Bienvenu sur le site de Sabay Dii

En laotien, Sabay Dii signifie "bonjour", "salut", "ça va"...
Dans la pratique, cette expression est utilisée chaque fois qu'on est heureux de rencontrer quelqu'un.
Pas étonnant que j'ai baptisé mon bateau "Sabay Dii", non ?

mardi 22 juin 2021

Ephèse comme vous ne la verrez jamais

Si j'ai coupé en deux mon périple entre Marmaris et le détroit des Dardanelles, avec une pause à Kuşadasi, c'est pour plusieurs raisons. D'abord, c'est parce que la navigation du Sud vers le Nord le long de cette côte méditerranéenne turque n'est pas de tout repos, à cause du Meltem, ce vent qui, en cette saison, n'arrête pas de souffler fort du NW au SE, ce qui oblige à tirer des bords contre vent et courant. Donc une pause était souhaitable. De plus, Kuşadasi se trouve à peu près au milieu du parcours. Enfin, cerise sur le gâteau, cette ville a une marina de la chaîne Setur où je peux rester jusqu'à 30 jours par an, gratuitement, car Sabay Dii a un anneau à l'année à Finike, autre marina de la chaîne Setur.

Kuşadasi se trouve au milieu de la façade maritime occidentale de la Turquie, un peu en dessous d'Izmir.
 

Mais mon choix reposait avant tout sur le fait que la ville de Kuşadasi est toute proche de la cité antique d'Éphèse, que je rêvais de visiter depuis de nombreuses années, et à côté de laquelle j'étais passé à l'occasion de mes multiples voyages en Turquie. Pour rejoindre le site archéologique depuis la marina, il m'a suffit d'aller de bonne heure à la gare routière pour prendre un des nombreux minibus qui vont à Selçuk. Le chauffeur m'a déposé au croisement pour Éphèse que j'ai rejointe à pied en suivant un chemin de calèche, à travers la campagne fleurie, grouillant d'insectes et d'oiseaux. C'est ainsi que je me suis retrouvé devant le parking du site vers 9 heure du matin, sans avoir croisé personne.

Sur le coup, j'ai eu un doute en voyant l'immense parc de stationnement pratiquement vide.
Comme j'avais choisi d'arriver tôt pour ne pas me retrouver emporté par le flot des touristes qui viennent ici chaque année, par millions, j'ai d'abord pensé que le site n'ouvrait qu'à 10 heures. Je me suis approché de l'entrée à laquelle on accède en passant d'abord par une sorte de bazar couvert de bâches sous lesquelles les échoppes proposent les articles touristiques habituels : teeshirts à l'effigie d’Artémis, chapeaux de paille, boîtes de loukoums, et même tapis, ..., et où l'on peut boire un thé ou acheter un casse-croûte ou une bouteille d'eau, pour ne pas tomber d'inanition au cours de la visite.
Tous les commerces étant ouverts, bien que vides, j'ai continué jusqu'aux caisses qui étaient elles aussi ouvertes. La préposée m'a accueilli par un sourire et le traditionnel "Hoşgeldiniz" (bienvenue), avant de m'indiquer les divers tarifs selon que l'on veut visiter seulement le site ou compléter la visite par trois autres sites proches, dont le superbe musée d'Ephèse se trouvant à ... Selçuk.
 
Eh oui ! J'étais le premier bien que l'ouverture ait lieu à 8 h ! Le seul visiteur à m'être levé de bonne heure. Et seul, je le suis resté un bon bout de temps ! Le site d'Ephèse n'était pas fermé pour cause de COVID, comme je l'avais craint de prime abord, mais les touristes, eux, n'étaient pas au rendez-vous pour cause de pandémie.
 
J'ai donc eu le privilège de voir Éphèse comme peu de gens ont pu le faire.





 





 

Que je vous parle un peu de ce lieu d'exception.

Éphèse (en turc : Efes ; en grec ancien : Ἔφεσος / Éphesos ; en latin : Ephesus ; en hittite : 𒀀𒉺𒊭 (Apaša)) est l'une des plus anciennes et plus importantes cités grecques, puis romaines, d'Asie Mineure.

