Bienvenu sur le site de Sabay Dii

En laotien, Sabay Dii signifie "bonjour", "salut", "ça va"...
Dans la pratique, cette expression est utilisée chaque fois qu'on est heureux de rencontrer quelqu'un.
Pas étonnant que j'ai baptisé mon bateau "Sabay Dii", non ?

jeudi 15 août 2019

Côte Lycienne - Etape 6 : de Finike à Gökkaya Limani

24 juin 2019 - La sixième étape de la Côte Lycienne
Départ en matinée de la marina de Finike pour rejoindre une petite crique appelée la Crique des pirates, à Gökkaya Limani ; une navigation agréable d'une vingtaine de milles, en grands bords contre un vent WSW de 6 à 8 nœuds, habituel à cette époque de l'année. Arrivée dans l'après-midi dans ce joli coin qui est un dédale à aborder avec beaucoup de précautions la première fois, car les rochers émergés ou affleurants sont nombreux et non indiqués. Mais avec une bonne visibilité et de l'attention, cela ne pose pas de problèmes majeurs.
20 M vers l'WSW, donc contre le vent.
Gökkaya Limani, d'après Turquie-Chypre de Rod Heikell (Ed. Vagnon)
Trace de Sabay Dii dans Gökkaya Limani
Sabay Dii mouillé dans la Crique des pirates
Fin d'après-midi, Sabay Dii est seul, les autres bateaux étant tous mouillés dans les criques adjacentes, plus grandes
Au lever du jour, vue sur Gökkaya Limani depuis Sabay Dii, dans la Crique des pirates
Encore un matin paysible
Sabay Dii seul dans la Crique des pirates, le matin.


Après une nuit bien tranquille dans ce qui ressemble en miniature à un fjord, il est temps d'aller se dégourdir les jambes, car le coin se prête aux balades, notamment celle qui conduit, par une plaine rouge (visible en bas à gauche sur la photo ci-contre), aux restes d'un petit château datant de l'époque byzantine.

Le petit château vu depuis la mer.
La plaine rouge
Ce n'est pas vraiment une plaine mais plutôt une dépression, très plane qui fut cultivée à une époque.

D'en haut, on distingue bien les restes d'une exploitation agricole et pastorale.
Trace d'un ancien moulin à âne


















Une lavogne pour abreuver le troupeau
En plus d'un puits plein d'eau dans cette zone terriblemnt aride, on trouve des petites cuves taillées dans la pierre.

L'accès au château n'est pas aisé. Il faut crapahuter dans la caillasse et se frayer un chemin dans la végétation méditerranéenne qui fait tout pour écorcher les molets (chênes Kermès, genet scorpion, etc.). En patois languedocien, on dit qu'on "bartasse", pour insister sur la progression peinible dans le maquis.
Mais une fois arrivé en haut, quelle vue !
Un "gulet" a passé la nuit dans la petite crique située au pied de la colline du château.
Bain matinal pour ces heureux touristes
Après cette belle escapade, retour à l'annexe et au bateau pour aller, par la mer, à Kale Köy et Üçagiz Limani, dans un superbe endroit tout proche.
Rencontre avec une tortue terrestre
L'annexe est bien là avec son moteur. En Turquie, aucun risque de vol !
Et Sabay Dii a attendu sagement.

mardi 13 août 2019

Pourquoi ne pas naviguer à la voile avec un voilier

Cela fait maintenant trois mois que je navigue en Turquie, et je suis sidéré par le nombre de voiliers que je croise tous les jours (plusieurs dizaines), sans en rencontrer plus d'un ou deux, les grands jours, qui naviguent à la voile, et ce quelque soit le temps. Pour le petit temps, on peut comprendre mais quand les conditions sont idéales, comme par exemple avec 12 noeuds de vent de travers, cela devient absurde. Car faire avancer un voilier au moteur, c'est bruyant, polluant, et ça coûte de l'argent. Pourquoi ne pas préférer alors le bateau à moteur qui est optimisé pour ça (meilleur rendement, pas de quille d'où la possibilité d'entrer dans les petites criques, mais aussi bien plus stable et confortable qu'un voilier) ? Pas étonnant que dans les marinas turques qui ont au total une capacité d'accueil de plusieurs centaines de milliers de voiliers, ce soit tout le temps la queue à la station-essence. Quand je pense que mon dernier plein date de la Malaisie, alors que le réservoir de Sabay Dii ne contient que 150 L, et qu'il est loin d'être vide bien que j'ai du faire deux jours au moteur pour respecter la législation du Canal le Suez qui proscrit d'aller à la voile. Eh oui, mon moteur sert seulement pour activer le relais quand je dois descendre et remonter l'ancre, ou quand je manœuvre à l'intérieur d'une marina, ce qui est rarissime. Tout le reste du temps, Sabay Di vogue toutes voiles dehors, en silence, avec un sillage dépourvu de la moindre trace d'huile, de carburant ni de fumée.
Empreinte carbone : 0.
Voila le genre de bateau que je croise à longueur de journée.
Un voilier au moteur devant Sabay Dii.

En fait, les raisons pour lesquelles les vacanciers marchent au moteur, je crois les connaitre.

La première, qui se comprend aisément est qu'ils sont pressés. Pressés de faire en quinze jours l'exploraion d'une zone de navigation trop grande, de voir et tester toutes les criques, de s'arrêter dans tous les ports du secteur pour manger dans des restaurants divers et variés, pour lêcher les vitrines et au passage une glace le soir venu. Et pour ceux qui ont loué le voilier, amortir au maximum le coût de la location en étant sûr de ne pas prendre une pénalité pour retour tardif.


La deuxième raison est que beaucoup ne maîtrisent pas la technique de la navigation à la voile. Pour preuve, les loueurs de bateaux ne proposent que des voiles sur enrouleur, sans prise de ris. Il faut voir comment ces bateaux qui sont d'une simplicité d'usage formidable se retrouvent gréés et réglés en mer, le jour exceptionnel où l'on décide de faire un peu de voile. Les voiles faseillent ou sont surbordées, et la plupart du temps on n'en met qu'une alors qu'un voiler ne peut marcher correctement que quand les voiles d'avant et d'arrière s'équilibrent. Les virements et surtout les empannages sont parfois imprévus et de type Louis XVI (avec décapitation certaine d'un équipier perché au mauvais endroit (sur la trajectoire de la bôme). La palme revient à ce catamaran d'une quinzaine de mètres remontant face au vent, moteur à fond, mais avec un gennaker immense (au moins 200 m²) bordé à l'extrème et fasseyant contre les barres de flèches. Ce genre de voile, fragile et fait pour le vent de travers ne peut être utilisé à moins de 45° du vent, sous peine de freiner le bateau, voire de le rendre non maneouvrant, et le moindre contact avec une barre de flèche peut le déchirer de part en part. J'étais tellement sidéré de voir ce bateau que je n'ai pas eu la présence d'esprit de le photographier pour lui descerner la palme d'or du florilège-bétisier de la plaisance à voile qu'il faudra que je fasse un jour. Quant aux mouillages, ils se font très rarement, car mettre l'ancre est une manoeuvre redoutée. Du coup, presque tout le monde se presse pour avoir une place au quai d'un restaurant, car tous les restaurateurs avisés proposent une aide gratuite à l'amarrage sur un ponton qu'ils ont construit pour attirer le plaisancier. L'équipage est rassuré car il pourra manger et dormir tranquillement, le bateau étant solidement attaché et ne risquant pas de déraper pendant la nuit.
Le ponton plein d'un petit restaurant.
Mais c'est  la troisième raison qui semble l'emporter pour expliquer la navigation au moteur des voiliers. Que ce soit des propriétaires ou des locataires, tous ont besoin de leur confort habituel ; il leur faut donc à bord la fraîcheur (air conditionné, réfrigérateur pour la bière et congélateur pour les glaçons), puis à l'arrivée au mouillage ou au port, Internet, la télé, l'éclairage allumé dans toutes les cabines, sans oublier la douche tiède pour se dessaler après chaque baignade, les instruments de navigation avec de grands écrans couleur pour faire beau, et ainsi de suite. Les voiliers modernes sont suréquipés, et une grande partie des équipements n'est pas nécessaires pour naviguer sûrement et confortablement. La mode du moment est d'installer un éclairage sousmarin bleu qui fonctionne en permanence pendant la nuit, pour donner l'impression que le bateau flotte sur un nuage céleste. Et plus l'éclairage est puissant et étendu, plus cela signifie que le bateau est grand, luxueux et cher. De quoi rendre son propriétaire bien fier ! Heureusement tout le monde n'en est pas là, mais la règle tacite n'en demeure pas moins que, en général, le plaisancier est rassuré quand il retrouve à bord presque tout ce qu'il a à la maison. Le constat est inquiétant dans un monde menacé de réchauffement planétaire, car la plaisance est, avec la randonnée pédestre et quelques autres formes de vacances éco-responsables, une activité qui a toutes les caractéristiques pour être naturelle, dépaysante, et respectueuse de l'environnement. Mais, dans la plupart des cas, le plaisancier n'a pas profité du changement de situation et de milieu pour changer de posture. Il reste le consommateur frénétique et exigeant qu'il est le reste du temps. Du coup, il lui faut de l'énergie, beaucoup d'énergie, en 12 V et en 220 V pour pouvoir "profiter" sans restriction de la vie sur un bateau. Et quand on ne l'a pas équipé de panneaux solaires, d'éolienne et/ou hydrolienne, il faut faire tourner un alternateur ou un groupe électrogène à longueur de journée et même de nuit. Le moteur marche donc la plupart du temps pour charger les batteries et produire du 220 V.
Les superbes voiliers que l'on voit partout en Turquie sont très cher par des touristes voulant faire un périple de plusieurs jours dans les îles turques. Mais, contrairement, aux apparences ils ne marchent qu'au moteur




Finalement et paradoxalement, sans en être conscients le moins du monde, les plaisanciers qui naviguent au moteur avec un voilier portent une grande responsabilité dans le non-respect de l'environnement. Ils sont plus énergivores et pollueurs que les sédentaires qui ont une installation domestique très optimisée grâce à l'organisation collective de la production d'électricité.
Oh ! Une voile à l'horizon. Extraordinaire !
Mais c'est les vacances, et on en profite. On ne va quand même pas nous ennuyer et nous culpabiliser au meilleur moment de l'année ? Non mais !
Ce faisant, tous ces plaisanciers ratent quotidiennement de formidables occasions de passer quelques heures dans une quiétude parfaite, loin des criques bondées, sans le vacarme des gulets ni l'excitation hystérique des touristes dansant sur le pont des bateaux au rythme du DJ, ou hurlant en se jetant à l'eau. Rien que le doux bruit du clapotis sur la coque qui glisse gracieusement sur une mer d'émeraude.

Et pour finir,  l'exception qui confirme la règle : ce superbe voilier parfaitement réglé remontant au vent en tirant des bords soignés alors que je descendais vent arrière. Oui, mais c'est un bateau de propriétaire et non un bateau loué, et il est français. Eh oui ! Cocorico : les français (mais aussi les anglais) sont traditionnellement des amoureux de la voile, et ils naviguent à la voile le plus souvent possible. Ouf !

