Déjà la mi-mars est passée.
Il y a six mois, je pensais qu'en ce moment, je serais en Turquie en train de préparer Sabay Dii pour de nouvelles aventures. Or je suis toujours à Perpignan, en train de "combiner" pour pouvoir rejoindre le bateau.
Les vols vers la Turquie ne cessent d'être annulés au dernier moment avec, à chaque fois, bien sûr, tout à recommencer : trouver une place sur un nouveau vol, puis trouver un moyen de rejoindre l'aéroport de départ (Marseille ou Lyon et même Barcelone), et éventuellement une chambre d'hôtel pour ne pas passer une nuit entière sur une chaise, dans un hall glacial en attendant l'avion. Et à chaque annulation de vol, bien sûr, il me faut aussi annuler tout le reste (bus et/ou train, hôtel, etc.), quand cela est possible.
Pas très rigolo, et plutôt exaspérant. Mais, heureusement, je suis du genre à ne pas m'énerver facilement, surtout quand je pense à ma situation de privilégié qui ferait bien des envieux, en cette période où beaucoup de monde se demande s'il va être possible de se déplacer pour aller au boulot (quand il y a encore du boulot), alors que de mon côté, ces petits soucis n'ont aucune incidence sur ma situation matérielle.
Le problème du transport n'est que le premier de la liste, car une fois l'avion trouvé, il faut organiser le changement de pays. Et pour la Turquie, qui ne fait pas partie de l'Europe, ce n'est pas très simple. Pas facile même, car la Turquie est beaucoup plus rigoureuse que la France, du point de vue sanitaire. En effet, pour faciliter le suivi et la gestion de la crise COVID, les
autorités turques exigent l’obtention d’un code HES « Hayat Eve Sığar », ce qui signifie texto (la vie rentre à la maison), du nom de l’application qu’ils ont mise au point. La présentation de ce code HES est requise dans la totalité des provinces
pour emprunter les transports en communs interurbains (avions, bus,
navettes maritimes, etc.). Et la plupart des agglomérations de Turquie imposent que le code HES soit
associé aux cartes de leur réseau de transport en commun. Cette démarche
consiste à remplir un formulaire à partir d’un lien internet. Ce code est aussi exigé pour s’enregistrer dans un hôtel, pour entrer dans les lieux publics. Bref, c'est le sésame obligatoire, sans lequel vous êtes confiné 24/24, 7/7 ! L'obtention de ce code n'est pas si simple que cela, si l'on est considéré comme étranger/résident, car il faut disposer d'un téléphone turc. Donc impossible pour moi depuis la France, car les cartes de téléphone turques entrent en péremption dès qu'on quitte le pays plus de 3 mois. Et je ne parle pas du test COVID, de l'obligation d'avoir été vacciné pour être dispensé de quarantaine. Et, bien sûr, tout cela à refaire si la date d'entrée en Turquie change, ce qui est le cas à chaque annulation de vol. Quant au retour en France (pas encore programmé), cela risque d'être encore plus ennuyeux, non pas du côté turc, mais en rentrant en Europe, car les autorités françaises qui sont extrêmement laxistes à l'intérieur du pays, mettent des bâtons dans les roues pour les personnes arrivant de Turquie, pour bien montrer au Président turc, qu'on est les plus malins, alors que nous avons eu proportionnellement trois fois plus de morts qu'en Turquie !
Il faut ajouter les formalités habituelles consécutives à tout long séjour hors de chez soi, comme le changement d'adresse à la Poste, la fermeture des compteurs de gaz et électricité et quelques autres formalités qui bien évidemment dépendent de la date de départ de France.
Un vrai parcours du combattant qui m'occupe plusieurs heures par semaine depuis bientôt un mois.