Selon la légende, Éphèse fut fondée par la tribu des Amazones, grandes guerrières féminines. Mais ça, c'est la légende. Le nom de la ville est censé être dérivé de « Apasas » signifiant « ville de la Déesse Mère ».  Certains historiens pensent qu'effectivement le site correspond à la cité d'Apasa, capitale du royaume d'Arzawa, un royaume vassal de l'empire Hittite qui l'avait annexé au XIVe siècle av. J.-C. Bien que l'histoire de la civilisation des Hittites soit bien connue grâce à leur écriture, l'hypothèse de la correspondance Apasas-Éphèse fait encore débat. Par contre, ce qui est sûr, c'est que l'endroit était déjà habité à partir du XVe siècle av. J.-C. (fin de l'âge du bronze), ce qui est attesté par les vestiges d'une nécropole mycénienne sur Ayasoluk, l'une des trois collines de la cité. Plus tard, au XIIe siècle av. J.-C, la région fut occupée par les Lélèges et les Cariens, des peuples d'Anatolie qui pratiquaient le culte de Cybèle, la déesse-mère anatolienne, et qui lui construisirent un temple, encore sur Ayasoluk. On voit donc que depuis des temps très anciens et bien antérieurs à la colonisation grecque, le lieu fut consacré au culte d'une déesse. On va voir que cela va se perpétuer pendant plus d'un millénaire et être à l'origine de la fabuleuse renommée d'Éphèse, par le truchement de la déesse Artémis et de son temple qu fait partie du club très fermé des 7 merveilles du Monde antique.

Si le lieu fut si tôt choisi, c'est comme toujours pour des raisons d'ordre géographique et environnemental. En effet, à la croisée de trois collines, et au bord du fleuve anatolien Caystre, c'était un lieu particulièrement propice à la chasse, la pêche, puis l'agriculture, et l'élevage. Mais ce n'est pas suffisant pour devenir l'un des hauts-lieux de l'Antiquité. Une autre raison, encore d'ordre géographique, était sa localisation en bord de mer : c'était un port naturel de la Méditerranée, non loin de la grande île de Samos.

Et puis, il y a l'Histoire : les colonisations, les migrations, les guerres, les concours de circonstances, qui ont fait le reste. A commencer par les grecs de l'Attique conduits par Androclos le Ionien, l'un des nombreux fils de Codros, roi d'Athènes, qui débarquèrent en territoire carien à la fin du XIe siècle av. J.-C., Androclos s'installant à Éphèse pendant que ses frères prenaient Priène et Milet (où j'espère pouvoir aller prochainement). Mais comme ce fut souvent le cas avec les grecs, la colonisation se fit par assimilation plutôt que par confrontation. En effet, pour se concilier les populations locales, les grecs fusionnèrent le culte d'Artémis, leur déesse de la chasse avec celui de Cybèle, la déesse-mère, l'Artémis d’Éphèse devenant, par la même, la déesse de la fertilité. Son culte bien établi va s'imposer bien au delà de la contrée, grâce au développement économique extraordinaire de la région en général et de la cité en particulier, ce qui va permettre de construire l'Artémision, le sanctuaire le plus grand et les plus opulent de l'Antiquité, attirant des pèlerins de tous les coins de la Méditerranée.

Voilà à quoi ressemblait l'Artémision d’Éphèse

Je ne vais pas vous raconter toute l'histoire (très mouvementée) d’Éphèse qui s'étend sur plusieurs siècles de l'époque glorieuse des cités grecques, puis de l'Empire romain (les personnes intéressées pourront aller voir l'article remarquablement documenté de Wikipedia), mais simplement vous conter celle de ce fabuleux temple, considéré dans l'Antiquité, comme l'une des 7 plus impressionnantes constructions, dont, bizarrement, il ne reste plus rien, alors que la ville d’Éphèse est l'un des sites archéologique de la période grecque / romaine les mieux conservés du monde.

Commençons par un brin de poésie ...

