Bienvenu sur le site de Sabay Dii

En laotien, Sabay Dii signifie "bonjour", "salut", "ça va"...
Dans la pratique, cette expression est utilisée chaque fois qu'on est heureux de rencontrer quelqu'un.
Pas étonnant que j'ai baptisé mon bateau "Sabay Dii", non ?

samedi 27 novembre 2021

Le calme après la tempête à Doğanlar

Après une quinzaine de jours très agréables passés dans les îles très diverses de l'archipel de Marmara, il était tant de penser à remonter l'ancre pour partir vers Istanbul, qui était l'objectif de l'année, vu qu'à cause de la pandémie, il était impossible de rejoindre la Grèce dont les frontières maritimes étaient encore fermées cette année.

En rouge, la trace de Sabay Dii de Topagaç à Istanbul

Istanbul se trouve à l'extrémité orientale de la mer de Marmara, alors que les îles de l'archipel de Marmara se trouvent plutôt côté occidental. A vol d'oiseau, cela fait environ 70 milles nautiques, mais le vent dominant étant de Nord-Est, cela promettait beaucoup de navigation au près, une fois de plus, ce qui rallonge la distance puisqu'il faut tirer des bords : 140 milles nautiques au total que j'allais parcourir en plusieurs étapes.

J'ai commencé par un saut de puce, car le temps prévu était à la pétole pour plusieurs jours.

Parti à 9 h 45 de Topagaç, j'arrivais à Doğanlar, au Nord de la presqu'île d'Erdek, à 13 h 45, soit 4 heures pour faire 7,5 milles à peine, avec un vent anémié de Nord qui n'avait rien à voir avec les prévisions météorologiques, une fois de plus. Le voyage vers Istanbul commençait en douceur. Mais c'était sans compter sur ce qui allait arriver ce même jour à 15 h.

Sabay Dii dans l'anse de Doğanlar

Cela faisait une heure que j'avais mouillé Sabay Dii dans l'anse de Doğanlar et vaquais à mes occupations habituelles après une navigation : mettre de l'ordre dans le bateau, préparer de quoi grignoter, et remplir le livre de bord. Une lumière laiteuse diffusait dans le carré, se répandant comme de l'huile tiède sur mon cahier. C'était le calme plat, sans le moindre clapotis. Dans cette atmosphère silencieuse et pesante, le temps semblait s'être arrêté. Impression désagréable que quelque chose d'anormal se prépare. Lorsque je compris que le lait du ciel virait au café au lait, je sortis sur le pont pour jeter un coup d'œil curieux, pensant qu'il allait pleuvoir. L'air était électrisé, mais ni éclair, ni la moindre goutte de pluie. La mer se mettait à mousser doucement, ce que je mis sur le compte du mucilage omniprésent en Mer de Marmara.

Et puis brutalement, sans prévenir, le vent se mit à souffler. D'abord 10 nœuds, puis 20,

Le mauvais temps arrive. Dans 2 minutes, tous aux abris !

... puis en furie à 30 à 40 nœuds, passant ainsi de force 0 à force 8 en moins de deux à trois minutes. Les bourrasques orientées plein Sud entraient directement dans la baie, poussant la mer à coup de claques brutales. A terre, des nuées déchaînées de sable abrasait la plage, arrachant les parasols et mettant tout le monde en fuite. Sur le qui-vive, je m'aperçus vite que Sabay Dii dérapait à toute vitesse et se rapprochait dangereusement du banc de sable qui le séparait du rivage. Immédiatement je mis en route le moteur, pendant que la mer enflait, se tordait, écumait comme un fauve enragé. C'est alors que mon maudit guindeau se débraya sans la moindre raison, laissant filer toute la chaîne de l'ancre dans un hurlement strident. Sabay Dii était blessé et hurlait désespérément dans le boucan environnant. Pilote automatique azimuté plein Nord, moteur plein gaz pour étaler la tempête et m’éloigner du rivage contre les vagues qui frappaient rageusement, je quittais le cockpit et fonçais à l'avant du bateau pour tenter de bloquer la chaîne qui se déroulait avec un vacarme infernal. La pièce qui verrouillait les divers éléments du guindeau s'envola alors sous l'effet de la rotation. Il me fallait maintenant devenir plus malin que d’habitude, et vite. Je plongeais dans la baille à mouillage en me méfiant de la chaîne qui dans sa folle course aurait pu me broyer une main ou un pied, et plantais le poinçon de mon couteau dans la corde qui relayait la chaîne, ce qui eut pour effet de bloquer le guindeau avant qu’il ne partît en pièces détachées sur le pont ou pire, dans la mer. Ayant tout le mouillage immergé, avec une ancre traînant je ne sais où, et un guindeau qui n'attendait qu'une pichenette pour s'éparpiller sur le pont, je devais continuer à m'éloigner du rivage et partir vers le large, mais sans à-coup et pas trop loin, avec le secret espoir que l'ancre croche à nouveau. Et c’est ce qui se produisit. Le bateau fit un tête à queue violent à environ 100 m de la plage, ce qui indiquait que l'ancre s'était solidement plantée au bout de ses 60 m de chaîne, par 10 à 15 mètres de fond. Je n'avait plus qu'à me laisser dériver tout doucement pour que le bateau soit bien orienté sous le vent de l'ancre. Le guindeau ne s'était pas démantibulé. Une situation enviable après ce qui venait de se passer. En tout cas, de quoi attendre plus sereinement la fin de cette crise d'hystérie météorologique qui me semblait s'éterniser.