Reste la question de ce que je vais pouvoir faire une fois en Turquie, et là encore, rien n'est simple, ni clair. La seule chose sûre, à l'heure actuelle, c'est que je ne pourrai pas passer en Grèce, comme j'en avais l'intention, puisque la Grèce, qui a dû supporter beaucoup, l'an dernier, de la part de son voisin belliqueux et provocateur, a décidé de fermer sa frontière maritime avec la Turquie. Là encore, je n'ai pas à me plaindre, si je compare ma situation à celle de tous les turcs qui vivent du tourisme de passage entre les deux pays dont les îles sont complètement imbriquées, ni à celle des grecs du Dodécanèse qui, habitant à des centaines de km d'Athènes, ne peuvent se ravitailler, se soigner, ... qu'en passant en Turquie, toute proche. Ma situation est aussi beaucoup plus enviable que celle des plaisanciers de Grèce, car toute navigation non commerciale et non indispensable à l'économie de base a été suspendue sine die, au grand dam de mes copains voileux (ils se reconnaitront) qui se retrouvent avec leurs bateaux immobilisés pour peut-être toute la belle saison.
Mais quoi faire en Turquie avec mon beau Sabay Dii ? Aujourd'hui, personne ne peut répondre officiellement à cette question que j'ai posée, notamment à Nevile, une franco-turque, agente maritime officielle, très débrouillarde et serviable, et, bien sûr, familière des arcanes administratifs de la Turquie. Elle a contacté qui de droit, qui l'a renvoyé à un autre bureau, et ainsi de suite. En fait, la situation fluctue d'un jour sur l'autre, les ordres et contre-ordres se répondent, et le mille-feuilles administratif est tel que personne ne sait ni ne peut prendre une décision. Gardes côtes, Préfecture, Affaires Maritimes, Douanes, Ministère du Tourisme, des Affaires Étrangères et Police locale se renvoient la balle, à défaut de botter en touche. Quant à l'Ambassade de France, elle prône, bien évidemment, la restriction la plus grande : pour moi, en l'occurrence, le confinement strict tous les jours sauf 2 heures de liberté, le dimanche, à condition de ne pas m'éloigner à pied de plus de 5 km ! Par contre, aux dires du responsable de la marina où est amarré Sabay Dii, étant vacciné, je serais libre de naviguer comme bon me semble dans les eaux turques. Reste à savoir si c'est vrai.
Tout cela n'arrive pas à me déstabiliser le moins du monde, et conscient de la volatilité de la situation sanitaire et/ou administrative, je me contente de préparer mon départ. A la moindre fenêtre ouverte, je suis prêt à foncer pour rejoindre le bateau. Je verrai bien sur place ce que je serai autorisé à faire. De toute façon, pour me laisser un peu de marge, j'ai prévu de sortir Sabay Dii de l'eau, dès mon arrivée, pour le carèner. Il en a bien besoin puisque sa dernière sortie terrestre date de la Malaisie (2018). Du coup, en tablant sur un mois de soins intensifs, il devrait être opérationnel fin mai, au plus tard, j'espère. Si d'aventure j'étais alors dans l'impossibilité de naviguer, je rentrerais tout simplement en France pour vaquer à mes occupations terrestres favorites (randonnée à pied ou à vélo, chasse photographique d'insectes, vol de cerf-volants, lecture et bricolage, cuisine,.....(liste trop longue à écrire) ...), mais mon optimiste viscéral me pousse à penser que je vais m'éclater au cours de belles navigations dans les eaux turques de la Mer Égée : pourquoi pas remonter jusqu'à Istanbul tant que le Meltem n'est pas trop fort, et redescendre plein sud, plein pot, au portant en juillet-août.
Pour conclure, malgré toutes les embuches apparentes, la saison 2021 va très probablement être aussi superbe que toutes les précédentes. Vive la vie !
PS : vous remarquerez que j'ai eu la prudence de ne pas indiquer ma date de départ, car je suis du genre très optimiste, mais aussi très réaliste, ce qui est loin d'être contradictoire !
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