Bienvenu sur le site de Sabay Dii

En laotien, Sabay Dii signifie "bonjour", "salut", "ça va"...
Dans la pratique, cette expression est utilisée chaque fois qu'on est heureux de rencontrer quelqu'un.
Pas étonnant que j'ai baptisé mon bateau "Sabay Dii", non ?

vendredi 29 mars 2019

Quelques nouvelles fraîches depuis ... l'Egypte

Je suis juste en train de vous préparer des images du Soudan où Sabay Dii a fait escale quelques semaines en mars, que déjà il est ailleurs. Sabay Dii n'attend pas. 

Alors, quelques nouvelles fraîches ...
  • Sabay Dii est arrivé en Egypte, il y a une semaine.
  • Après avoir passé deux mois à bord, Bernard est rentré en France pour satisfaire à quelques obligations familiales.
  • De mon côté, j'ai profité de la halte égyptienne pour aller faire un tour à Louxor et Karnak où, évidemment, j'ai fait encore et toujours plein de photos.
  • Et puis, dans deux jours (le 1er avril, mais ce n'est pas un poisson), je reprends la mer en solo, direction Suez. Les prévisions météo sont très favorables, et après tout le mauvais temps encaissé dans cette satanée Mer Rouge (les deux autres voiliers français qui remontaient comme moi vers Suez ont coulé !!!), un peu de petit temps me permettra de ne pas me mettre dans le rouge pendant mes veilles nocturnes, d'autant que la région dans laquelle je m'engage est pleine de champs pétrolifères avec derricks, plate-formes d'exploitation, pipe-lines, barges de transport de matériels, pétroliers, transbordeurs de personnel, etc.
  • Le "Kapitaine" est en forme, se plaît toujours autant en mer, mais cela ne l'empêche pas de penser à celles et ceux qu'il a laissé(e)s à terre.
  • Et comme d'habitude, la Terre continue à tourner, et la Mer avec.

mardi 26 mars 2019

De Djibouti au Soudan


Djibouti se trouve dans le talon de la Mer Rouge, l'autre extrémité étant Suez.
C'est donc à partir de Djibouti que Sabay Dii s'est engagé dans la longue remontée de la Mer Rouge  pour rejoindre plus tard la Méditerranée, via le Canal de Suez. Au programme, plus de 1350 milles à vol d'oiseau, mais Sabay Dii ne vole pas, et comme vous le verrez bientôt, il a du batailler ferme contre un vent souvent violent et contraire, et contre un courant de Nord quasi permanent. Et tirer des bords contre le vent rallonge méchamment la distance (vous la connaîtrez quand Suez sera atteint).
Mais pour le moment, nous ne sommes qu'au début de ce périple, quittant à peine Djibouti pour un saut de puce : l'île Moucha.
L'île Moucha n'est qu'à une dizaine de milles de Djibouti
Les djiboutiens aiment aller à l'île Moucha, le week-end, pour se dépayser et se changer les idées.
Nous avons mouillé entre les îles Moucha et Mascali, par quatre à cinq mètres d'eau sur fond de sable blanc. Pourquoi commencer par une si petite étape quand on a beaucoup de milles devant l'étrave ? Eh bien, tout simplement pour faire comme les Djiboutiens : oublier Djibouti, même si le séjour y fut agréable, et surtout pour enlever la crasse accumulée en une semaine de stationnement non loin de la zone portuaire qui est le siège d'un transbordement quasi-permanent de charbon. Une journée entière à nettoyer à grand coups de seau d'eau de mer le bateau et l'annexe, les cordages et la capote, les winchs et les bloqueurs, les tangons et les pare-battages, ...
Une fois Sabay Dii redevenu lui-même, c'est-à-dire propre et bien rangé, et la météo étant favorable, nous avons pris le vrai départ pour la remontée de la Mer Rouge. C'était le 23 février au petit matin.
Petite brise de Nord, et mer juste un peu clapoteuse, au près serré, nous avons traversé le Golfe de Tadjoura en nous rapprochant petit à petit d'Obock, une petite ville sur la côte occidentale de Djibouti où vécut Henry de Monfreid qui fut un personnage absolument hors du commun.

