De l'île de Nisyros, je vous ai déjà parlé et montré des images du volcan qui en est à la fois la structure et le décor, du petit port de Pali où les navigateurs font escale, du magnifique petit village de Nikia avec ses maisons blanches accrochées au flanc du cratère, et même des chèvres, boucs et chevreaux qui sont bien plus nombreux et plus visibles que les îliens. Mais impossible de quitter ce confetti de la Mer Egée sans vous montrer un peu de Mandraki, le centre historique, touristique, économique, etc. de l'île. Cela fait beaucoup pour un village de 650 âmes, mais l'île n'en compte pas beaucoup plus.
Mandraki, comme son nom l'indique, est, mais aussi fut depuis plus de 25 siècles, LE port de Nisyros.
Le ferry venant de Kos s'approche à toute allure de Mandraki. Les galériens des hémiolines rhodiennes auraient été fort impressionnés en apercevant un tel engin sur la mer. |
A l'époque archaïque, Mandraki était un port très actif, car Nisyros était une étape obligée pour les navires ralliant au plus court l'Attique et Rhodes, sans pouvoir naviguer de nuit. Nisyros constituait aussi un important poste d'observation et de contrôle du trafic maritime, notamment dans le cadre de la lutte contre la piraterie. Enfin, l'île n'étant pas autosuffisante, notamment pour l'eau, des navettes d'approvisionnement étaient nécessaires pour l'alimentation et le travail de la population. Il fallait donc que Mandraki fût très bien équipé et protégé. De tout ce que furent les infrastructures portuaires, il ne reste rien. Par contre, restent bien visibles deux châteaux de deux époques très différentes.
Le Paléo Kastro est, comme son nom l'indique, le vieux château, celui datant de l'époque hellénistique. Il était haut perché et enserrait la cité avec son Acropole.
Il faut être très motivé pour y aller, car le chemin est long, escarpé, et en plein soleil. Mais vous savez que la marche, quelles que soient les conditions, ne me fait pas peur. Comme on peut le voir sur l'image satellitale ci-contre, la forteresse était perchée sur une falaise côté NW (ligne de niveau matérialisées par les strates géologiques bien visibles très serrées). Il suffisait donc d'élever une grosse muraille au Sud et à l'Est, pour protéger la cité, son agora, ses temples, ... en laissant aux habitants un panorama de rêve, sur la mer Égée.
Sans savoir vraiment ni où j'allais, ni ce que j'allais découvrir, je suis sorti de Mandraki par le seul chemin qui montait vraiment et me suis attaqué tranquillement à la grimpette, jetant de temps en temps un coup d’œil vers le bas pour admirer Mandraki et la mer, car du chemin, je ne pouvais rien voir des ruines du fameux Kastro.
Une bonne demie-heure plus tard, après avoir franchi les marches déglinguées d'un escalier antique, je me suis retrouvé, sans m'y attendre, au pied de la muraille.
Et quelle muraille !
Les énormes blocs de roche basaltique ont été ajustés au centimètre près, de
façon à solidariser l'ensemble en prévision des fréquentes secousses
sismiques, et 25 siècles plus tard, l'édifice se dresse toujours avec fière
allure.
Le chapiteau de la porte d'entrée a été restauré. |
La nature a repris ses droits à l'intérieur de la muraille. |
A l'intérieur de cette enceinte cyclopéenne, rien n'a résisté à l'assaut du temps, et ce ne sont que quelques pieds de colonnes qui témoignent aujourd'hui de l'existence passée d'une belle cité. |
Après avoir fureté près d'une heure dans ce Paléo Kastro délaissé des touristes (qui arrivent ici forcément en bateau et préfèrent siroter à la terrasse d'un café après avoir visité en bus le cratère du volcan, plutôt que de crapahuter au soleil), je suis redescendu vers Mandraki tout en profitant de la balade pour faire ma cueillette d'herbes aromatiques.
Je suis évidemment arrivé par le haut du village, donc loin du port, des touristes et des boutiques vendant, comme partout en Grèce, des vêtements, des articles de plage, des cartes postales, mais surtout des bijoux de pacotilles et beaucoup de coquillages pillés à l'autre bout de la planète. Seule différence ici, au lieu des éponges naturelles de Mer Rouge pour vous laver le dos en douceur, ce sont de jolies pierres-ponces (tout-à-fait locales) traversées par un bout de corde rustique qui figurent à l'étalage avant de finir dans votre salle de bain.
Dans les îles grecques, on vend mieux si c'est aux couleurs locales, aux couleurs du pays, bref en blanc et bleu. |
Et toujours cette atmosphère paisible et bon-enfant de la Grèce insulaire.
Ce petit bourg a toutes les caractéristiques des villages du Sud du Dodécanèse : maisons aux murs d'un blanc lilial, avec portes, fenêtres et balcons suspendus peints en bleu, rues étroites et fraîches, chats flemmardant sur des marches d'escalier, femmes cantonnées à l'intérieur des habitations, et hommes en train de discuter ou de jouer au bistrot. Finalement, si l'urbanisme change, les habitudes sociales ne diffèrent pas vraiment de celles de la Turquie.
Chemin faisant, j'ai oublié d'aller jeter un coup d’œil au Néo Kastro, le nouveau château, celui bâti par les inévitables Chevaliers de Saint-Jean qui, comme dans toute la région, ont contrôlé le commerce et la navigation tout autant que le devenir des âmes de leurs ouailles. La raison de cet oubli est simple : je marchais en regardant mes pieds. Ou plutôt en regardant où je mettais les pieds, Ou plutôt encore, en admirant sur quoi je posais délicatement mes pieds. Car si Mandraki ressemble à tous les autres villages de la région, il les surpasse tous par son art du dallage.
Dans les rues, sur les pas de portes, les escaliers. Toujours la même technique de décoration avec des petits galets ovoïdes, blancs ou noirs, noyés dans un peu de ciment. Ensuite, place à l'imagination, à l'art !
Et ces artistes ne se sont pas limités à décorer leur devant de porte. Non ! Ils ont continué sur le sentier littoral.
Notez au passage la similitude entre l’œuvre humaine et le dépôt naturel d'origine volcanique. |
Et c'est ainsi, que je fus détourné de ma route, pour le bonheur des yeux.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire