Bienvenu sur le site de Sabay Dii

En laotien, Sabay Dii signifie "bonjour", "salut", "ça va"...
Dans la pratique, cette expression est utilisée chaque fois qu'on est heureux de rencontrer quelqu'un.
Pas étonnant que j'ai baptisé mon bateau "Sabay Dii", non ?

samedi 20 juin 2020

Déconfinement pour les uns, déconfiture pour les autres

Petit retour en arrière.

Comme je vous l'ai raconté dans le message précédent, une étape importante dans le déconfinement a été franchie le 10 juin, en Turquie. Tout le monde, ou presque, est à présent libre de faire ce qui lui plaît, à condition d'être prudent (masque obligatoire dans les lieux fermés et même dans la rue, et distanciation dans tous les endroits fréquentés, ce qui est scrupuleusement respecté par toute la population, sans qu'il soit besoin de contrôles de police). Quand je dis presque, c'est que, en ce qui concerne les plus de 65 ans, la liberté ne s'applique aujourd'hui qu'entre 10 et 20 heures, ce qui est déjà pas mal, et ce qui constitue un énorme progrès par rapport à la situation précédente qui faisait que depuis le 14 mars, j'étais confiné de façon absolue, sauf à l'occasion des derniers dimanches où nous avions une permission exceptionnelle de 4 heures.
  • La première sortie autorisée eut lieu le dimanche 10 mai. Cela faisait plus de deux mois que je n'avais pas marché ailleurs que sur le quai de la marina, mais une ou deux heures de ces marches en espace confiné m'avait permis de conserver une bonne condition physique. Du coup, ce jour là, je fis une belle balade de reconnaissance de l'arrière pays de Finike. Je grimpais jusqu'à la mosquée en construction au dessus de la marina, puis crapahutais dans le maquis pour rejoindre une hypothétique route, retrouvais un quartier isolé à partir duquel je sortais de l'agglomération à la recherche de la piste de la Voie Lycienne que je ne trouvais pas. Comme l'heure tournait, je rejoins la route côtière pour revenir au bercail, en trottinant. Quatre heures pile pour ce premier défoulement qui m'avait permis de découvrir la mosquée, de me perdre dans les quartiers très dispersés de la ville et de randonner dans un environnement aride et très accidenté. Une bonne leçon pour les prochaines sorties qui me verront partir très bien chaussé, habillé pour la broussaille et avec une bonne provision d'eau.
  • Le dimanche suivant, 17 mai, fut terriblement chaud. La canicule était telle que c'eut été folie que de partir quatre heures (entre 11 et 15 h) errer dans la garrigue sous un soleil de plomb. Je mis donc à profit cette deuxième permission exceptionnelle pour aller photographier la mosquée Eroglu Nuri découverte la semaine précédente, et me balader en ville à l'ombre des petites rues.
 

  • Le troisième dimanche de permission correspondait à l'Aïd El Fitr et avait, ici en Turquie; la particularité d'être un jour de couvre-feu pour toute la population, à l'exception des plus de 65 ans pendant les quatre heures de permission. D'où cette sortie insolite dans une ville absolument vide, puis à la plage, également déserte, avec, pour seul accompagnement, un vent tempétueux. Mais quand je dis que je ne rencontrai personne ce jour-là, ce n'est pas tout à fait exact, car alors que j'étais allongé au bord de la plage, le visage caché pour ne pas manger du sable, j'eus la vision fugace d'un fauteuil roulant fonçant contre le vent, en pleine bourrasque. Apparition surréaliste ou rêve éveillé ? En regardant les photos plus tard, force fut de constater que je n'avais point rêvé. 

  • Le dimanche 31 mai, quatrième dimanche de sortie, les conditions étaient parfaites pour une randonnée. J'avais décidé de monter le plus haut possible pour voir Finike s'étendre entre moi et la mer. Après avoir pinaillé un peu pour sortir de la ville, je partis "au petit bonheur la chance", c'est-à-dire sans savoir vraiment comment j'allais arriver en haut. Me fiant à mon flair et à l'implantation des pylônes électriques, je découvrais un minuscule sentier bien raide qui donnais l'impression de conduire très loin, vers le haut, mais dont la discrétion révélait qu'il devait être très peu fréquenté à notre époque, le seul indice étant que la roche était polie par endroit, comme si dans l'ancien temps, des mules ferrées à avaient fait glisser leurs sabots.
Si la vue aérienne ne donne aucune idée de la stratification du relief, elle permet au contraire d'avoir une bonne idée de l'aridité des lieux qui pourraient être résumée par la formule "quelques épineux coincés dans la caillasse".
Comme de bien entendu, la carte, plane par essence, ne donne aucune idée du dénivelé, mais ce fut une belle grimpette, physiquement exigeante et nécessitant une attention de tous les instants pour ne pas que je m'égarasse dans une succession de mamelons, tous identiquement pavés de gros blocs de pierre grise. En contre-partie de l'effort constant à fournir, la récompense fut elle aussi permanente avec une vue magnifique et en continu sur la Méditerranée, et sur Finike jusqu'à la moitié du parcours, tout au moins, car en montant dans ce maquis rabougris, jaillissant par miracle dans les moindre interstices d'un dallage strictement minéral, il arriva finalement que la ville disparût de ma vue, cachée par un ou plusieurs dômes rocheux.
Le départ ... ça grimpe déjà dans Finike


La marina au lointain
L'une des collines de Finike (qui en comporte beaucoup, encerclant la ville basse)


Dernière vision de Finike. Pour le reste de la balade, la ville restera cachée,
mais j'aurai toujours une splendide vue sur la Méditerranée.
Evidemment, sur un tel parcours, je ne m'attendais pas à rencontrer qui que ce soit, à part une tortue en train de manger et même pas effrayée par ma présence.