La maison d'Henry de Monfreid, à Obock






























Aventurier, contrebandier, faussaire, peintre, photographe, c'est un navigateur hors-pair qui avec des bateaux de sa construction (comme l'Altaïr, une goélette de 25 mètres avec seulement 2 mètres de tirant d'eau, gréée de voiles auriques) va sillonner la Corne de l'Afrique et la Mer Rouge en se jouant des innombrables bancs de récifs, et des tempêtes à répétition.
A tous ces talents, il faut ajouter celui d'écrivain. C'est Joseph Kessel qui; fasciné par sa personnalité, le poussera à écrire. Monfreid va tirer de ses aventures maritimes dans les eaux littorales de la Corne de l'Afrique et dans la Mer Rouge, des romans où les observations maritimes et ethnologiques alternent avec la description cynique de ses exploits de contrebande (livraisons d'armes, de haschich ou de morphine), donnant à ses livres un parfum d'aventure maritime et exotique très réaliste puisque vécue.
Son premier livre, Les Secrets de la mer Rouge, écrit en 1931, est aussi le premier livre que j'ai lu de lui, et cela m'a donné une envie irrésistible de lire les suivants. Quand on parle de littérature d'aventure maritime, on pense toujours au trio, Herman Melville, Jack London et Joseph Conrad, mais c'est oublier Henry de Monfreid qui mérite, sans nul doute, d'être associé à ses trois mousquetaires de la mer et de l'écriture.