jeudi 8 août 2019

Côte Lycienne - Etape 5 : de Çineviz Limani à Finike

Ce 21 juin 2019 fut une journée exceptionnelle à plus d'un titre
D'abord, que ce soit pour Sabay Dii ou pour tous les autres voiliers de la planète, ce jour est le solstice d'été, donc le plus long de l'année, et il faut en profiter pour faire une longue navigation.
Ce fut le cas pour Sabay Dii : 48 milles nautiques au programme du jour, avec plusieurs caps à passer.
Carte du Guide de navigation de Turquie (Ed. Vagnon)
On peut voir tout le début de la croisière,
depuis le point de départ Antalya (en haut à droite) jusqu'à l'objectif du jour, Finike (en bas à gauche)
Le détail de la navigation du jour
Deuxième élément exceptionnel, l'obligation d'arriver à destination, contrairement aux habitudes du Capitaine qui n'aime pas avoir à atteindre à tout prix un point donné, car l'empressement est très souvent la cause des fortunes de mer. Mais aujourd'hui, comme vous allez le voir, il n'y a aucun risque.
Que je vous explique pourquoi il fallait que j'arrivasse à Finike avant 20 heures ...
En arrivant en Turquie, en avril, j'ai souscrit un contrat pour un an dans la Marina d'Antalya qui appartient au groupe Setur. Ce faisant, j'ai le droit de passer 30 nuitées, gratuitement, dans les autres marinas de la chaîne, dont la Setur Finike Marina, à condition d'avoir réservé à l'avance. En partant d'Antalya pour ma croisière sur la Côte Lycienne, une semaine plus tôt, j'avais fait ma réservation pour le 21. Voila pourquoi aujourd'hui, je dois cravacher Sabay Dii, le pauvre. D'autant que la météo n'est vraiment pas favorable : pétole le matin, pétole le midi, et peut-être encore pétole le soir.
Sortie de Çineviz Limani, le matin.
La mer va ressembler à ça une bonne partie de la journée.
Le plus exceptionnel est que je vais avancer une partie de la journée ... au moteur ! Oui ! Vous avez bien lu. Moi qui me targue de faire du "pure sailing" depuis pratiquement 10 ans, je vais devoir rengorger ma vanité chaque fois que je démarrerai le Volvo pour suppléer la brise évanescente qui apparaît et disparaît aléatoirement sur la mer tantôt d'huile tantôt légèrement frissonnante.
Heureusement, il y avait souvent trois nœuds de vent, suffisant pour avancer à la voile.
Vous avez peut-être remarqué sur la photo ci-dessus que je tracte l'annexe au lieu de la charger sur le pont comme d'habitude, et qui plus est avec son petit moteur hors-bord, alors que je n'utilise habituellement ce frêle esquif qu'à la rame, lorsque je suis seul à bord, c'est-à-dire la grande majorité du temps. A cela, une raison qui n'en est pas une : j'ai fait une petite erreur dans mon calendrier et me suis aperçu ce matin que je l'on n'était pas le 20 avril mais le 21. Moi qui avais l'intention de faire un peu de maintenance mécanique (ce qui nécessite de faire tourner le moteur hors-bord quelques minutes pour qu'il soit chaud), je me retrouve précipitamment à lever l'ancre en urgence pour rejoindre Finike et sa Setur Marina. Décidément, cette journée est vraiment spéciale.
Et ce n'est pas fini pour cette journée d'exception, car j'ai attrapé un maquereau, le seul poisson pêché dans les eaux turques en trois mois de navigation. Une misère. Mais ce poisson frais a été dégusté comme un met exceptionnel.
Départ donc le matin vers 9 heures, en urgence, de la jolie baie de Çineviz, dans la pétole.
L'unique poisson figure sur ma carte.
Il n'y en avait qu'un donc inutile de retrouver les coordonnées de cette pêche miraculeuse !
Sortie à la voile. Les rochers qui obstruent l'entrée sont facilement repérables,
et à la vitesse à laquelle Sabay Dii se traîne ...
Il faut bien se rendre à l'évidence, il n'y a pas assez de vent pour aller à Finike à la voile.
Donc je mets en route la brise Volvo. 
Salut Çineviz Limani
La navigation va me voir éteindre puis allumer le moteur en essayant de profiter de la moindre risée, jusqu'au Cap Çavuş.
Détail de la façade orientale du Cap Çavuş.
Des falaises et des grottes.
Façade Est de Cap Çavuş. Plus de vent
Façade Ouest de Cap Çavuş. Pas plus de vent.
A midi, pause dans la baie de Çavuş, en espérant que le vent se lève, pendant que le maquereau cuit au four, en papillote
Effectivement, vers 13 heures, le vent se lève légèrement et Sabay Dii repart à la voile, et ce sera ainsi presque jusqu'au bout.
Mais il reste un sacré bout de chemin à faire avant 20 heures et la fermeture de la marina de Finike.
Le passage du Cap Taşlik va être compliqué, avec vent faible et courant dans le nez, d'où des bords carrés à tirer. Plus d'une heure et demie pour un petit peu plus d'un mille, seulement.
Au voisinage de l'une des cinq îles de Besadalar, le vent tombe (je roule le génois et me prépare à mettre le moteur en route), mais revient rapidement, toujours très léger. Ouf !
Encore une rareté de la journée, des oiseaux marins.
Cette partie de la Méditerranée est un vrai désert animal.
Une fois le cap passé, tout s'améliore. Le vent monte même à 20 nœuds et je suis obligé de passer de génois à trinquette. A 19 h 30, pour arriver à temps, je fais pour la première fois depuis très longtemps de la voile à l'"australienne" en mettant le moteur en marche avec les voiles, histoire de gagner quelques minutes. Mais la marina de Finike m'annonce gentiment par VHF qu'ils m'ont aperçu et qu'ils m'attendent.
Finalement, cette journée tout-à-fait exceptionnelle se terminera par une arrivée à 20 heures pétantes, avec quand même deux heures et demie de moteur sur les onze passées sur l'eau. Acceptable !