Bienvenu sur le site de Sabay Dii

En laotien, Sabay Dii signifie "bonjour", "salut", "ça va"...
Dans la pratique, cette expression est utilisée chaque fois qu'on est heureux de rencontrer quelqu'un.
Pas étonnant que j'ai baptisé mon bateau "Sabay Dii", non ?

jeudi 23 février 2012

Une histoire de fou

Figurez-vous qu'entre Huatulco et Acapulco, alors que j'étais parti pour une navigation en solitaire de quelques jours le long de la côte Pacifique du Mexique, je me suis retrouvé, sans l'avoir voulu, avec un passager clandestin, et pas n'importe quel passager clandestin. Non ! Un fou ! Quand je vous dis que c'est une histoire de fou !
Je bricolais dans le bateau, tranquillement, pendant que mon régulateur d'allure barrait à ma place, et comme je le fais régulièrement, je suis sorti pour jeter un coup d’œil périphérique, histoire de vérifier que tout allait bien et surtout qu'il n'y avait personne sur ma route. Alors que je scrutais l'horizon, droit devant, j'ai eu la désagréable impression d'être épié. Bizarre ! Sacrément bizarre même, quand on est parti seul sur son bateau depuis un jour et qu'on se trouvé à 20 milles (un peu plus de 35 km) de la côte. Je me retourne, et ne vois rien. Et pourtant le malaise est bien là. Y a un truc qui cloche sur ce bateau. Je ne suis pas seul. Une vraie histoire de fou ! Je deviens dingue ou quoi ? J'essaie de me raisonner lorsque, soudain, je me retourne en sursaut, et me retrouve nez à nez avec un fou qui était juste derrière moi, à 20 cm. Mais quelle trouille ! J'avais des fourmis dans tout le corps et le cœur qui battait la chamade. Mais d'où il sort, celui-là ?
En fait, nous n'étions pas exactement nez à nez, mais plutôt nez à bec. Perché sur la capote se trouvait un drôle d'oiseau : grand, calme, me regardant droit dans les yeux, sans bouger la moindre plume, il était là, le fou brun à tête grise.
Cet oiseau du grand large, endémique de la côte pacifique du Mexique, est un fabuleux planeur mais comme tous ses frères fous, il est surtout réputé pour se laisser tomber de 20 ou 30 mètres de haut pour attaquer des poissons à plus de 10 m de profondeur, n'hésitant pas à disputer sa proie à des dauphins ou requins. Quand je vous dis que j'avais affaire à un drôle d'oiseau.
Au début, il était un peu craintif et n'aimait pas que je m'approche de lui de plus de 20 cm, et puis, petit à petit, il est devenu très curieux.
Curieux, mais statique.
Il est resté plusieurs heures perché sur la capote, sans bouger autre chose que sa tête.
Et puis, il a tenté une descente de son perchoir, et ce ne fut pas brillant.
Il était tout maladroit, ses ailes étant plutôt un handicap qu'une aide à l'équilibre.
Pas en forme mon Tonto (cela veut dire fou en espagnol et c'est ainsi que je l'ai appelé).
Il marchait de guingois, comme s'il était saoul, et les plumes de ses ailes étaient tout en vrac.
Vraiment pas en forme, le Tonto.
Il est allé jusqu'à l'ancre, a essayé de battre des ailes pour tenter de s'envoler,
  mais est revenu, dépité.
 J'ai essayé de lui remonter le moral en lui proposant du poisson tout frais que je venais de pêcher,
mais sans succès.
 
Ensuite, visiblement épuisé de sa journée, il est venu se mettre près de moi,
et la tête sous son aile, il s'est endormi.
 Une grosse nuit pendant que moi je veillais.
Au petit matin, il avait beaucoup de choses à me dire,
mais en silence.
 Refusant toujours mon poisson frais, il a entrepris sa toilette qui a durée trois heures.














Et vas-y que je te lisse les plumes de gauche



































Oh mais j'ai une plume désordonnée du côté droit, aussi ...





















Une fois la toilette terminée, il a commencé sa conférence de presse.
 pour annoncer son prochain départ.
Vérification des données vent, position satellite, cap compas
Tout a l'air OK
 La tour de contrôle, vous me recevez ?
Attention je rejoins la piste de décollage.
 Et c'est parti ...
Ah ben non !!!
Je veux plus partir, car je suis si bien sur ce bateau.
Et oui !!! Il m'aura fallu une heure pour le motiver à rejoindre le large.
J'ai du le prendre dans mes bras, le soulever pour qu'il sente l'air frais,
écarter les ailes de son corps et finalement le jeter en l'air face au vent,
pour qu'il s'envole, enfin.
Tonto est donc reparti vers le large,
après avoir fait une drôle de rencontre : un humain !
Mais ça m'étonnerait qu'il ait retrouvé les siens car,
pendant son séjour sur le bateau,
nous avions parcouru 100 milles (presque 200 km !)

Bonne chance Tonto et
merci pour cette formidable rencontre.



5 commentaires:

  1. Merci pour ces très belles images de ce fou bien sympathique !

    RépondreSupprimer
  2. Très sympathique en effet, et j'ai eu un petit pincement au cœur quand il a fallu que je le lance en l'air, car que serait-il devenu dans une ville comme Acapulco. Et puis, surtout, que faire au cas où il se serait scratché au décollage ?

    RépondreSupprimer
  3. belle histoire de marins en tout cas !
    bon courage Didier et merci encore pour ces récits de voyage toujours aussi passionnants
    j'attends la suite !

    RépondreSupprimer
  4. Salut Gégée
    et oui la mer nous réserve toujours de belles petites surprises. Je pense qu'il y en a plein d'autres qui se préparent sur ma route en solitaire vers la mer de Cortez.

    Bises

    Did

    RépondreSupprimer
  5. Incroyable. Quelle chance as-tu eu de croiser ce fou.
    Gros bisous et bonne route.

    Noa dit que c'est surement parce qu'il t'aimait beaucoup qu'il ne voulait plus te quitter.

    RépondreSupprimer