Et puis d'un coup, comme toujours, après la tempête, le calme revint, bien que les vagues continuassent à secouer Sabay Dii jusqu'à la tombée de la nuit. Éole et Neptune avaient fait leur caprice que n'avaient pas vu venir les services météorologiques, mais laissaient la Mer de Marmara reposer en paix. Et moi, bien fatigué, j'allais me coucher sans manger, pour évacuer le stress de cet après-midi mémorable.

Le lendemain, au lieu de repartir comme prévu initialement, je décidais de rester une journée à Doğanlar, pour évaluer la situation et trouver une solution pour remettre le guindeau en état de marche, sans quoi, je pouvais tirer un trait sur la possibilité de mouiller avant Istanbul. En explorant minutieusement la baille à mouillage, je découvris avec bonheur la pièce qui s'était envolée. Par chance, elle n'était pas passée par dessus bord, comme je le craignais. En moins d'une demie heure, le guindeau était remonté, et serré avec un couple énorme, de façon à éviter qu'une telle mésaventure ne se reproduise. J'en profitais pour imaginer des solutions plus radicales me permettant de ne plus être confronté aux conséquences désastreuses d'un des nombreux défauts de conception des guindeaux Lewmar, une marque dont je n'ai eu qu'à me plaindre et qui mériterait le slogan "Lewmar, y en a marre !".

La Mer de Marmara avait repris ses couleurs pastel et sa douceur reposante, habituelles. Tout était apaisé, et aucun stigmates ne pouvait laisser imaginer le coup de vent qui s'était abattu la veille, si ce n'est d'importants dépôts de mucilage au voisinage de la plage.

J'allais profiter de cette délicieuse journée pour vadrouiller dans le village et ses environs, à la rencontre de ses habitants.

Un village un peu assoupi, où les cultures d'oignons et les jardins potagers alternent avec les maisons. Un village avec bien sûr sa mosquée, mais une mini-mosquée, dont le muezzin chante faux. Un village avec une micro-épicerie ne proposant qu'une cinquantaine d'articles différents. Un village avec, quand même, deux tout petits restaurants mais sans vrais clients. Mais un village où des gens tranquilles savent se contenter du minimum. Et puis, une belle rencontre sur la plage avec un couple d’oléiculteurs vendant d'excellentes olives noires de leur production et des drôles de savons de leur fabrication, à l'huile d'olive, bien sûr, et sans ingrédients superflus. Un vrai régal pour les papilles et un vrai régal pour la peau.

Après cette grande tournée de Doğanlar et ses envions, retour au bateau, où je vais avoir quelques visites fort sympathiques au cours de l'après-midi..

L'instituteur du village (qui avait eu un petit voilier à une époque) avec son fils et ses copains, qui voulaient me donner tout le produit de leur pêche

 

Il me fallut insister pour qu'ils ne m'en donnassent que quelques poissons.


Et d'autres visites toutes aussi amicales ...



 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Après cette journée paisible et très conviviale, le soleil s'est couché, annonçant des lendemains de pétole. J'aurai bien pu rester ici quelques jours de plus ...

 

 

 ... mais, de l'autre côté, à l'Est, je n'avais pas oublié qu'Istanbul m'attendait

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