Ce fut donc une surprise, en approchant de mon point de rebroussement, de croiser Halil et son épouse Hatice qui descendaient et paraissaient encore plus surpris que moi de cette rencontre. Halil qui connaît quelques mots d'anglais me demanda "map", pour savoir si j'avais une carte. Réponse négative de ma part. Ni carte, ni GPS ; juste le sens d'orientation et le sens d'observation, deux accessoires bien plus précieux qu'un bout de papier ou un écran qui s'éteint lorsque les piles sont épuisées. Circonspects, ils continuèrent leur promenade, en se demandant probablement s'ils ne venaient pas de croiser un extraterrestre ou pour le moins, un écervelé bariolé, pendant que de mon côté, je continuais mon ascension, en me demandant d'où ils pouvaient bien venir ?
Arrivé à une bergerie vide mais certainement en activité, et ne voyant aucun itinéraire alternatif pour retourner à Finike dans les temps, je décidais de rebrousser chemin, Dix minutes plus tard, je retrouvais Halil et Hatice, assis par terre. Et devinez, ce qu'ils faisaient ... Ils donnaient tranquillement des miettes de pain à une colonie de fourmis. Surprenant chez nous, mais pas en Turquie, car ici, le règne animal dans sa diversité inspire toujours respect et attention miséricordieuse. Pour des turcs, ce serait un crime que d'écraser par négligence des insectes, ou de ne pas donner à manger à des chiens ou des chats errants. Je les saluai en découvrant avec étonnement les fourmis que j'allais négligemment piétiner, puis continuai ma descente, toujours a l'affût d'indice pour suivre la piste évanescente. A plusieurs reprises je perdis la trace tout en distinguant un peu plus bas, en pointillés, son tracé diffus. J'étais justement en train de sauter de blocs en blocs pour rejoindre la piste dont je m'étais éloigné par mégarde d'une centaine de mètres, lorsque j'entendis un sifflement. C'étaient mes deux compères qui, en contre-bas, m'avaient aperçu, et faisaient désespérément de grands moulinets avec leurs bras, pour me montrer le chemin. Je les avais vus descendre et prendre de l'avance sur moi qui galérais pour progresser dans un chaos de dalles de phonolithe. A mon tour, je leur fis de grands signes pour les rassurer, mais apparemment, cela ne suffit pas car ils m'attendirent de peur que je ne me perdisse pour de bon. Et c'est ainsi que nous descendîmes ensemble et fîmes plus ample connaissance.






En arrivant à Finike, me voyant m'arrêter sous un mûrier pour remplir mon habituelle boîte à trouvailles de ses délicieux fruits, ils m'aidèrent dans ma cueillette, puis nous nous quittâmes, car je devais rejoindre la marina avant l'heure de couvre-feu, et Halil et Hatice partaient dans la direction opposée pour rentrer chez eux. Alors que le parcours improbable que j'avais suivi ne le laissait pas imaginer, mon errance fut l'occasion d'une rencontre fort sympathique, appréciée de part et d'autre et que nous prolongeons encore aujourd'hui par l'échange de quelques messages et photos.
 Les mains de Hatice pleines de mûres, des noires, ou des blanches, toutes aussi bonnes.
(en Turquie, elles poussent sur des arbres. C'est plus commode à ramasser que les nôtres qui sont dans les ronciers.
(Photos de Halil)

A l'arrivée de ma petite randonnée, les mûres dans un bon yaourt glacé. Miam, miam !
Après ces quatre dimanches de liberté limitée à seulement 4 heures, au pire moment de la journée, les règles du confinement furent allégées, les personnes de plus de 65 ans pouvant se promener le dimanche entre 10 et 20 heures. Comme vous vous en doutez probablement, j'ai mis à profit cette extension horaire pour aller faire deux virées de plus de neuf heures de marche. De la vraie grande randonnée, dont je vous parlerai prochainement, car la première fut épique par la galère dans laquelle je me suis retrouvé, et la deuxième me permit d'arriver à une très lointaine nécropole lycienne dans un endroit enchanteur. Et j'avais emporté mon matériel photo !


Et pour terminer, un peu de phonétique à propos des prénoms de mes amis que j'ai écrits en respectant l'orthographe d'origine : la lettre turque H n'a pas d'équivalent phonétique en français. On la prononce un peu comme le خ arabe, dont la translittération est Kh comme par exemple pour le chanteur Cheb Khaled. Quant au c, il se prononce comme un tz de chez nous, et le e se prononce é.
En France, on écrirait les deux prénoms ainsi ; Khalil et Khatitzé.
Une petite recherche m'a permis de trouver l'origine arabe de Hatice, et qui signifie, selon les interprétations "sainte" ou "puissante".

4 commentaires:

  1. 31 Mayıs 2020 Pazar günü bizimle tanışma anımızı bloğunda okudum ve bizden memnun kaldığına sevindik. İsmimizden bahsetmişsin evet bizim ismimiz arapça Halil dost demektir. Yeniden karşılaşmak üzere. Hoşçakal

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