J'ai récemment reçu une lettre qui circule sur Internet et que je me suis permis de réécrire "à ma sauce à moi". Ce faisant, je pensais en permanence à la vie que je viens de mener pendant les dix années passées sur Sabay Dii, en prenant conscience de la remarquable sobriété avec laquelle les navigateurs tour-du-mondistes vivent. D'où cet entracte pour faire un parallèle entre les modes de consommations des "terriens" occidentaux et celle des gens de mer. Loin de moi l'idée de faire de la morale ou de montrer du doigt les uns en louant la conduite des autres. Juste montrer qu'on peut vivre avec très peu, n'importe où, n'importe quand. Encourageant quand on pense à la nécessaire décroissance qui nous attend dans les prochaines années.
C'est l'histoire d'une jeune caissière et d'une vieille dame venue faire ses courses dans un supermarché...
A
la caisse d'un supermarché, une vieille dame choisit un sac en plastique pour
ranger ses achats. La caissière lui reproche de ne pas se mettre à l'écologie
et lui dit :
- C’est pas bien, vous
savez ? Votre génération ne comprend tout simplement pas le mouvement
écologique. Seuls les jeunes vont payer pour la vieille génération qui a
gaspillé toutes les ressources !
La
vieille femme s'excuse auprès de la caissière et explique :
-
Je suis désolée, il
n'y avait pas de mouvement écologique de mon temps.
Alors
qu'elle quitte la caisse, la mine déconfite, la caissière ajoute :
-
Ce sont des gens comme vous qui
ont ruiné toutes les ressources à nos dépens. C'est vrai, vous ne considériez
absolument pas la protection de l'environnement dans votre temps !
Alors,
un peu énervée, la vieille dame se retourne et fait observer que :
-
A mon époque, le
mouvement écologique n’existait pas, mais on retournait les bouteilles de verre
consignées au magasin. Le magasin les renvoyait
à l'usine pour être lavées, stérilisées et remplies à nouveau. Les bouteilles
étaient recyclées. On achetait le café en grain et on le passait au moulin puis
à la cafetière, au lieu d’utiliser une machine électrique et une capsule
individuelle par tasse de café, et de balancer du plastique et de l'aluminium
tous les matins. Mais, c’est vrai qu’on ne connaissait pas le mouvement
écologique. On connaissait par contre très bien l’épicier qui vendait presque
tout au détail, sans plastique ni polystyrène, mais aussi le boucher, le
crémier du quartier ou du village qui servait le fromage blanc à la louche et
vendait les yaourts dans des pots en carton.
- On ne connaissait pas
non plus les couches jetables : on langeait les bébés avec des couches en tissu
qu'on lavait et relavait au savon de Marseille. On faisait sécher les vêtements
dehors sur une corde et pas dans un sèche-linge. On avait un réveil qu'on remontait le soir. Dans la
cuisine, on s'activait pour préparer les repas ; on ne disposait pas de tous
ces gadgets électriques spécialisés pour tout préparer sans efforts et qui
bouffent des watts autant qu'EDF en produit. On n'avait qu'une prise de courant
par pièce, et pas de réglettes multiprises pour alimenter toute la panoplie des
accessoires électriques indispensables aux jeunes d'aujourd'hui.
-
Quand on emballait
des objets fragiles pour les envoyer par la poste, on utilisait comme
rembourrage du papier journal ou de l’ouate (avec ou sans élision), dans des
boîtes ayant déjà servi qu'on fermait avec un brin de ficelle naturelle, et pas
du « bul-pack » ou des billes de polystyrène, ni des adhésifs
synthétiques.
-
On remplissait les
stylos avec une bouteille d'encre au lieu d'acheter un nouveau stylo. On
remplaçait les lames du rasoir au lieu de jeter le rasoir entier après quelques
utilisations. Les enfants gardaient le même cartable durant plusieurs années,
les cahiers continuaient d'une année sur l'autre, les crayons de couleurs,
gommes, taille-crayon et autres accessoires duraient tant qu'ils pouvaient, et
pas comme maintenant avec un cartable tous les ans et des cahiers jetés fin
juin, de nouveaux crayons et gommes avec un nouveau slogan à chaque rentrée.