A 11 heures, nous laissions par le travers Obock et les souvenirs des lectures d'Henry de Monfreid et réussissions quelques temps plus tard à parer le Ras (Ras = Cap en arabe) Bir en remontant au près serré tribord amure (vent d'ENE). Tout se goupillait bien, puisque, en un seul bord et quelques heures, nous étions sur le point de nous engager dans la Mer Rouge.
Mais ce passage a été de tout temps considéré par les marins comme une épreuve des plus redoutables. Car la Mer Rouge, de par sa formation géologique (la séparation de l'Afrique de l'Est et de l'Asie de l'Ouest, à cause du mouvement des plaques continentales) a la particularité d'être un vrai fossé bordé de montagnes, sur ses deux côtés. C'est la situation idéale pour faire de cette mer une vraie tuyère à vent. De plus, Bab El Mandeb ("la porte des lamentations", en arabe) qui est l'entrée Sud de la Mer Rouge, est un vrai verrou qui par effet venturi, renforce le vent qui atteint la force 7 à 8 pendant la moitié de l'année, que ce soit de direction Sud ou plus souvent de direction N. L'endroit est finalement bien plus venté que le Cap Horn.
En orange, le verrou de Bab el Mandeb, avec plus de 30 noeuds de vent
Ayant attendu sagement à Djibouti que le vent furieux de Nord qui soufflait à Bab el Mandeb se calmât, nous nous attendions à passer dans la souricière avec un vent du Sud portant et très fort. Mais ce ne fut pas exactement le cas. En effet, en approchant de l'entrée de la Mer Rouge, logiquement, comme à son habitude, le vent tourna vers l'Est, puis le Sud-Est, mais étonnamment sans se renforcer. Nous nous retrouvions ainsi, avec un vent de trois-quart arrière, soutenu mais régulier, idéal pour naviguer de jour comme de nuit, en faisant beaucoup de milles. Décidément, tout se goupillait à merveille pour ce début de traversée de la tant redoutée Mer Rouge.
Bernard supervisant la navigation,tout en surveillant d'un demi œil entr'ouvert le pilote automatique
Le Capitaine faisant prendre l'air à sa barbe de près de deux mois,
tout en surveillant la tension artérielle de Ba, pour éviter un "burn out"
Pendant ses longues heures de navigation sans soucis, le principal divertissement résidait dans l'observation des nombreux bateaux (cargos, porte-containers, bateaux de guerre, pétroliers, etc.) circulant parallèlement à nous.
Bateau de guerre escortant des cargos circulant furtivement sans AIS ou avec la mention "bateau armé"
Pour égayer cette douce croisière, des dauphins vinrent batifoler à plusieurs reprises autour de Sabay Dii.
Une autre visite, bien plus surprenante apporta elle aussi un peu d'animation à notre voyage très tranquille ...
Visite incongrue d'un hibou perdu en mer, à plus de 100 km de la côte la plus proche
Ces conditions très agréables vont durer 5 jours (c'est-à-dire jusqu'au 28 février en fin de soirée), pendant lesquels nous allons remonter entre l’Érythrée et le Yémen, en nous tenant bien éloigné des côtes de ces deux pays, pour éviter les mauvaises rencontres côté yéménite, et les innombrables récifs de la côte érythréenne. Et puis, changement de musique. La Mer Rouge va nous montrer ce dont elle est capable : vent passant en quelques minutes de force 4 de Sud à force 6 à 7 de direction opposée, très irrégulier en force et direction, mais surtout vagues de 3 à 4 mètres de haut, parfois déferlantes, et séparées d'à peine 15 mètres, soit un tout petit peu plus que la taille de Sabay Dii. D'une brutalité incroyable, et arrivant de façon chaotique de face comme de côté, elles cognaient dans un bruit effroyable la coque de Sabay Dii. Sous leurs impacts, impossible de se tenir debout, ni assis, ni même couché (Bernard qui a tenté de s'allonger sur son lit décollait régulièrement de plusieurs centimètres). La seule solution, dans cette séance de puching-ball était de bien se cramponner pour ne pas être projeté et se blesser.
Ce rodéo va durer près de 36 heures pendant lesquelles il fut impossible de se nourrir ou de se reposer, ni même d'aller au toilette. Et pour parachever ce scénario de film d'épouvante, Sabay Dii n'avançait pas vite car à chaque fois qu'il reprenait un peu de vitesse, il se faisait stopper net par une vague à l'attaque frontale.
Un grand détour est nécessaire pour éviter les milliers de récifs mal repérés sur les cartes de la Mer Rouge
C'est très fatigués et lassés de ce chaos qui avait trop duré que nous sommes arrivés à la côte soudanaise où les conditions étaient moins dures. Vers huit heures du matin, le port de Suakin (ou Swakin ou Sawakin) que nous avions pris pour objectif était en vue. Nous allions enfin pouvoir nous reposer au calme.
Ciel au lendemain du coup de vent
Pêcheurs soudanais devant Port Suakin
Dans le chenal de Port Suakin
Encore 300 m et nous pourrons jeter l'ancre
Au total, presque 700 milles parcourus et nous ne sommes même pas au tiers du parcours. La remontée de la Mer Rouge nous promet des surprises côté météo, c'est sûr !