« Les belliqueuses Amazones t'élevèrent, jadis une statue, sur le rivage d'Éphèse, au pied du tronc d'un hêtre ; Hippô accomplit les rites et les Amazones, reine Oupis, autour de ton image dansèrent d'abord la danse armée, la danse des boucliers, puis développèrent en cercle leur ample chœur ; [...] Autour de cette statue, plus tard, on construisit un vaste sanctuaire ; la lumière du jour jamais n'en éclaira de plus digne des dieux ni de plus opulent […] »

— Callimaque , Hymnes III à Artémis v. 237-250

Le poète grec Callimaque (305 av. J.-C. - vers 240 av. J.-C.) attribuait aux Amazones le commencement du culte d'Artémis, par une célébration autour d'une statue. Plus prosaïquement, les fouilles archéologiques ont permis d'établir qu'un premier temple fut construit sur la colline d'Ayosoluk dans la deuxième moitié du VIIIe siècle av. J.-C.. C'est le plus ancien exemple connu de temple périptèral (c'est-à-dire entouré de rangées de colonnes sur toutes ses faces) sur la côte d'Asie Mineure, et peut-être même le plus ancien temple de style grec entouré de colonnades.

Au VIIe siècle av. J.-C., une inondation détruisit le temple et déposa plus d'un demi-mètre de sable sur le site. A chaque reconstruction, le site sera rehaussé (de près de deux mètres entre les VIIIe et VIe siècles av. J.-C., et de 2,4 m entre le VIe et IVe siècles av. J.-C,), preuve que les inondations sont fréquentes. Pourtant, ce sera toujours le même endroit qui sera retenu pour construire les futurs temples dont l'Artémision, ce qui laisse à penser « que le maintien de l'identité de l'emplacement réel joue un rôle important dans l'organisation sacrée » (Bammer 1990). Mais pour Pline l'Ancien, qui s'est particulièrement intéressé au temple d'Artémis, le site a été sélectionné pour son caractère marécageux, comme précaution contre les tremblements de terre fréquents dans la région, et non en raison de l'ancienneté de la pratique cultuelle sur le site.

Vers 550 av. J.-C., un nouveau temple est construit, en marbre, avec une double rangée de colonnes périptèrales laissant la place pour un large passage cérémonial autour de la cella (partie close). Il a été conçu par les architectes crétois Chersiphron et son fils Métagénès, et sa construction a été financée par Crésus, le riche roi de Lydie. Une nouvelle statue cultuelle en ébène est sculptée par Endoios, la précédente ayant été probablement détruite dans l'inondation, et un petit édicule pour l'abriter est érigé à l'est de l'autel en plein air. Ce deuxième temple (appelé "archaïque") a attiré de nombreux curieux, marchands, et même rois, ainsi que de nombreux fidèles du culte d'Artémis. Il était de coutume de laisser en hommage un don (bijoux, monnaie, objet de valeur ou simples marchandises) selon ses moyens. On y a retrouvé ce qui pourraient être les plus anciennes pièces en électrum (alliage or-argent) ainsi que de nombreux autres objets de valeur que j'ai pu admirer au musée de Selçuk.

Ce deuxième temple fut incendié le par Érostrate, qui voulait ainsi se rendre célèbre. Et il a effectivement réussi, a ses dépends. En effet, en apprenant le mobile de l'incendiaire, les magistrats de la Cité le firent torturer et tuer. Vingt-trois ans plus tard, Alexandre le Grand (né le jour de l'incendie, ça ne s'invente pas), qui venait d'envahir toute la région, proposa de financer la restauration du temple, mais les Éphésiens qui doutaient des talents guerriers de leur généreux donateur (peut-être à cause de son jeune âge : 23 ans !) et qui ne voulaient pas être considérés comme les alliés d'un futur perdant, refusèrent alors diplomatiquement son offre, expliquant qu'il n'était pas convenable à un dieu de dédier un temple à un autre. La reconstruction du nouveau temple, l'Artémision, fut donc financée par plusieurs cités envers lesquelles l'Artémision avait fonction de banque.

Ce troisième et dernier temple d'Artémis fut construit au milieu du IVe siècle av. J.-C.. Son architecture était assez classique, avec un soubassement à escalier permettant de monter vers le bâtiment principal. Ce soubassement avait 13 degrés, formant 13 marches. Le bâtiment principal mesurait 105 m de long par 55 de large. Il était entouré de deux rangées de colonnes de 17,65 mètres de haut et, comme le temple archaïque, il était richement décoré de sculptures et de bas reliefs. La grande salle était rectangulaire, mais divisée en trois parties. Derrière l'entrée il y avait un vestibule dont le toit était soutenu par 4 colonnes, à sa droite des escaliers et à sa gauche le trésor du temple; au centre la grande pièce nommée la "Cella" dotée de 10 colonnes rangées par 5 et dans laquelle se trouvait l'autel. Enfin, derrière l'autel, se trouvait une pièce plus petite appelée "opisthodome". L'autel était en forme de fer à cheval avec deux rangées de colonnes ioniques fines et allongées. Le plan ci-contre a été dessiné par le découvreur du site, John Turtle Wood, dans son ouvrage de 1877 où il explique et décrit ses trouvailles. Les parties en noir sont celles qui étaient toujours debout à l'époque des fouilles, au XIXe siècle.