-
Quant aux vêtements,
on les usait jusqu’à la corde avant de les raccommoder ; on reprisait les
chaussettes, on rapiéçait tout par exemple en mettant des ronds de cuir aux
coudes des pulls quand ils étaient troués, et on ressemelait les chaussures
(une paire pour la semaine et une autre pour le dimanche). Mais, c'est vrai, on
ne connaissait pas le mouvement écologique.
Voyant qu’à l’évidence, les
verbes repriser, raccommoder, rapiécer, ressemeler,… ne faisaient pas partie du
vocabulaire de la caissière, la vieille dame fit observer :
-
Oh je vois bien que
tout cela est pour vous du charabia. Alors, parlons téléphone. A mon époque,
préhistorique, à quelques exceptions près, personne n'en avait. On allait
téléphoner au bureau de poste, une ou deux fois par trimestre, si nécessaire,
comme par exemple pour appeler le médecin, ou les pompiers, et pas pour
raconter sa vie pendant des heures, comme on le fait aujourd’hui. Puis il y a
eu les cabines téléphoniques, à raison d'une par quartier. Aujourd'hui, c'est
un téléphone par personne qui fonctionne 24 h/24 et qu'il faut charger pendant
la nuit, en faisant tourner nos centrales nucléaires. Par contre, on écrivait
beaucoup de lettres pour donner des nouvelles à la famille, déclarer ses impôts
ou faire une démarche administrative. Du coup, on savait écrire, et bien, alors
qu’avec les textos et les correcteurs orthographiques, on ne sait plus écrire
10 lignes sans faire 20 fautes. On n'avait pas d'Internet, et pour s’instruire,
on avait des dictionnaires et des encyclopédies, alors qu’aujourd'hui, les gens
n’ont jamais ouvert un bouquin autre que des bandes dessinées, et ne savent pas
qui a écrit le Boléro de Ravel… (il y en a même qui pensent même que c’est un grand
couturier) ; ils ne savent pas mieux où passe le Danube quand on leur
propose Vienne ou Athènes, etc.
Et d’ajouter :
-
De mon temps, le
mouvement écologique, on ne le connaissait pas. Par contre, être en mouvement,
ça, on savait ce que ça voulait dire. Pour aller faire les courses, on ne
prenait pas la voiture à chaque fois qu'il fallait se déplacer de deux rues :
on marchait jusqu'à l'épicerie du coin, on montait l'escalier à pied ; on
n'avait pas d'escaliers roulants et peu d'ascenseurs. Les gens prenaient le
bus, le métro, le train et les enfants se rendaient à l'école à vélo ou à pied
au lieu d'utiliser la voiture familiale et maman comme un service de taxi 24 h/24. On n'avait pas non plus de trottinettes électriques ni de VAE qui ne
fonctionnent que grâce aux centrales électriques. Comme on se remuait le
popotin toute le journée, on n'avait pas besoin d'aller dans un club de gym
pour courir sur des tapis roulants énergivores. Par contre, on se couchait tôt
au lieu de rester 3 heures devant un écran de télé géant avec 200 chaînes.
-
Eh oui ! A notre
époque antédiluvienne, on savait passer du temps dans la nature alors que vous,
vous restez vissés devant vos écrans. On avait une nourriture simple et saine car
on préparait de bons petits plats au lieu de se goinfrer de bouffe insipide,
toute-préparée et bourrée de perturbateurs endocriniens. Comme on se remuait et
qu'on parlait avec ses voisins, on était en bonne santé et bien dans sa peau.
On n'avait pas besoin d'aller une fois par semaine chez le psy,
l’ergothérapeute ou l’ostéopathe (trois professions qui n'existaient pas faute
de clients).
