Le 19 avril, comme prévu, Sabay Dii a quitté son élément,
l’eau, pour un séjour terrestre d'un mois. Pas une nouveauté, puisqu’il y avait
déjà eu des précédents : à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe, 2010), puis Guaymas (Mexique, 2012), puis
Opua (Nouvelle Zélande, 2016) et enfin Rebak (Malaisie, 2018). Mais cela faisait près
de trois ans et un sacré paquet de milles nautiques (Océan Indien, Mer Rouge et
Méditerranée) que l’anti-fouling (peinture sous-marine anti-salissure) n’avait pas été refait. Impossible de reporter
d’un an de plus. Le lifting s’imposait donc ; mais quel lifting ?
Pour les français, un lifting, c’est l’ensemble des
opérations qui permettent de se refaire une beauté : le visage donc. Et
les anglais, avec leur logique implacable, parlent eux de « facelift »,
le verbe to lift signifiant « soulever ». Autrement dit, pour se
refaire une beauté, il faut soulever le visage (face) qui s'est avachi sous les avanies sournoises et répétées du temps.
Mais au fait, avant de se refaire une beauté, il faut sortir
le bateau de l’eau, et donc le soulever, et cette opération de levage se dit « lifting »
en anglais.
Moralité, avant de se refaire une beauté (le lifting des
français), Sabay Dii doit d’abord passer par l’opération de grutage (le lifting
des anglais).
Voici quelques images de cette opération de sortie de l’eau
à l’aide d’une énorme machine capable de soulever et de transporter des bateaux
de 72 Tonnes. Tout logiquement, les anglais lui ont donné le nom de travel-lift (to travel signifiant voyager), dénomination que tout le monde a adoptée. Le voyage n’est pas bien
long : une centaine de mètres entre la darse où l’on passe deux grosses
sangles sous le bateau à flot, pour pouvoir le soulever, et la zone de carénage.
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Sabay Dii dans la darse. Les sangles vont être passées sous le bateau
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Une fois sorti de l'eau, Sabay Dii a droit à une petite toilette (au Karcher), mais la coque est incroyablement propre après trois ans d'immersion (voir informations techniques à la fin de l'article)
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L'opération de sortie de l'eau s'est bien passée. Le capitaine est satisfait
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Le travelift en action (après le lift, le travel)
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Sabay Dii a fini son voyage terrestre de 100 mètres et va être posé sur ses trois pattes,
une fois que j'aurai arrêté de le soutenir à bout de bras
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Les manutentionnaires qui voyaient pour la première fois de leur vie un biquille, n'arrivaient pas à croire qu'il pouvait tenir sur ses trois appendices et ont voulu l'assurer par trois madriers
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A Finike, comme dans beaucoup de chantiers de Turquie, on ne connait rien d'autre que les madriers pour soutenir les bateaux.
Une technique qui surprend au premier abord, mais qui a fait ses preuves. La preuve ...
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Ce très gros voilier traditionnel turc de plus de 50 tonnes est maintenu par seulement 12 rondins de bois
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La première opération de lifting (le levage) est terminée. Maintenant, il me reste à bosser quatre semaines pour procéder au deuxième lifting (embellissement) de Sabay Dii. Et je vous garantis une sacrée surprise à l'arrivée. Regardez le bien, car le 17 mai, pour se remise à l'eau, il aura drôlement changé. Je ne vous en dis pas plus.
Quelques informations techniques sur l'antifouling (ou anti-fouling)
Le « fouling » est un phénomène naturel qui a lieu dans l'eau, qu'elle soit douce ou salée, et qui concerne tout objet immergé. Il commence par la formation sur le substrat d'un biofilm
invisible, suivi de la colonisation par une série
d'organismes (d'abord des algues minuscules, puis de plus en plus grosses, puis des coquillages, et même du corail). Il se forme plus vite dans les couches d'eau éclairées et
riches en nutriments, et chaudes, comme les eaux tropicales de surface.
Le phénomène concerne bien sûr les coques des navires mais également diverses installations
fixes ou non fixes immergées (plates-formes pétrolières, canalisations, structures des ports, éoliennes marines, bouées de signalisation, etc.).
Sur tous les bateaux conçus pour se déplacer rapidement, pour éviter de se retrouver avec des kilos de "bio-salissures" qui freinent et détériorent la coque, on applique une peinture spéciale appelée anti-fouling, destinée à empêcher les
organismes aquatiques de se fixer. A cet effet, elle contient un biocide, mais du fait de l'érosion naturelle (au cours des navigations) et de la perte
d'activité du biocide (au cours du temps), le traitement de la coque doit être renouvelé
périodiquement. Sur les voiliers, on procède habituellement à un traitement annuel, ce qui oblige évidemment à sortir le bateau de l'eau quelques jours par an
Il y a sur le marché pléthore de peintures anti-fouling dont les qualités sont toujours vantées par les marques (International, Hempel, Yachtcare, Velox, Jotun, ...) dans les revues et catalogues de nautisme. Quant à savoir ce qu'elles valent réellement ... Pour ma part, j'en ai essayé plusieurs (et parfois en les comparant puisqu'il m'est arrivé de peindre une des quilles avec un produit et l'autre quille avec un concurrent) mais aucune ne m'est apparue formidablement efficace (soit qu'elle s'érodait trop vite, soit que le biocide perdait rapidement de son efficacité). Une exception cependant : un produit industriel de chez International prévu pour la marine marchande, donc pas facile à se procurer, et que j'avais en plus dopé avec du bichromate de cuivre (encore plus difficile à trouver, et à manipuler avec de grandes précautions car c'est un poison mortel). Mais aujourd'hui, je pense avoir trouvé en Malaisie ce qui se fait de mieux. C'est le Seaforce 90 de la marque Jotun (je ne suis pas sponsorisé) qui est justement fabriqué là-bas, mais qui est aujourd'hui commercialisé dans le monde entier. Il coûte aussi cher que les plus chers, mais regardez les deux photos de Sabay Dii prises à une demi-heure d'intervalle, avant et après être passé au nettoyage pression.
Vous pouvez remarquer qu'à la sortie de l'eau, il n'y avait pratiquement rien sur la coque. Elle venait pourtant de passer trois années dans des eaux très chaudes,
et avait parcouru la bagatelle de 10000 milles nautiques
(l'équivalent d'un demi-tour du Monde) entre le détroit de Malaca,
l'Océan Indien, la Mer Rouge et la Méditerranée.
Résultat du nettoyage, quelques petits coquillages et un peu de mousse qui s'était nichée dans des anfractuosités difficiles à peindre. Difficile de faire plus efficace. Mais je dois quand même préciser qu'au lieu de passer deux à trois couches, j'en ai passé une à deux en plus selon les endroits les plus érodables de la carène (des couches épaisses et sans solvant, à la différence des professionnels qui jouent sur les deux tableaux pour augmenter leur gain). En tout cas, avec 20 L de produit, j'ai été peinard trois ans !
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