Comme je vous l'ai précédemment expliqué, en raison de mon âge respectable, et à cause de ce satané coronavirus, les bateaux de plaisance naviguant en Turquie sont autorisés à reprendre la mer depuis début juillet, à l'expresse double condition de ne pas sortir de leur région maritime, et que l'équipage reste à bord entre 20 h et 10 h du matin. Autrement dit, Sabay Dii a maintenant le droit de naviguer de jour, entre Antalya au Nord-Est et Kaş à l'Ouest. Le reste du temps, je dois rester à bord, mais tout cela me va très bien. Certes, je ne vais pas faire de grandes découvertes, vu que j'ai déjà bien fureté dans le coin l'an dernier, mais il me reste quelques petites criques à explorer et quelques balades inédites à faire.
Le 7 juillet de l'an "corona", de bon matin, Sabay Dii largua ses amarres de Finike pour aller jeter l'ancre dans la petite baie d'Andraki.
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Trace de Sabay Dii du 07 07 2020 |
Un saut de puce d'une quinzaine de milles seulement, mais qui va demander du temps, beaucoup de temps, car la météo annonçait de la "pétole", ce à quoi s'ajouta un courant contraire de l'Ouest vers l'Est, habituel en cette saison. Les navigateurs chevronnés pourraient s'en douter rien qu'en observant la trace de Sabay Dii et ses bords de facteur (en référence à ces braves fonctionnaires qui, à l'époque de la distribution du courrier à pied, passaient d'un côté à l'autre de la route en avançant à peine). Effectivement, le début de matinée va me voir tirer des bords très "aplatis", et il s'en fallut de peu que je ne pusse progresser dans la direction souhaitée et qu'avec mon pourtant véloce destrier nous n'atteignissions l'objectif avant l'heure fatidique du couvre-feu. (petit clin d'oeil à un très cher ami qui me parle avec amusement de mon emploi désuet du passé simple lorsque je manie l'imparfait du subjonctif). Mais la patience, fille ainée de la sagesse, fait partie des redoutables armes des vrais marins qui savent regarder avec tendresse la mer, qu'elle soit plate ou démontée, et qui dans toutes les situations, jouent avec elle et le vent, à l'aide de leurs voiles plutôt que de labourer sa surface à coup d'hélice dans le vacarme et les fumées d'un moteur. Regarder l'horizon, presque immobile, humer l'air du matin qui porte encore les parfums terrestres des citronniers en fleur, écouter le doux clapotis de l'eau que caresse la carène, quel bonheur après quatre mois de confinement absolu.
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Pétole généralisée le matin
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En fin de matinée, une brise légère s'établit, venant de l'Ouest, non pour me contrarier en m'obligeant à tirer encore des bords au près serré, mais tout simplement par habitude ; un rituel estival lié au phénomène du Meltem qui impose avec autorité les conditions de vent même hors de sa zone de prédilection, à savoir la Mer Égée, distante de plusieurs centaines de milles pourtant. C'est donc sans surprise que, vers midi, j'observai la mer changer subtilement de couleur, passant du bleu ciel à l'outremer, et se rider légèrement. Mais rien de plus. Et ce temps va perdurer pendant les quinze jours que va prendre cette petite croisière le long de la côte lycienne : calme plat le matin, petite brise le reste de la journée, avec pourtant une fantaisie surprenante : du vent léger d'Ouest pendant la première semaine (à l'aller) et du vent aussi léger mais d'Est la seconde (au retour), ce dernier étant statistiquement très rare. Autant dire que Sabay Dii aura passé son temps à tirer des bords et ne connaîtra pas de toute la période le plaisir de filer bon train au portant. Le spinnaker, cette grosse bulle multicolore qu'on hisse au largue ou au vent arrière restera donc dans son sac, cette année.
