nœud liant le fil au leurre. Et c'est ce que j'ai fait. Le gros thon est parti avec mon leurre et j'ai pu récupérer mes 700 m de tresse..

Ne voulant pas retoucher un gros poisson, j'ai mis un de mes leurres favoris pour les bonites, et ai remis ma ligne à l'eau. Moins de cinq minutes plus tard, j'avais une deuxième touche, moins violente mais plus spectaculaire. Le poisson avait pris 100 m de fil et sautait en l'air, comportement caractéristique de la dorade coryphène. Il me fallu un bon quart d'heure pour la ramener. C'est l'un des meilleurs poissons, celui qu'on appelle Mahi-mahi dans le Pacifique. C'est le poisson des mers tropicales par excellence, et ce n'est pas un bon signe pour notre planète de le retrouver aujourd'hui en Méditerranée.

Cette grosse demi-heure de pêche fut le seul moment excitant de cette première partie relativement tranquille du voyage. La nuit tombant, il me fallait me reconcentrer sur la navigation : du près serré, avec la grand-voile et le génois que j'avais eu le temps de réparer, dans du tout petit temps.

Au petit matin du 28 juillet, c'était toujours la pétole, et j'avais perdu l'avance gagnée pendant les premières vingt quatre heures. En milieu de matinée, je savais que j'approchais du détroit de Messine, car le trafic maritime devenait de plus en plus intense, mais l'horloge tournait. Je dus me rendre à l'évidence et me résoudre à mettre en marche le moteur pour ne pas arriver dans le détroit à la nuit et, en plus, à contre-courant. Deux heures de brise Volvo me permirent d'avancer suffisamment et de retoucher un peu d'air. A midi je distinguais la côte italienne et à 15 h 15, j'entrais dans le détroit de Messine. 

Le Détroit de Messine. J'étais pile-poil au bon endroit et au bon moment.

Sabay Dii avait traversé la Mer Ionienne. Charybde et Scylla l'attendaient au tournant, mais finalement, à part à la sortie N du détroit, ce passage si redouté depuis l'Antiquité s'est très bien passé, à la voile, avec un petit vent portant de Sud, et un courant favorable de 1 à 2 nœuds.

      
Entrée Sud du Détroit de Messine
 
Aussi surprenant que cela paraisse, j'étais pratiquement seul dans le détroit. Aucun cargo ; juste quelques ferries ultrarapides et des bacs pour passer du continent à la Sicile.

Lorsque je suis arrivé à l'embouchure Nord, vers 18 h, le courant s'inversait et à quelques mètres près, on pouvait avoir soit un courant portant, soit l'inverse, à tel point que j'ai vu un bateau faire un tête-à-queue, car il avait l'avant et l'arrière dans deux veines de courant opposé. Surprenant. Mais il ne faudrait pas en déduire que ce passage de détroit de Messine est toujours simple, loin de là. Cela dépend de nombreux facteurs (heure de la marée, sens et force du vent, pression barométrique, et existence de houle résiduelle), ce qui fait que l'on peut avoir des conditions clémentes, comme celles que j'ai rencontrées, ou dantesques avec un véritable mascaret rendant la progression impossible et surtout dangereuse.

A la sortie Nord, le courant commençait à rentrer fort.
   
 
Le Détroit est derrière moi, et la mer Ionienne aussi. Devant, c'est la côte occidentale de l'Italie.

Des bateaux de toutes sortes commencaient à arriver côté Nord, pour profiter du courant descendant ...

Un cargo



Un somptueux voilier de 30 m

Le Lady S, le super-yacht d'un certain Dan Snyder


Pour bien comprendre la différence entre "bateau" et "bateau", ou plus précisément entre Lady S et Sabay Dii, voici quelques infos très parlantes.

Et pour comparer les deux propriétaires, ...

... des deux guguss, je suis le seul à pouvoir naviguer seul et peinard, à aller où je veux en n'ayant rien à dire à personne (liberté), à pouvoir me permettre de débarquer en tongues et slips de bain sur n'importe quelle plage, au milieu de tout le monde, sans garde du corps (égalité), et à avoir de super copines et copains dont je suis sûr qu'ils ne viennent pas vers moi pour mon fric (fraternité). Une trilogie historique et géniale qui me va bien. Que du bonheur !