samedi 23 mars 2019

Djibouti et ses paysages

Ayant pu découvrir, il y a une dizaine d'années, de merveilleux paysages non loin de la ville de Djibouti, j'avais envie de les revoir mais en venant de la mer. J'ai donc demandé aux autorités portuaires les démarches à suivre pour pouvoir aller dans le Golfe de Tadjoura et surtout au Ghoubbet El Kharab, à une trentaine de milles à peine, vers l'Ouest.
Je m'attendais à ce que l'on me dise qu'il n'y avait rien de spécial à faire. Quelle fut ma déconvenue lorsque j'appris qu'il en coûtait 280 $ par personne simplement pour pouvoir sortir du port de Djibouti en bateau et naviguer dans les eaux djiboutiennes. Et ce n'est pas tout, car il ne suffit pas de payer ce droit à l'état. Encore faut-il faire les démarches par l'intermédiaire d'une agence de voyage agréée qui bien évidemment se sucre au passage. Les contraintes en temps et routes maritimes à suivre sont telles qu'on devient certain que tout ce règlement est fait pour n'avoir aucun bateau de croisière dans les eaux territoriales. Je voulais faire découvrir ce petit joyau à Bernard, mais de telles exigences nous ont complètement découragés.
L'anse de Ghoubbet El Kharab est un concentré de ce que Djibouti a de plus beau à montrer.
Pour y entrer, il faut emprunter une passe minuscule (celle du Nord) au bon moment car le courant peut y atteindre la vitesse ahurissante de 7 à 8 nœuds. Une fois à l'intérieur, les mouillages sont nombreux et le spectacle féerique, avec à l'Ouest le volcan de Guinni Koma et la belle Anse Gabrielle, au Sud l'île du Faré, l'île Parrot et l'Anse d'Al Toubib, sans oublier la Baie du Lac Salé au Nord-Ouest et celle de l'étoile au Nord-Est.
Le Guinni Koma (image CNES)
Et ce n'est pas tout car l'endroit est fréquenté entre décembre et février par des requins-baleines.
Pour ceux qui aiment marcher, cette baie est l'endroit idéal pour rejoindre le Lac Salé ; coup de cœur garanti. Mais bon, Bernard a du se contenter de quelques photos que j'avais faites à l'époque, en venant dans le coin, plus classiquement en voiture.
D'abord, il faut sortir de Djibouti-ville, mais c'est très facile car on est dans une petite agglomération, et comme toute agglomération africaine, le bidon-ville encercle le centre-ville.

On emprunte alors l'inévitable route qui relie Djibouti à Addis Abeba et qui est l'aorte du territoire, tant les échanges économiques et de population se font sur cet axe dans les deux sens.
Grosse circulation
Le bord de la route est parfois assez impressionnant ...
Les paysages sont souvent presque exclusivement minéraux.
Comme Djibouti est tout petit, on est toujours près d'une frontière (ici celle d'Ethiopie)
Pour rejoindre Le Golfe de Tadjoura et Ghoubbet El Kharab, on peut prendre une route mais il y a aussi plusieurs pistes
La route est parfois occupée par des nuées de singes
Joli mais pas très "amical"
Comme dans la plupart des pays d'Afrique, et encore plus dans la Corne de l'Afrique (Somalie, Ethiopie, Djibouti, Érythrée), presque personne n'a d'autre moyen que de se déplacer à pied.


Et marcher à pied sous un soleil de plomb n'est pas facile même quand les paysage sont grandioses
 Après avoir tourné vers la droite, le paysage change un peu, et l'on commence à pressentir la mer ...
Le Golfe de Tadjoura dans lequel Henry de Monfreid vécut quelques unes de ses plus belles années
Le Ghoubbet El Kharab au premier plan, et le Golfe de Tadjoura en arrière-plan
Le Guinni Koma
Mais quand on est arrivé au Ghoubbet, une surprise nous attend : le Lac Assal.
Son nom nous laisse deviner un peu à quoi nous attendre, mais quand même ...
Voilà où je voulais retourner, et cette fois, à la voile, avec Sabay Dii, mais les autorités maritimes de Djibouti en ont décidé autrement. Dommage !
Dommage qu'une fois de plus, des administrations soient aussi frileuses à ouvrir leur espace maritime aux voiliers de croisières, alors que dans ces contrées, la grande partie des trafics se fait par la terre. Pour excuse, elles pourraient invoquer la piraterie qui existe encore dans la région de la Corne de l'Afrique, notamment dans le Golfe d'Aden, mais cet argument ne tient pas quand on connait la position géographique du Ghoubbet El Kharab, complètement confiné, et où l'on ne peut accéder qu'en passant au milieu d'une armada de bateaux de guerre français, américains, coréens, japonais, chinois, espagnols, italiens, etc.
Les merveilles de Djibouti ne sont visibles que par voie terrestre, et ceci sans aucune contrainte, heureusement.
Bye bye Djibouti