Vers 15 h 30, le petit port d'Andraki apparaissait, ou du moins la grosse digue qui le protège de la houle d'Ouest soulevée par le Meltem. Sans elle l'endroit serait toujours très agité l'après-midi, et le mouillage absolument impossible. Mais la proximité de la grande ville de Demre a motivé l'élévation d'un grand mole de protection permettant d'amarrer dans de bonnes conditions un très grand nombre de bateaux de promenade en mer, et vous comprendrez bientôt pourquoi ils sont si nombreux.
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Andraki se trouve tout près de la grosse ville de Demre. On distingue une marina en construction.
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| Andraki. On distingue la grande digue et les bateaux bien protégés, ainsi qu'une rivière et la route qui la longe. |
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| Pour
se bien protéger de la houle d'Ouest, l'idéal serait d'aller se nicher
derrière la digue, mais on serait trop près des bateaux de touristes, et
de toute façon, la profondeur y est insuffisante pour un quillard. |
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J'étais déjà venu à Andraki l'an dernier, en fin de saison, et j'avais trouvé l'endroit charmant. A la différence de cette année, l'activité touristique y était intense. Les très nombreux bateaux de promenade en mer fonctionnaient tous les jours pour conduire les touristes en majorité turcs à la rade de Kekova. Cette rade qui s'étend entre le continent et la longue île de Kekova distante à peine de quelques miles d'Andraki, recèle de superbes points d'intérêt (criques, deux villages très étonnants, des vestiges lyciens, une étape de la Voie Lycienne, etc.). J'en avais commencé l'exploration l'an dernier et ai continué à en découvrir quelques pépites cette année au cours de cette petite croisière. Je vous en reparlerai bientôt.
Si j'étais resté l'an dernier sous le charme d'Andraki, qui n'est mentionné nulle part, que ce soit dans les guides touristiques internationaux ou dans les guides nautiques, c'est pour plusieurs raisons.
D'abord son authenticité : ici pas la noria de touristes étrangers bruyants, indisciplinés, et de façon générale, sans gênes, mais seulement des turcs qui ont envie d'aller passer tranquillement une journée du côté de Kekova, à l'occasion de leurs vacances, pour un mariage, en famille ou entre copains et copines manger une dondurma dans un endroit exquis, ou nager dans une crique à l'eau cristalline. Bien sûr, en temps normal, l'été, cela fait beaucoup de monde, d'autant que Demre est à 10 minutes de l'embarcadère, seulement. Mais une fois l'effervescence de l'embarquement ou du débarquement passée, Andraki redevient très calme. Et je ne parle pas des nuits ou l'on ne pourrait pas deviner une présence humaine, tellement l'endroit est silencieux. Et tout cela en période normale ; alors imaginez ce coin reculé en année Covid, pendant laquelle les bateaux restent à quai, toute la journée. Un vrai havre de paix !
La deuxième raison, moins rare dans la région, est le charme du site : une montagne en forme d'amphithéâtre en arrière-plan, une longue plage très peu fréquentée, une jolie petite rivière délivrant son eau claire et glaciale descendue de la montagne, et puis, la transparence de la mer qui par endroit est très chaude et à d'autres très froide à cause des nombeuses résurgences sous-marines. Esthétique et paisible ; exactement ce que je cherche !
Place aux images ...
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Sabay
Dii au calme, malgré une petite houle résiduelle de fin d'après-midi.
En arrière-plan, le bas de la montagne, balafré par la 4 voies rapides
reliant Marmaris à Antalya.
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Les bateaux de promenade en mer, tous à quai. |
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La plage : de temps en temps un cavalier ou un promeneur.
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Calme et volupté. |
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Au loin, Kekova, prochaine destination de Sabay Dii.
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Seul voisin, un petit bateau à moteur mouillé à l'année sur un corps mort. |
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L'embouchure de la petite rivière.
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La même un peu plus en amont.
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Facile de prendre une photo depuis le milieu de la rivière. Il y a à peine 50 cm d'eau.
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A Andraki, les gens ne cadenassent pas leurs vélos. C'est inutile !
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L'ombre de l'annexe est visible sur le fond. Il y a pourtant 4 mètres d'eau. C'est dire sa transparence !
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