Mais dès le premier siècle de notre ère, l'avenir de l'Artémision s"assombrit, d'abord privé de certaines de ses œuvres d'art les plus célèbres par Néron, puis pillé par une expédition de Goths venus de la mer Noire vers 262, et endommagé par des tremblements de terre. Il fut définitivement fermé, comme les autres temples païens, par l'édit général de Théodose Ier en 391. Il n'y a aucune preuve que le culte d’Artémis ait perduré après le passage des Goths, ni d'une réparation du temple après 262 ou d'une destruction organisée. Si on sait que Constantin utilisa des pierres de l'empire pour fabriquer le palais impérial de Constantinople, rien ne permet d'affirmer une réutilisation des colonnes du temple d'Artémis. Mais où sont-elle passées, alors ? Probablement dans la constructions de bâtiments postérieurs d’Éphèse.

Gravure représentant le site d'Ephèse

Le temple d'Artémis fut le tout premier site antique que les archéologues occidentaux du XIXe siècle se mirent à chercher. Il fut trouvé en 1869 par John Turtle Wood qui était à la fois architecte, ingénieur et archéologue, mais surtout inspiré et persévérant. Sous son autorité et sous les auspices du British Museum de Londres, les fouilles commencèrent de façon assez cahotique, mais grâce à l'acharnement de cet homme d'exception, l'on découvrit plusieurs objets importants tels que de fines figures en marbre de l'Artémis d’Éphèse datant des Ie et IIe siècles ap. J.-C.. Cela confirmait que le site du temple avait été retrouvé. D'autres vestiges du grand temple vont ensuite être mis au grand jour, et lors de la campagne de fouilles de 1904, plus de détails seront révélés, comme par exemple des objets votifs en métaux précieux, datant du VIIe siècle av. J.-C.. Plusieurs pièces capitales et colonnes de la version du temple du VIe siècle av. J.-C. furent découvertes, tandis que l'une des meilleures trouvailles fut un tambour de colonne de la version hellénistique magnifiquement sculpté (image ci-contre) qui se trouve maintenant au British Museum.
 


Aujourd'hui, il ne reste du temple que ses fondations, et une seule colonne a été érigée à partir de restes composites qui, au lieu de donner une impression de grandeur perdue, donne au site, qui était autrefois l'un des plus merveilleux du monde méditerranéen, un air plutôt mélancolique.
Comme moi, vous ne verrez donc pas le fameux temple d'Artémis.
 
Gravure  imaginant le temple d'Artémis restauré dans son cadre originel. On est loin du compte.
 
La visite en images
 
La première idée à avoir, avant de s’ébahir devant la magnificence des vestiges d’Éphèse, c'est que 150 ans de fouilles n'ont permis de découvrir que 20% de la surface du site.
 

Sur le plan ci-dessus, on voit bien que le temple d'Artémis se trouvait éloigné du cœur de la cité, sur la colline d'Ayasoyuk (située en dehors du site archéologique et inaccessible pendant la visite). Bien sûr, les plus grands édifices ont déjà été révélés (sauf, évidemment, ceux qui, comme le temple d'Artémis ont été détruits), mais, comme à Pompéi, il est certain que de fantastiques découvertes seront faites pendant encore de nombreuses années.

Plan du site archéologique ouvert à la visite

 

  1    Parking Nord entrée principale.
  2    Parking Sud entrée secondaire.
  3    Voie Arcadiane.
  4    Voie de Marbre.
  5    Rue des Courètes.
  6    Église de la Vierge Marie.
  7    Grand théâtre.
  8    Agora inférieure ou agora commerciale.
  9    Bibliothèque de Celsus et porte d'Auguste.
  10  Maisons en terrasses.
  11  Temple d'Hadrien.
  12  Fontaine de Trajan.
  13  Monument de Memmius.
  14  Odéon petit théâtre.
  15  Agora supérieure, agora d'état.

