Le 19 mars, Sabay Dii quitte la marsa soudanaise d'Abu Imama pour rejoindre l'Egypte toute proche, mais comme vous allez le voir, cette proximité n'empêche pas de devoir faire une longue navigation.
Bye bye Soudan |
En effet, le Soudan et l'Egypte se disputent depuis des décennies cette frontière, ce qui fait de cette région un domaine interdit à la navigation car considéré comme zone de conflit. Les militaires sont sur les dents et ne tolèrent aucune intrusion, que ce soit d'un côté ou de l'autre de la frontière. Il faut donc rester à plusieurs milles de la côte et ne pas s'arrêter avant d'avoir rejoint le premier port d'entrée d'Egypte, Port Ghalib qui se trouve à 280 milles à vol d'oiseau d'Abu Imama, alors que la frontière n'est qu'à 30 milles. Ajoutez à cela que le vent venant presque toujours du Nord, on doit tirer des bords contre le vent, et vous arriverez à une distance à parcourir de 400 milles, soit plusieurs jours de navigation.
Ce qu'il faut aussi savoir, c'est que cette partie de la côte de l'Egypte appelée Foul Bay est l'endroit le moins bien bathygraphié (mesure de la hauteur d'eau) et la moins bien cartographié de la Mer Rouge.
Les cartes numériques de Foul Bay donnent très peu d'informations |
Avis de prudence du Red Sea Pilot |
Sur la carte ci-dessous, on voit où le voilier français l'Etoile qui naviguait en même temps que nous en Mer Rouge a heurté un récif et sombré. Sur cette même carte, on voit en magenta une partie de la route suivie par Sabay Dii qui ne s'est jamais approché à moins de 10 milles du moindre point suspect de la carte la plus pessimiste.
Mais pour pouvoir suivre cette route, il fallait impérativement avoir une bonne météo, et c'est pour cela que j'avais décidé de temporiser à Marsa Abu Immama, alors que l'équipage de l'Etoile, pressé de rejoindre Port Ghalib, avait fait le pari que les prévisions météorologiques étaient justes, ce qui est très rare lorsque l'on n'est pas sur une durée de calme relatif de plus de cinq jours. Malheureusement pour les copains, le temps a été beaucoup plus mauvais qu'annoncé un jour après leur départ de Port Soudan. C'est ce temps épouvantable que nous avons encaissé bien à l'abri dans notre marsa, alors que l'Etoile devait être confrontée à des vents de 30 à 35 nœuds et aux redoutables vagues de la mer Rouge, auxquelles il est difficile de résister plus de 36 heures. La recherche du refuge devient alors suicidaire, la seule solution raisonnable étant de faire demi-tour et de mettre en fuite.
Le voyage de Sabay Dii se passera dans de bien meilleures conditions (vent encore du Nord mais ne dépassant jamais le force 4, et mer belle à peu agitée). Pour agrémenter cette navigation, nous aurons la chance de naviguer à deux bateaux, Sabay Dii et le catamaran Chi de Herbert. Bords et contre-bords, virements sur virements, choix tactiques multiples à faire pour passer l'un devant l'autre au gré des bascules de vent. Une belle partie d'échec de trois jours qui se soldera par une arrivée à Port Ghalib, ensemble, à la tombée du jour, dans une pétole absolue. De la voile comme je l'aime, exigeante techniquement (les réglages) et tactiquement (les options). Et Herbert qui navigue sur son bateau ultra-performant depuis 17 ans en en tirant la quintessence va devenir pour le reste de la remontée de la Mer Rouge un formidable sparring-partner, et un très sympathique compagnon de route.
Sabay Dii et Chi arrivent ex-æquo, à Port Ghalib au moteur, après trois jours de régate |
Quai de quarantaine de Port Ghalib |
Deux voiliers bien différents mais aux potentiels de vitesse très voisins |
Nous voila arrivés à Port Ghalib, le port d'entrée le plus méridional de l'Egypte, en pleine forme, après trois jours de navigation passionnante, et donc heureux. Mais comme vous allez le voir très bientôt, les déconvenues vont se succéder dans ce port, à tel point que le prochain article s'intitulera "Port Ghalib, un port à éviter".
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