Mais repassons à des choses plus pragmatiques mais néanmoins intéressantes.

Parti le 26 à 14 h de Céphallonie, en Grèce, il avait fallu 55 heures à Sabay Dii pour ressortir du Détroit, soit 260 milles nautiques à la vitesse moyenne de 4,7 nœuds, ce qui n'est pas si mal vu quelques longues périodes de calme que j'avais rencontrées sur le parcours. Mais il se faisait tard. Le Soleil était en train de se coucher en se cachant derrière Vulcano, l'une des Îles Éoliennes situées sur ma trajectoire prévisionnelle.

Juste dans le soleil couchant, Vulcano, l'une des Iles Éoliennes.

 

Mais j'avais déjà beaucoup d'heures de veille et de navigation. Aussi, décidais-je de faire une pause de quelques heures pour recharger les batteries du Capitaine.

Sabay Dii au Cratere di Casa Bianca (une plage dela Sicile toute proche de l'entrée du Détroit de Messine)

La pause fut de très courte durée, mais efficace, et je repartais pour la suite du voyage, avec l'objectif de passer dans la journée entre Vulcano et Lipari pour profiter du spectacle de ce coin extraordinaire de Méditerranée

Parti bien avant le lever du jour, dans un calme prémonitoire, je me doutais que j'allais encore passer une journée sans vent, et effectivement, Éole n'a pas fait de gros efforts : entre 2 et 8 nœuds d'une brise légère, avec une très sérieuse préférence pour la partie basse de la fourchette. Mais comme ça venait encore du Nord, c'était suffisant pour me faire avancer à 2 ou 3 nœuds, et parfois plus. Encourageant, d'autant que j'avais les Îles Éoliennes en point de mire, plein Ouest. 

A intervalles réguliers, j'étais doublé ou je croisais des hydroglisseurs à foils planant à 70 km/h dans un bruit infernal. Pas étonnant, j'étais sur la ligne directe qui relie Messine à ces îles très touristiques, surtout un week-end d'été.


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A 17 h, j'y étais ...


 

L'heure de ma centrale est encore calée sur le fuseau horaire de la Grèce.
 

Sur ma gauche Vulcano et ses deux volcans (un gros et un petit) et à ma droite Lipari.

Vulcano
 

 

 

 

Lipari
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Et entre les deux ... les dents de la mer.

Sans oublier, complètement sur la droite, d'autres îles-volcans dont le célèbre Stromboli toujours en activité.

A droite, avec son cône parfait, le Stromboli.

J'ai tourné une bonne heure dans ce très spectaculaire passage, à la voile, pour me rincer l’œil, avant de continuer encore plus à l'Ouest.


Vulcano en panoramique
Lipari en panoramique

 


Bye Bye Vulcano et Lipari

Une fois satisfait du spectacle, je repris la route vers l'Ouest, à longer encore quelques îles volcaniques, et en espérant atteindre l'île perdue mais habitée de Ustica, distante de 80 milles environ, en fin de journée le lendemain.


Mais le lendemain fut une terrible journée !

 

En fait, il me fallut plus de 30 heures pour approcher Ustica. Et la journée suivante ne fut guère plus brillante, tout au moins dans la matinée. La météo fut ensuite capricieuse, jusqu'à l'approche du SE de la Sardaigne, avec des courants impressionnants et apparemment anarchiques, dans une mer complétement déstructurée, avec à trois ou quatre minutes d'intervalle du 25 kt de NW ou de SW. De quoi donner envie de foncer au plus vite vers le mouillage choisi depuis bien longtemps et supposé être un havre de paix.

C'est ainsi que le premier août, après un peu plus de six jours et six nuits de navigation, je jetais l'ancre ici, à Spiazzia Giunco, au Sud de la Sardaigne, un mouillage qui allait s'avérer exceptionnellement protecteur lors de la tempête de Mistral qui arrivait en même temps que moi.

La petite flèche, c'est Sabay Dii, qu Sud-Est de la Sardaigne, non loin de Cagliari..

 
En plus détaillé, Sabay Dii à la plage de Porto Giunco.

C'est ici que j'attends encore que le vent se calme pour reprendre la mer, direction les Baléares, puis la Côte Vermeille pour finir à Port-Leucate, le 20 août.

Qu'on se le dise !

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