 

C'est par la porte Nord (1) que je suis arrivé et reparti.

Par ce côté, on arrive immédiatement à la Voie Arcadiane qui mène, ou plutôt qui menait au port.

(3) La voie arcadienne qui mène au port

La Voie Arcadiane est une splendide allée en marbre, jalonnée de colonnes. Elle menait au port. Mais figurez vous que la mer est à 7 km d’Éphèse ! C'est l'un des paradoxes de cette cité qui est aujourd'hui au milieu de la garrigue, alors que deux millénaires plus tôt, elle était en bord de mer. L'explication ?  La voici résumée par cette animation :

En rouge, les limites d’Éphèse du temps de sa splendeur et en pointillés, celles de la cité abandonnée
 
Eh oui ! En quelques siècles, le fleuve Caystres a apporté tellement de sédiments que la mer a reculé de 7 km ! Mais, comme on peut le constater sur l'animation,  ce n'est pas la principale raison du déclin de la cité, car cet ensablement s'est surtout opéré plusieurs siècles après la décadence d'Ephèse.

 
A l'autre extrémité de la Voie Arcadiane, se trouve le grand théâtre (actuellement en restauration sur l'un de ses bords). Il est considéré comme le plus grand théâtre du Monde antique. Remanié et agrandi à plusieurs reprises, il pouvait accueillir, à l'époque romaine, jusqu'à 25000 spectateurs, pour assister à des pièces de théâtres, mais aussi à des combats de gladiateurs. C'est aussi ici que Saint Paul essuya les huées de la foule lorsqu'il vint tenter de la convertir au christianisme.
Le théâtre (7). Ce jour là, les 24999 autres spectateurs avaient boudé le spectacle. Et c'est bien connu, les absents ont toujours tord. Tant mieux pour moi, tant pis pour eux !

Ah, j'ai parlé trop vite. Deux retardataires font irruption. C'est un couple sympathique g'espagnols, aussi éberlués que moi, par cette visite quasiment "privée".

En redescendant du théâtre, j'ai tourné à gauche pour prendre la Voie de Marbre (4) qui date du Ve siècle (tout ce qui est visible, et en bon état fut construit ap. J.-C., donc à l'époque romaine). Au bout de cette allée, à gauche, se trouvait le lunapar (traduisez le "bordel" mais aussi les latrines collectives ou les romains aisés disposaient d'un siège réservé).

(4) La voie de marbre

A droite de la Voie de Marbre, se trouve l'agora commerciale (8), c'est à dire le champ de foire, l'autre agora où se discutait l'avenir de la cité étant tout en haut de la ville (15).
 
Détail abandonné sur l'agora commerciale : un wagonnet sur une petite portion de voie de chemin de fer. C'est probablement un vestige du train de marchandise qui permettait, dans une antiquité plus ou moins lointaine, d'apporter les olives et les figues au marché, mais les conservateurs du site ont eu la prudence de ne pas donner d'indications sur cet accessoire certainement fabriqué dans un alliage d'exception, car il est peu rouillé. Pas un mot non plus pour indiquer si la locomotive marchait au diesel ou à l'électricité. Si vous avez des idées, n'hésitez pas à les faire connaître.

Outre le couple d'espagnol, on distingue quelques visiteurs. La foule arriverait-elle ?
 
(8) L'agora commerciale. Personne car ce n'est pas le jour du marché.

De la Voie de Marbre, on distingue, au bout à gauche, une magnifique construction se dessinant gracieusement sur un fond de verdure. Je la découvre à mesure que j'avance sur la Voie de Marbre, mais j'imagine que d'habitude, on y arrive en jouant des coudes au milieu d'une foule bigarrée et compacte,.

La façade supérieure de la Bibliothèque de Celsus (9),vue de côté


 
 
 
C'est la bibliothèque de Celsus. fondée au IIe siècle en hommage au gouverneur Celsus par son fils, elle contenait des milliers d'ouvrages. Heureusement, malgré leur réputation d'illettrés, les wisigoths l'épargnèrent lors de leur invasion de l'an 262, en hommage.
Pour beaucoup, c'est le clou de la visite d’Éphèse, et effectivement, je suis resté cloué devant autant de grâce. Quatre statues ornent sa façade:
  • Sophia : la sagesse
  • Ennoia : l'intelligence
  • Episteme : la science
  • Arete : la vertu




La bibliothèque de Celsus vue de face.





