Kroko atoll n'est plus, comme son nom le laisserait supposer, un atoll. Aujourd'hui, il ne reste de cet ancien atoll que quelques très rares îlots disposés en cercle dont un minuscule îlot de sable blanc (sa taille varie d'une vingtaine de mètres de diamètre à marée haute, à dix fois plus à marée basse). Il est situé à quelques milles à peine au Nord-Ouest de Lewoleba.
Pour y aller, on peut faire soit le grand tour, soit passer par un étroit chenal. Mais comme toutes les cartes de la région sont archi-fausses, c'est à vue qu'on cherche le chemin à suivre, en se fiant à la couleur de l'eau, les jours de bonne visibilité seulement, et à condition de ne pas avoir le soleil dans les yeux. La recette est simple : plus c'est clair, moins il y a de fond.
Et les conditions étaient particulièrement favorables le jour J : donc pas de soucis pour ce petit saut de puce au milieu des récifs et des bancs de sable.
Comme, à cette époque, j'avais la chance d'avoir une équipière pas myope, c'est elle qui, à la pointe avant de Sabay Dii, fut en charge du repérage, pendant que moi, serein et détendu, je caressais délicatement la douce barre de mon "yacht". Eh oui ! C'est comme ça sur les voiliers de grande classe : les équipiers bossent pendant que le Capitaine (avec un grand C) profite de l'existence. Et gare aux matelots et matelotes qui feraient une bourde. Non mais !
Donc Françoise m'indiquait le chemin à suivre : patate à tribord, banc de sable à babord, en essayant de ne pas inverser les deux côtés, Mais pour cela, elle a une recette mnémotechnique imparable que je ne connaissais pas et qui nous vient de la "Royale" : il suffit de connaître le mot "batterie", accessoire guerrier qui se trouvait à l'avant des bateaux et dont le nom était indiqué par sécurité. les marins pouvaient ainsi lire son nom avec ba à gauche et tri à droite. Pas mal, hein,? En tout cas, Françoise a bien fait le boulot puisque nous sommes arrivés à Kroko sans encombre, et c'est ça l'essentiel.
Quelques copains avaient eu la même idée, et nous avaient devancés.
L'endroit est magnifique, et donc fréquenté par les locaux.
Photo (retouchée) de Ann |
Le matin, les enfants viennent aux bateaux pour vendre quelques fruits et légumes Photo recadrée de Ann |
D'autant qu'on était en vacances de fête nationale. C'est donc entourés d'une nuée de mioches que l'on s'est baignés.
Photo d'Ann que j'ai retouchée (la photo, pas Ann !) . Idem pour les quatre photos de groupe suivantes |
Pour les occuper à faire autre chose que des éclaboussures, je leur ai proposé un projet : construire un chateau de sable et le décorer avec de jolies coquilles ou des bouts de corail mort, qu'ils devaient trouver et me rapporter. Bien que ne pigeant pas un mot d'anglais ni de français, ils ont eu l'air de me comprendre et se sont mis à l'ouvrage avec une conscience du devoir bien fait assez sidérante. Il faut dire que, pour l'occasion, je fournissais masques et tubas à mon équipe qui n'en avait jamais utilisé auparavant. Très coopératifs, ils se sont passés gentiment les instruments pour que tous puissent en profiter, les filles plus âgées expliquant aux plus jeunes comment les utiliser ; une belle leçon de savoir-vivre, mais surtout une source d'émerveillement pour tous ces enfants, et une bonne rigolade pour tout le monde quand ils buvaient la tasse.
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A dix mères du rivage de Kroko, des oursins et des petits poisson, mais vu à travers un masque, c'est magique ! |
Dans l'après-midi d'autres voiliers du rallye nous rejoignirent, en majorité des australiens et néozeds qui sont à la fois très organisés et très sociaux. Il n'en fallait pas plus pour qu'un apéro géant soit mis en place.
De gauche à droite Bryan (australien), un équipier juste de passage , Frits (hollandais), Stephen (anglais) et Marivic (philippine). COSMOPOLITE |
Marivic hypnotisée par le feu |
Notre ouvrage a survécu à deux marées. De justesse, l'eau entrait dans les douves |
Le lendemain, 17 septembre, c'était la fête nationale d'Indonésie, indépendante depuis le même jour de 1945. Vers les neuf heures, une barque arrivait à Kroko et en débarquait une quinzaine de jeunes de 12 à 20 ans avec un grand bambou, de la ficelle, un coussin, et ... le drapeau national. Avec un cérémonial réglé comme du papier à musique, et avec un sérieux qui ferait glousser tous les petits français, ils plantèrent le mât au milieu de l'îlot, et entonnèrent l'hymne national pendant que l'un d'eux prenait avec ferveur le drapeau déposé sur le coussin et le hissait avec une lenteur parfaitement calculée pour qu'il atteigne de haut du mât à la dernière note de musique.
Très recueillis et émus, ils partagèrent ensuite quelques boissons et amuse-gueules, et repartirent une heure plus tard.
Les couleurs nationales flottaient fièrement sur Kroko. Elles devaient probablement flotter aussi sur les 17000 îles qui composent cet étonnant pays.
Eh oui, au bout du monde, dans un pays multiconfessionnel de plus de 250 millions d'habitants, après de nombreuses et longues journées de préparation populaire, la fête nationale se déroule avec émotion, ferveur, mais aussi bonne humeur et sérénité. Pas de forces de sécurité au coin des rues ; aucune crainte d'attentat. La journée était pour tous consacrée à célébrer l'unité nationale et l'indépendance chèrement acquise il y a à peine plus d'un demi-siècle (deux concepts bien édulcorés chez nous).
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