Bienvenu sur le site de Sabay Dii

En laotien, Sabay Dii signifie "bonjour", "salut", "ça va"...
Dans la pratique, cette expression est utilisée chaque fois qu'on est heureux de rencontrer quelqu'un.
Pas étonnant que j'ai baptisé mon bateau "Sabay Dii", non ?

mardi 24 septembre 2013

Rencontre avec André le jardinier

Raiatea possède la belle baie de Faaroa, toute en longueur et en langueur, qui constitue un mouillage très sûr, mais isolé, car fort éloigné de Uturoa, le principal bourg de l’île.

Mais, cette situation d’isolement a un avantage : celui de permettre d’apprécier le subtil paradoxe de la nature polynésienne, à la fois luxuriante et paisible. Ceci est d’autant plus vrai, ici à Faaroa, que se trouve, au fond de la baie, un joli petit cours d’eau, la rivière Apomau, que l’on peut remonter sur un ou deux kilomètres.

Une belle occasion de balade bucolique, au calme. On progresse sous le couvert végétal, au rythme nonchalant de la pagaie, d’abord par une large embouchure, puis, petit à petit, la rivière se transforme en un cours d’eau de plus en plus étroit et caché sous une voûte de végétation luxuriante de plus en plus basse, touffue, et sombre. Et toujours un grand silence. A croire que seuls les végétaux ont le droit de manifester leur exubérance.











Eh oui ! On est en Polynésie, au milieu des océans, à des milliers de kilomètres du plus proche continent. Rien à voir avec la jungle du Panama ou du Guatemala. Rien à voir non plus avec la mangrove du Salvador ou du Costa Rica. Ici, à la rencontre sauvage de l’océan et de la terre, je ne retrouve rien de l’incroyable vie animale qui m’a continuellement subjugué au cours de mon périple. Pas de chants débridés d’oiseaux, aucun saut de poisson, et bien sûr aucun crocodile guettant sa proie en faisant semblant de dormir sur son lit de vase, ni aucun singe hurleur sautant de branche en branche en poussant des cris à tue-tête.
Non ! On est au calme. On se balade dans une verdure extraordinaire, mais dépourvue de signes manifestes de vie animale. Très étonnant. Du coup, assourdi par un tel silence, on en vient à croire, au bout d’une heure, que l’on est seul au monde. Et c’est justement à ce moment-là qu’on a la surprise de rencontrer … un homme, assis sur sa barque, bien caché sous un arbre à moitié tombé, et silencieux lui aussi. Il guette. Il est venu chasser le poisson. Pas le pêcher, non ! Le chasser, au harpon.
C’est André, le chasseur-pêcheur.
André est du genre affable, cordial et généreux. Avec son visage rieur, il s’adresse à moi :
« Que faites-vous ici avec votre barque ? Et sans moteur, en plus ? A la rame, comme moi. Alors vous, vous êtes bien différent des touristes qui remontent de temps en temps cette rivière avec leur zodiac, au moteur, évidemment. Ça fait du bruit. Dommage ! C’est tellement tranquille, ici. »
« J’étais venu pêcher, mais je vais vous amener à mon jardin, tout près d’ici. Vous allez voir comme il est beau. Et puis il y a plein d’arbres fruitiers. Vous aimez les bananes ? Les noix de coco ? Les papayes ? Il vous faudrait aussi quelques citrons pour faire la cuisine… Aller ! Suivez-moi. »




Et c’est ainsi que j’ai suivi, à la pagaie André, le jardinier. Car, s’il est un sacré chasseur de cochons sauvages et un excellent pêcheur, il est surtout un jardinier passionné. Il sait conjuguer avec goût la culture maraîchère et fruitière, avec celle des plantes ornementales et des fleurs, juste pour le plaisir des yeux.




« Avoir un jardin qui produise plein de légumes et de fruits pour les vendre au marché, c’est bien ! Mais je veux surtout un jardin décoré, avec plein de fleurs ! Un jardin beau à voir ! »
Et effectivement, c’est au moment où nous longions une rive toute fleurie qu’André a accosté avec sa barque.
En fait un vieux dériveur solitaire qu’il utilise à l’envers ???
« C’est ici. On est arrivé. On va monter ton dinghy sur le talus. »
A peine le pied à terre, André s’est empressé de faire la présentation de son jardin, son territoire, son lieu d’expression, sa fierté.
« Je ne sais pas lire, je n’ai pas beaucoup d’argent, mais tout ce que j’ai, je l’ai gagné avec ce jardin. Non seulement je fais des fruits et des légumes pour le marché d’Uturoa, mais je fais aussi des concours ; des concours agricoles. Par exemple, le plus lourd sac contenant 30 citrons, ou la plus grosse papaye. Et ainsi je gagne de l’argent. Par exemple, l’an dernier, j’ai gagné le prix du plus gros manioc : 85 kg (pour info, un manioc ressemble à un navet !!!). Regarde ce trou, là, à mes pieds. C’est le trou du manioc. J’ai décidé de ne jamais le reboucher, en souvenir. Il m’a fallu l’aide de ma famille pour le sortir et l’apporter au concours. J’ai gagné pas mal avec ce manioc.
Le trou du manioc géant
Voila à quoi ressemble du manioc (mais ce sont des ignames)
Plants d'ignames (la patate des polynésiens)
Plantation de tarot, nourriture préférée des polynésiens)
et son v1 (sa pirogue de course, car André fait de la pirogue, de  la course à pied, des raids dans la montagne ...
Tu vois, comme ça, entre le marché et les concours, je peux faire vivre ma petite famille et payer des études à ma fille qui sait lire, parle anglais, et sait faire plein de choses que moi, je ne comprends pas. Mais moi, j’ai la fierté de gagner honnêtement ma vie, avec mon travail dans ce beau jardin. »
Au cours de cette agréable rencontre, j’apprendrai beaucoup, en particulier sur la vie d’André, mais aussi, plus généralement, sur le monde rural polynésien. Mais j’aurai surtout l’occasion de rencontrer un très chouette type, honnête, simple au bon sens du terme, et incroyablement généreux.
« Des papayes, en voilà. Je monte à l’arbre et je te les envoie. Tu es prêt ? »
Et des bananes, tu en veux aussi ?

Pas celles-là. Il y a des oeufs ! Il faut bien que les oiseaux se nourrissent aussi.
 


« Ah ! Des noix de coco. Des sèches pour faire le lait de coco. Et puis des bien fraîches, à boire. Car tu dois avoir soif … »
Top départ


une seconde plus tard
deux secondes plus tard

Déjà en haut !!!

A la fin de la matinée, je repartirai avec l’annexe pleine à craquer de fruits,
et très heureux d’avoir eu la chance de rencontrer André, Monsieur le jardinier !

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