Regardant la caissière
abasourdie, la vieille dame soulagée d’avoir vidé son sac conclut :
- Eh oui, ma petite cocotte,
faut te mettre dans ta petite caboche de geek, branchée et connectée, que nous
les vieux croûtons, ne connaissions ni Internet, ni les réseaux sociaux, ni le
mouvement écologique, mais que pour ce qui est de savoir vivre heureux avec pas
grand-chose, on était bien plus forts que vous.
Alors qu’elle s’apprêtait à se
diriger vers la sortie du supermarché, elle se retourna pour ajouter :
-
Ah, j’allais oublier de vous
dire que ce sac en plastique va me servir de poubelle (une petite de 20 L par
mois), car moi, je n’achète jamais au supermarché des rouleaux de sacs poubelles, …… en plastique, évidemment
! Juste un de temps en temps, vu que, comme je vis à l'ancienne, c'est-à-dire avec sobriété, je n'ai pas grand chose à jeter !
Si je puis me permettre quelques remarques que m'inspirent ton texte :
RépondreSupprimer1) cela fait des années et des années que ce texte circule sur le net et il n'est pas nécessaire de passer soi-disant par une petite vieille à la caisse d'un supermarché pour faire passer des messages (Action Rébellion se charge concrètement de nous mettre le nez dans le caca de notre surconsommation, et bien d'autres associations moins "percutantes") Même Greta Tunberg si elle ne propose rien nous donne mauvaise conscience de prendre l'avion...
2)ça fait des années aussi que de +en+ de consommateues achètent en vrac, apportent leurs propres cabas réutilisables, se font livrer des paniers d'Amap, apportent leurs boîtes en verre ou type "tupperware" à la poissonnerie (du marché ), cuisinent à la maison plutôt que d'acheter des produits ultra transformés, etc. Bref, tu prêches auprès de consommateurs (lecteurs de ton blog) déjà avertis et convertis,
3) Des villes, telles que Nantes (Nantes Habitat, la Maison de l'Habitant), développent et encouragent l'habitat participatif (accession ou location abordable) pour développer la solidarité, la mise en commun de lieux, d'outils, de produits culturels à partager soit multigenerationnels, soit entre seniors (de 60 à 90 ans), avec poulailler, jardins partagers, cabane pour les outils de jardins en commun, etc..
3) Nantes distribue gratuitement les sacs poubelles jaunes (recyclage) et bleus (OM) à mettre dans les mêmes conteneurs pour éviter un double ramassage et des conteneurs de couleurs differentes.
4) je me suis connectée sur ton blog pour voir si tu allais nous parler de tes prochaines navigations en méditerranée....
Bon, bref, tu ne vas pas être content de mon commentaire et tu vas le supprimer, mais c'est pas grave...
Bises, quand même
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerPourquoi supprimerai-je ton commentaire qui abonde dans le sens que je choisissais en écrivant ce message, et qui peut donc intéresser mes lecteurs. Mais là où tu te trompes, c'est sur le lectorat de Sabay Dii qui est suivi à près de 50 % par des personnes n'habitant pas en France, et encore moins à Nantes. Pour information, près de 15 % vivent en Ukraine ou en Russie, et autant aux USA, pas mal aussi en Asie (Laos notamment) et Polynésie Française, ou Nouvelle Zélande, Indonésie et Canada... Je profite de cette occasion pour saluer amicalement tous ceux qui suivent les aventures de Sabay Dii depuis le reste du monde. J'ai donc la prétention de penser que ce que j'ai écrit peut intéresser des personnes très différentes de moi et des français réputés mondialement comme donneurs de leçons. Dans ce message, qui comme je l'ai indiqué en préambule n'est qu'une version transformée d'une lettre circulant sur Internet, il n'est pas question de dire ce qui est bien ou mal, mais de comparer deux façons de penser un monde propre, à deux époques. Mon propos t’apparaîtra peut-être plus intéressant quand j'aurai écrit la deuxième partie qui, en écho à celle-ci, et comme annoncé déjà, montre quelle est la vie et donc aussi l'empreinte environnementale des personnes menant une existence hauturière. Et là, tu pourras constater aisément qu'on est bien loin de pouvoir appliquer ce que tu proposes. Patience.
RépondreSupprimerGreat reeading this
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