En tournant le dos à la bibliothèque de Celsus, on se trouve sur une belle allée montante, la Rue des Courètes (5), les courètes étant les officiants du culte de la déesse Artémis. Ce devait certainement être la voie la plus animée de la cité car elle relie la ville haute (nombreuses institutions et les quartiers populaires) à la ville basse (marché, théâtre, bibliothèque, et le port), tout en longeant les "Maisons en terrasses" (10), le Temple d'Hadrien (11), la Fontaine de Trajan (12) et le Monument de Memmius (13).

Les Maisons en terrasse sont un autre point d'orgue de la visite. Il faut payer un supplément pour avoir droit à la visite de cet ensemble, protégé par une grande toiture, de 6 maisons de patriciens romains, admirablement conservées, et admirablement mises en valeur par un réseau de passerelles qui surplombent les vestiges, et permettent de se faire une idée de l'organisation de ce quartier rupin.

Chaque maison était structurée autour d'un péristyle, avec tout le luxe imaginable de l'époque (réseau d'eau courante froide et chaude (on peut voir les conduites passant dans des vides sanitaires construits pour les dissimuler, thermes particuliers, somptueux halls de réception avec mosaïque au sol et peintures murales, terrasses en toiture.

Maquette de la maison n°2. On n'a rien inventé depuis les romains !

La plus somptueuse est celle du Consul qui était intégralement plaquée de marbre (dont les 120000 fragments sont en cours d'assemblage) et disposait de sa basilique personnelle. Somptueux. Et une fois de plus, j'étais seul, ce qui m'a permis de prendre tout le temps nécessaire pour m'imaginer la vie de quelques privilégiés, dans ce quartier huppé, à l'époque romaine.

Voici l'une des pièces de la villa du Consul avec, sur la droite, une partie de la voûte de sa basilique personnelle. Et posées sur les tables, les 120000 pièces en marbre du grand puzzle du décor qui commence à réapparaître sur les murs.

La Rue des Courètes (en regardant vers la ville haute)

Le temple d'Hadrien (11)

Le haut de la Rue des Courètes

La bibliothèque de Celsus vue au télé depuis le haut de la Rue des Courètes. Une douzaine de touristes ont débarqué en masse !

La fontaine de Trajan (12)


Le monument de Memmius (13)


Le temple de Domitian, dans la partie haute de la ville

Une des deux allées qui bordent l'agora supérieure

L'agora supérieure (15) et derrière l'Odéon (14) dans leur environnement champêtre d'aujourd'hui


Les thermes de Varius, dans la partie haute de la ville. Avez-vous remarqué le linteau ?

Eh oui. Le christianisme a remplacé le culte d'Artémis

L'Odéon (14) ou petit théâtre.




 

 

 

 

 

 

 

 

 

Et puis, il y a tous ces petits bâtiments (comme celui des archives), tous ces "détails" (par exemple les fontaines), toutes ces décorations (statues mais aussi inscriptions gravées) qui ne paient pas de mine, car souvent abimés, mais qui sont révélateurs d'un niveau de sophistication extraordinaire. Car Éphèse est restée longtemps l'une des villes les plus riches du monde méditerranéen (la nuit, les rues étaient éclairées avec des lampes à huile, un luxe que peu de villes pouvaient se permettre). Éphèse était aussi  l'un des plus brillants pôles culturels du monde, et réputé pour le niveau d'érudition esxceptionnel de son intelligentsia. Et pour couronner le tout, l'organisation de la société y était un modèle de démocratie. En particulier, fait suffisamment rare à l'époque pour être souligné, les femmes jouissaient de droits et de privilèges égaux à ceux des hommes (on a retrouvé des registres de femmes artistes, sculptrices, peintres et enseignantes).

La visite de ce site historique majeur m'a subjugué au point que je me suis dépêché de trouver un moyen de transport pour aller à Selçuk, pour y voir le magnifique musée d’Éphèse, où sont présentées les plus belles pièces. Quelques photos, pour bientôt.

En attendant, si ce que vous avez vu avec mes photos vous a semblé trop "désert", "déshumanisé", "infréquenté", "dépeuplé", regardez vite la vidéo suivante, tournée un jour de relativement faible affluence. Vous serez rassurés : Éphèse n'est pas tous les jours ainsi !



 



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